Les insomnies écolos du Clan du néon

Les insomnies écolos du Clan du néon

En juillet 2007, deux Parisiens, Dali et Bruce, écrivaient les principes fondateurs du Clan du néon. Aujourd’hui, ce groupe mouvant d’action directe non-violente traque toujours les gaspis urbains. Mieux, les éteigneurs de néons agissent dans plusieurs villes. Ils passeront peut-être demain chez vous.

Il y a quelques mois, Le Mague s’arrêtait sur les actions des Déboulonneurs de pub rouennais. Dans le même esprit, saluons à présent le Clan du néon qui mène des assauts salutaires contre les enseignes lumineuses.

C’est la nuit que le Clan du néon passe à l’action. Non pas parce que ces militant-e-s aiment agir dans l’ombre (bien au contraire), mais parce que c’est lorsque le jour disparaît que les maudites enseignes se mettent à cracher leurs vilaines couleurs. C’est comme ça. Quand les boutiques sont fermées, des kilomètres de néon envahissent les rues.

Mais à quoi sert cette débauche de néons aux heures où, à priori, tout le monde dort ? « À rendre la ville plus belle, plus dynamique, plus attractive », diront les commerçants et les adorateurs du libéralisme clinquant. Des enseignes publicitaires allumées représentent surtout une agression publicitaire supplémentaire. En quoi les logos agressifs de grandes chaînes de distribution ou de restauration, de banques, de boutiques de mode… embelliraient nos rues et nos vies ?

En prime de l’invasion publicitaire, il n’est pas inutile de pointer le gaspillage que représentent ces façades de néon. Les tubes lumineux ont une puissance moyenne d’environ 50Wh au mètre. Bonjour la facture d’électricité (sans compter l’éclairage des vitrines). Plusieurs centaines de milliers d’euros sont gaspillés. Une gabegie qui claque comme une insulte à la face des foyers modestes qui ont du mal à payer leurs factures EDF plombées par des besoins légitimes.

Chaque année, on tente de sensibiliser l’opinion publique sur les économies d’énergie en faisant symboliquement éteindre les lumières des foyers pendant quelques minutes. Le 29 mars, pour l’Earth Hour, quatre cents villes de trente-cinq pays ont éteint leurs monuments pendant une heure. Soit. Pourquoi ne pas mettre la pression sur les commerces diffuseurs de pollution visuelle toute l’année ? Comment justifier l’impact écologique de ces enseignes, clignotantes ou non, qui n’attendent pas toujours la nuit pour nous taper dans l’œil ? À ces arguments, le Clan du néon en ajoute un : le besoin de réduire les pollutions lumineuses pour pouvoir admirer les étoiles...

Plutôt que d’attendre une loi qui ne viendra pas, le Clan du néon prend tout de suite les choses en main en éteignant un à un les néons inutiles. C’est bête comme chou. Il suffit de désactiver les boîtiers électriques qui se trouvent près des enseignes. Un petit clic et le tour est joué. C’est simple et non-violent. Il n’y a aucune dégradation. « Nous sélectionnons avec attention les néons que nous éteignons, avertissent Dali et Bruce sur leur blog. Nous n’agissons jamais sur un commerce ouvert, un café ouvert, une pharmacie ouverte... Nous luttons avant tout contre l’utilisation abusive des néons au service de la publicité. En revanche, en cas d’abus, nous n’hésitons pas. » Les banques sont dans le collimateur. Une enseigne indiquant un distributeur de billets, d’accord. Toute une banque allumée, c’est non.

Pour agir, le Clan du néon recommande un équipement adapté à la situation. Une blouse pour éviter de se salir, des gants pour ne pas s’abîmer les mains, de bonnes chaussures pour ne pas se tordre les chevilles en sautant. N’oubliez pas non plus les lunettes se soleil pour ne pas être ébloui par les néons et des perruques ou des chapeaux farfelus parce que cette réappropriation de l’espace public est aussi une fête. Un accoutrement égalitaire. Pas de leader. Tous responsables.

Que risquent les ami-e-s des étoiles ? Pas grand-chose. De quoi pourrait-on en effet les accuser s’il n’y a pas de dégradation ? Les néons éteints peuvent être facilement rallumés. Si un annonceur peut porter plainte contre des personnes qui barbouillent ou recouvrent des affiches coûteuses, il est difficile d’évaluer le préjudice subit par l’extinction d’un néon. Au contraire, la « victime » pourrait même remercier le Clan pour les économies d’électricité réalisées. En fait, le risque le plus important serait de se blesser en atteignant l’interrupteur de l’enseigne. La courte échelle étant périlleuse, l’utilisation d’un escabeau ou d’une perche style « allumeur de réverbère » peut être conseillée.

Après Paris, de nombreuses villes sont touchées par cette sympathique guérilla urbaine anti-néons. Annecy, Lyon, Caen, Avignon, Nantes, Strasbourg, Lille, Saint-Étienne, Bordeaux, Belfort, Brest, Rouen, Rodez... ont des clans qui peuvent agir sous divers noms. Une carte de France fait le point sur l’actualité du mouvement sur le blog national du Clan du néon. Vous trouverez également à cette adresse de nombreuses vidéos (parfois acrobatiques et spectaculaires), des liens vers des blogs de plusieurs villes (dont les géniales Manifs de droite et autres Dégonfleurs de 4x4), une belle revue de presse…

Entrez dans la danse avec cette attachante bande à néon qui est tout sauf obscurantiste. Oui aux villes attachées aux Lumières. Non aux villes polluées par les enseignes lumineuses !

(Photo Xavier Rossi)