Chronique musicale : "Des ruines et des poèmes", Louis Arlette (Le bruit blanc)

Chronique musicale : "Des ruines et des poèmes", Louis Arlette (Le bruit blanc)

Ils ne sont pas légions les artistes qui inventent un monde parallèle si beau, profond et unique en un seul disque. Louis Arlette est de ceux là. Sensuel, généreux, animal, exhibitionniste et un brin narcissique, « Des ruines et des poèmes » a une identité forte, il y développe un univers onirique, industriel et poétique avec une force tranquille, sachant exactement où il va, là où il nous amène..

Il est l’architecte passionné et méticuleux d’une cosmogonie ultra personnelle qui touche pourtant l’universel. C’est un artiste total qui donne de sa voix, de son corps, de son coeur et de son âme. Il est très impliqué dans son travail, le chef d’orchestre exigent d’un ensemble créatif où il ne dit jamais « Je » mais « Nous »

Concepteur fou d’un monde toujours entre macrocosme et microcosme, entre synchronie et diachronie, il est l’auteur de mots justes précis, d’un son qui est le merveilleux décorum d’un ensemble cohérent et fantasmagorique et qui apparaissent comme un tableau de maître, comme une Odyssée fondatrice.
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Louis Arlette est rare donc précieux, ses mots sont ciselés emplis de trouvailles et d’audaces, son travail a quelque chose d’historique, classique et classieux qui impressionne, fascine et interpèle.
Tout est motivé, assumé, revendiqué, tout est maîtrisé dans une temporalité qui lui ressemble, toujours entre deux mondes, un monde fondateur nostalgique et l’observation acerbe d’un « déclinisme » contemporain de nos habitudes actuelles.

Pour son deuxième album après le très remarqué et remarquable « Sourire carnivoire » en 2018 et le manoque titre « Tristesse limpide » , il revient tel un Hérault moderne nourri par les histoires et littéraires du passé avec « Des ruines et des poèmes » et une modernité évidente d’une grande acuité. Un Disque simple, enivrant et ambitieux ce qui n’est pas antinomique mais au contraire la définition même d’oeuvre puissante, au-dessus du lot, inspiré et inspirante.

Louis Arlette est un élégant, un prince, un dandy qui chante la discorde, la carence, visite Tokyo, des ruines et des poèmes, chante la petite mort. Il est un ange qui trouve refuge, se nourrit des hécatombes, un soir d’été sans jamais oublié Khéops et les sirènes. La poésie est à la son refuge et son étendard.
Louis Arlette est éloquent, il est réthorique, ses mots sortent de son gueuloir intime et font mouche à chaque fois. On écoute ses morceaux hypnotiques en boucle, il provoque des comportements addictifs volontaires.

Sa musique est un temple où résonnent des mots qui ont toujours du sens dans une émotion toujours pudique et sincère. Pas de poses, pas de fioritures, pas de facilité, mais une vérité implacable et qui force le respect.

Son cerveau est une ville, Louis Arlette aime le tubulaire, la complexité des choses, des lieux et des êtres tout en fuyant le compliqué car la panacée pour lui est la simplicité qui arrive dans une Pop-rock évidente et percutante, efficace et entêtante qui marque.
Il y a dans « Des ruines et des poèmes » des obsessions, des leitmotiv, des recherches plastiques, existentielles, mystiques et personnelles. Louis Arlette cherche et trouve, en permanence, il n’y a rien à jeter dans ses études, ses essais, ses expérimentations

Louis Arlette est un artiste total, un essayiste, un romancier, un performer, un peintre, un danseur, un équilibriste, un auteur, un amoureux du beau son, l’inventeur d’une Nature dense et enrichissante.
Chant, clavier et violon forme une trinité magique, mise en scène et en voix dans une chanson française assumée qui n’est flirte avec l’électro, la pop-rock dans une théâtralité maitrisée et séduisante.

Louis Arlette a fait sienne l’injonction de Gide dans « les nourritures terrestres » : « Il faut, Nathanaël, que tu brûles en toi tous les livres. » Louis Arlette a tout lu, a tout écouté, a tout vu et analysé et puis a mis le feu à sa mémoire référentielle pour écrire sa propre histoire, ses partitions et ses textes saisissants de beauté, comme des oeuvres d’art. Pour faire oeuvre en solo. Pour apporter des pierres à l’édifice musical.
Louis Arlette, simple, généreux et abordable en interview offre un album à l’arrogance douce, aux parfums d’éternité. S’il y a du travail dernière tout cela, on ne sent pas l’effort, mais juste le "génie".

Il impressionne, il séduit, il envoute Louis Arlette avec cet album qui est un morceau de choix d’une oeuvre qui ne fera que grandir et touchera un public toujours plus large. « Des ruines et des poèmes » est dans la lignée de ce que la chanson française sait faire de mieux, mais qui explose les frontières du genre.

On reparlera encore et encore de lui. Il fait déjà partie de notre mémoire collective, en deux disques seulement. Ce n’est pas la moindre des prouesses. A découvrir et écouter urgemment avant qu’il soit trop tard pour ce monde en déclin...

Pour vous procurer le disque : https://www.fnac.com/Louis-Arlette/ia4908459/bio

Louis Arlette, Des ruines et des poèmes, Le bruit blanc. (2019)
Photographies : Frank Loriou

PODCAST AUDIO de l’Interview de Louis Arlette pour le Mague :https://youtu.be/RzxaW4b_A3c