LA DERNIERE ETREINTE, une pièce écrite, jouée et mise en scène par Isabelle Toris-Duthillier

LA DERNIERE ETREINTE, une pièce écrite, jouée et mise en scène par Isabelle Toris-Duthillier

Le Pitch : Cette pièce se déroule pendant le procès de la reine Marie-Antoinette le 16 octobre 1793 au matin. Basée sur des faits historiques, c’est également une fiction émouvante sur la femme et la mère qu’elle put être. Nous assistons à la plaidoirie de l’avocat Chauveau-Lagarde, accusé par le Comité de sûreté générale d’avoir si bien défendu la reine, pour revenir sur l’affaire du collier…

Pour la première fois au théâtre, la pièce met en avant la jeune servante qui partagea les soixante-seize derniers jours de Marie-Antoinette… Rosalie Lamorlière prit soin de la dernière reine de France dans l’antichambre de la mort.

La Dernière Étreinte est un ultime moment de tendresse avant la montée à l’échafaud...

Notre avis : Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne s’agit pas là d’une pièce historique au sens premier. On a affaire davantage ici à une oeuvre théâtrale d’une grande modernité, qui bien que rigoureusement exacte d’un point de vue historique et très didactique sans être explicative, est avant tout un regard distancié sur un drame de l’Histoire de France. Nous sommes dans l’apothéose d’une Diachronie, très littéraire, savamment orchestrée.

L’auteure Isabelle Toris-Duthillier offre un regard neuf sur les derniers jours de Marie-Antoinette, un regard de femme, un regard féministe dans la meilleure acception de ce terme. C’est une focale engagée sans être militante ou prosélyte, c’est une écriture ciselée, forte et émouvante qu fait mouche avec une efficacité redoutable et le meilleur timing. L’auteure a choisi de montrer une autre Antonia, une autre Marie-Antoinette, une autre Antoinette. Car avant d’être Reine de France, celle qu’on nommera toute sa vie et après sa mort, « l’autrichienne » souffrira de tous les maux, elle sera salie par l’Histoire et les livres, traitée de dépensière, d’hystérique, bien sûr, et de nymphomane, de perverse, d’incestueuse pour achever le cruel tableau misogyne.
Cette pièce est une réhabilitation de sa vie, de sa mort, de sa mémoire. Avant d’être une reine guillotinée en 1793, elle est une femme déracinée, dépaysée, malheureuse, une femme attaquée, vilipendée, humiliée , une femme perdue abandonnée à un destin cruel, une femme mal mariée mais surtout une mère qui ne verra son réel bonheur qu’à travers ses enfants.
L’autre belle idée originale de cette pièce qui pose des questions philosophiques, politiques et sociales majeures, c’est cette belle confrontation « amoureuse » finale au sens le plus sain du terme entre Marie-Antoinette et sa bonne, Rosalie Lamorlière.

Deux femmes que tout oppose, la naissance, le rang et qui s’aiment, se soutiennent et restent fidèles l’une vers l’autre jusqu’au bout. Hors protocole une relation forte, unique et profonde se lie entre une reine et sa petite bonne. Dans la pièce elles finissent d’égale à égale dans une dernière étreinte d’une grande beauté plastique, émotionnelle et de sens.
Isabelle Toris-Duthillier, malgré une triple casquette d’auteur, metteur en scène et comédienne, a trouvé le temps de mettre toute son énergie et son talent dans l’incarnation saisissante de Marie-Antoinette, belle, tremblante, chavirée mais digne jusqu’au bout. Il y a là la rencontre d’une artiste et d’un personnage, on sent bien que cette dualité Isabelle/Marie-Antoinette n’est pas anodine. Il y a quelque chose d’essentiel et d’infiniment profond dans la volonté de l’auteure-comédienne de proposer une vision unique et pertinente de la Reine de France, une femme intelligente et ultra sensible d’aujoud’hui qui regarde avec bienveillance une femme mythique d’hier.

Maddy Dubois est une Rosalie Lamorlière de grand talent, elle n’incarne pas, elle est le personnage, juste et implacable, jouant de tout son coeur et de toute son âme cette femme du peuple d’un si grand courage et d’une si belle fidélité à sa reine.
A noter la composition tout à fait exceptionnelle de Patrice Faucheux dans le rôle de l’avocat Chauveau-Lagarde. Sa voix, sa faconde, son jeu donnent une leçon de réthorique et de théâtre, il est d’une crédibilité rare . Patrick Dogan dans un double rôle, celui du soldat et l’autre d’un procureur tire bien son épingle du jeu au milieu de ces comédiens remarquables.

Une écriture fluide et efficace qui raconte sans démontrer outre mesure, une mise en scène d’une élégance rare, un décor superbe comme un écrin de luxe, des costumes justes éblouissants, une lumière absolument magnifique et une casting de très haut niveau, Isabelle Toris-Duthillier fait très fort avec cette approche très personnelle et sensitive des derniers jours de Marie-Antoinette. On révise nos classiques, on réfléchit, on est ému et on assiste à un spectacle d’une grande beauté plastique. La dernière Etreinte est une réussite formelle qui donne du sens, on en ressort grandi, touché au coeur par ce drame, humain, politique et social qui dit beaucoup sur la condition des femmes à travers les siècles et qui remet les pendules sur la vraie histoire et les drames intimes et véritables de La reine de France la plus célèbre et fantasmatique de toute l’Histoire de France.

Pièce vue le 28 octobre à 20 heures au Theatre Dejazet à Paris.

La dernière Etreinte, écrite, jouée et mise en scène par Isabelle Toris-Duthillier. Avec Maddy Dubois, Patrice Faucheux, Patrick Dogan. Costumes : Benjamin Warlop, lumière : François Kraemer et musique Alain Baraige.