Tu te souviens de quoi, toi ? Mémoire, Sensorialité et...les Autres !

Tu te souviens de quoi, toi ? Mémoire, Sensorialité et...les Autres !

Il me semble important de préciser que je suis passionnée par l’étude anthropologique des odeurs.
Je suis anthropologue, mais je n’ai jamais voulu me limiter à l’étude culturelle et sociale.
Mon travail s’axe toujours entre le culturel et le corporel, dans ce lien mince mais essentiel entre ce que dit notre tête et ce que dit notre corps. J’ai ainsi découvert l’anthropologie cognitive et j’ai pris la décision de chercher le plus profondément possible à comprendre comment notre manière de vivre influençait notre perception sensible du monde, mais aussi, a l’inverse, comment nos sensations modifiaient notre manière sociale et culturelle de faire, de grandir, de vivre.
Car le monde est un océan de sensorialités dont il est difficile de comprendre la complexité.

Il me semble important de préciser que je suis passionnée par l’étude anthropologique des odeurs.
Je suis anthropologue, mais je n’ai jamais voulu me limiter à l’étude culturelle et sociale.
Mon travail s’axe toujours entre le culturel et le corporel, dans ce lien mince mais essentiel entre ce que dit notre tête et ce que dit notre corps. J’ai ainsi découvert l’anthropologie cognitive et j’ai pris la décision de chercher le plus profondément possible à comprendre comment notre manière de vivre influençait notre perception sensible du monde, mais aussi, a l’inverse, comment nos sensations modifiaient notre manière sociale et culturelle de faire, de grandir, de vivre.
Car le monde est un océan de sensorialités dont il est difficile de comprendre la complexité.
Car tout est multiple, tout déborde, et notre corps n’est pas capable de tout accueillir, il doit sélectionner pour donner du sens. Il doit interpréter. Notre cerveau interprète ce que notre corps reçoit. Et c’est notre histoire, celle-ci façonnée par la manière dont nous avons été élevés, par ou nous avons grandis, qui axe les chemins prit par l’interprétation. Au final, vous pouvez être au même endroit, exactement au même moment que quelqu’un autre, votre ressenti ne sera jamais le même. Il pourra ressembler au ressenti d’autrui si vous partagez plusieurs points de recoupements dans mon schéma interprétatif, mais il ne pourra jamais être stricto sensu le même. Car l’autre n’est pas vous. Car les souvenirs de l’autre ne sont pas les vôtres .
Ainsi les souvenirs collectifs s’avèrent être une erreur de langage. Un souvenir collectif ne peut pas exister. Personne ne partage le même souvenir. Par contre nous pouvons partager l’idée ou le concept d’un souvenir. Le souvenir collectif est une construction sociale qui permet de nous réunir autour de quelque chose que nous pensons avoir vécu de la même manière.
Il faut bien, dans cette différenciation permanente, se laisser leurrer quelque fois afin de trouver une unité avec nos pairs.
Il est toujours appréciable de se rendre compte que quelqu’un « partage » le même souvenir que nous. Car nous avons l’impression qu’il comprend ce que nous avons vécu. Alors que cette personne ne pourra jamais savoir votre ressenti sensoriel exact, il pourra juste se connecter a des points de recoupement interprétatifs. Il relie le vécu aux mêmes « cases » d’interprétation que vous. Cela est rassurant, de sentir que notre manière de saisir le monde nous inclus dans un groupe de ce même monde.
Mais, je le répète une fois encore, personne ne pourra jamais partager le même souvenir que vous ou avoir vécu la même chose que vous.
Malgré la gentillesse des termes « je sais ce que tu ressens » ou « j’ai vécu la même chose », il y a toujours quelque chose que l’on trouve détestable lorsque l’on nous dit cela. Car on sait, de manière viscérale, que l’autre ne pourra jamais et n’a jamais vécu la même chose que nous, et comparer avec son expérience est comme mettre à la même hauteur sa vie et la vôtre.
J’ai commencé à m’intéresser à la mémoire et aux sensorialités en profondeur quand je me suis rendu compte, de manière assez hasardeuse, que ma petite sœur n’avait pas du tout les mêmes souvenirs que moi des moments que nous avions vécu en famille.
C’était véritablement étrange de se rendre compte que nous n’avions pas les curseurs sensoriels et mémoriels placés sur les mêmes choses. Elle retenait des choses qui me semblait futile et dans mon cas je semblais accorder de l’importance à des détails qu’elle trouvait sans importance.
Je me souviens de chaque noël par le moment d’expectative où j’attendais dans mon lit que ma maman vienne me chercher pour me dire que les cadeaux étaient enfin au pied du sapin. Ce moment ou mon corps tout en alerte épiait chaque bruit, chaque détail, mes souvenirs de ses moments sont extrêmement riches de perceptions. Mais en revanche je ne me souviens presque pas des cadeaux que j’ai pu avoir dans mon enfance ou des superbes repas débordant d’odeurs et de couleurs.
Alors que ma petite sœur ma parle avec nostalgie des escargots qu’elle dévorait, du bruit du papier cadeaux, des couleurs dans le sapin.
J’ai toujours préféré voir Noël comme l’attente d’un moment à venir plutôt que l’aboutissement de ce moment. Cela en dit long sur notre manière de concevoir notre manière de vivre…

Passons donc sur mes souvenirs d’enfance, cet écart était simplement pour illustrer mes propos précédents. Mais je pense que cette brève anthropo/senso/culturo / logique, attise la curiosité de tous. Car s’il y a bien quelque chose qui nous connecte tous, c’est bien le fait que tous sans exceptions, même les personne atteint de maladie mentale ou dégénérative, nous avons des souvenirs comme nous percevons le monde à la lisière des sens et des interprétations. Simplement, personne ne pourra jamais vivre ce que chacun vie.
Et heureusement.

Et c’est peut-être pour cela que nous aimons tant lire des histoires, regarder des films ou feuilleter des magazines peoples, car nous avons l’impression quelques brefs instants de vivre une vie, alors qu’au fond ce n’est que l’idée d’une autre vie que nous vivons. Toujours soumise à notre prisme personnel…