Bienvenue aux « Gilets de sauvetage », des migrants de Grèce !

Bienvenue aux « Gilets de sauvetage », des migrants de Grèce !

C’est l’histoire de rencontres en Grèce au pays de ses ancêtres, entre Allain Glyckos l’auteur et des migrants. Comme un écho qui résonne avec son père chassé de sa terre par les Turcs en 1922. Quand l’histoire rejoint l’actualité en résonnance et s’enflamme d’humanité ! L’association BDM 33 vous invite à rencontrer l’illustrateur Antonin, le vendredi 14 décembre 2018 pour un resto BD forcément fraternel à Montalivet.

Après les gilets jaunes qui défraient l’actualité, en moins visibles quoique plus prégnants, les gilets de sauvetage sauvent des vies humaines en errance pour la survie des migrants.
Les drames de l’Aquarius et les nouvelles mesures du régime facho populo de l’Italie qui vise à la fin de l’accueil des migrants. Ca vous parle en 2018, à quelques encablures seulement de nos pénates ?
Autre époque, en 1939, c’était le paquebot Saint-Louis, avec à son bord 963 passagers juifs allemands qui quittèrent les quais de Hambourg, fuyant les pogroms, la Nuit de Cristal et le camp de concentration de Dachau. Il n’aborda jamais les côtes américaines, le droit d’asile lui ayant été refusé par le président Roosevelt.

La France si riche de ses métissages interculturels n’a pas à rougir. Ses gaulois se sont mélangés à toutes les populations. A tel point d’ailleurs, que le génial Boris Vian écrivit le texte de la chanson « Faut rigoler » qui ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd et inspira le personnage d’Astérix à qui vous savez.
« Nos ancêtres les Gaulois / Eurent le tort d’être grand-papas / C’est leur faute si on est là / Et si on fait le mambo Gaulois ».
Il n’y a pas de hasard et le 9 ème art s’en accorde parfaitement.

C’est le plus naturellement du monde, après « Manolis », qu’Allain Glyckos et Antonin Dubuisson se sont attelés à l’atelier de confection de ce roman graphique qui vise en plein dans le mille. Ils ont mis les plats dans les grands et toute leur humanité pour traiter du sujet des migrants.
Retour aux sources en quelque sorte pour Allain Glyckos, en Grèce sur les pas de ses ancêtres. Il avait besoin d’air et de soleil et quitter en compagnie de sa femme cet hiver 2015 parisien, qui a vu fleurir les attentats que l’on sait. Quête de ses sources familiales à l’île de Chio, hommage attendri à son père, lui aussi migrant qui avait fui les massacres des Turcs lors de la Grande Catastrophe de 1922. En effet, il n’est jamais facile de vivre en ilien à la frontière d’un autre pays à portée de voix et des armes par la mer. « Exil, exit les Grecs d’Asie Mineure en 1922 » (page 11
Il a choisi le style du carnet de voyage, cartes de géographie à l’appui. Relent d’humeurs entre les massacres de Chio en 1824 et celui perpétré en plein cœur de Paname en 2015 ! « Bref, la banalité du mal, aurait dit Hannah Arendt » (page 16).
C’est tout l’avantage et la richesse du carnet de voyage qui permet à l’auteur d’exprimer ses sentiments, au moment précis où il écrit ses mots qu’il transmettra à son illustrateur pour entrer en osmose textes images. Il ne nous épargne aucun petit détail de son séjour. A scruter du balcon l’horizon… Le sens de l’hospitalité pour les migrants n’est pas un vain mot. Une femme de l’île achète des ballons à un marchand ambulant. « Les enfants ont envie de jouer, pour eux le monde doit tourner rond, comme un ballon » (page 37). Comme une mappemonde et une grande ronde de chaîne d’union à forger toutes les énergies pour que cesse tous ces conflits guerriers à coups de religions.
Tous les sujets sont abordés sans fard. « On prétend que l’argent des trafics de migrants dépasse aujourd’hui l’argent de la drogue. Une marchandise en cache une autre ». (page 42) « Chio 1822 / Smyrne 1922 / Damas 2015 »… (page 43)

Les migrants ne sont jamais pris en compte par les médias. Ils représentent des chiffres, des peurs ancestrales. Ils vont nous envahir comme une marée humaine qui se déchaine en tempêtes. Ce sont des passe-frontières, par l’Espagne, la Grèce, l’Italie et les chemins de montagne qui servent de terrain de chasse pour des fachos en mal de nouvelle guerre d’Algérie.
Autrefois c’était le juif errant, aujourd’hui c’est la figure du musulman, en sachant bien évidemment, que les immigrés ne sont pas interchangeables. Les uns s’intègrent plus facilement que d’autres et l’accent des colonies raisonne en sourdine.
« Bref, sourire pour ne rien dire. Mon père aussi devait sourire quand il mendiait son pain dans les rues de Samos et que sa grand-mère disait qu’il était en train de devenir un vrai petit homme et qu’il s’en sortait dans la vie ». (page 44)

On passe du réel présent au récit à l’antan, avec la figure du paternel qui hante les pages et l’esprit de l’auteur. On passe du migrant d’hier son père et le migrant d’aujourd’hui généré souvent par les mêmes causes.
« Aucune armée de douaniers, de soldats, aussi puissante soit-elle, n’empêchera la faim d’aller chercher le pain où il y en a, de venir vérifier si la réalité a quelque chose à voir avec les rêves ». (page 49)
L’Etat, la religion en prend pour son grade. La vie de résistant à l’oppression culturelle imposée par l’envahisseur turc, concours à certaines postures.
La parole circule et est donnée aux habitants qui se lamentent du sort des migrants qui débarquent sur le sol. Les loger, les nourrir, leur trouver du travail lorsqu’il n’en existe pas pour tout le monde. Le langage est bien rodé et Allain Glyckos, bien naturellement s’interroge à propos de la fermeture des frontières. « Certains le pensent, leur opinion gagne du terrain. L’avenir s’assombrit. Pourvu qu’une longue nuit ne s’abatte pas sur l’Europe » (page 71). Nuit et brouillard….. Avec la figure du Cri en filigrane de Munch, pour illustrer son propos.
Un spectacle détonnant de paysage marin en plastoc envahissant s’offre à leurs yeux. Les pneumatiques du passage entre deux horizons sont crevés et abandonnés avec les gilets de sauvetage sur la grève. On dirait une baleine échouée qui évoque un poème.
Plus étonnant encore à Mesta, les menus sont écrits en turc. Le dimanche les touristes turcs débarquent et colonisent les espaces. Attention aux bévues, si tu commandes un café turc en Grèce, le garçon ne se perd pas en conjonctures. Ce sont les devises qui rentrent. Une manne…
Quand les vieux d’un village évoquent le passé dansant et chantant et festif dans un décor de ruines inhabitées, le trouble s’installe. D’autant quand un homme aveugle et mémoire vivante du passé entend et voit des fantômes !
Il peut même se jouer des drames de l’absurdité.
« J’avais oublié de dire que ce matin sur la plage de Lithi, une Allemande s’est noyée. Ici ne viennent pas les Syriens. Les migrants se noient sur la côte est, les touristes sur la côte ouest ». (page 136)
La rencontre d’un couple de Damas avec une petite fille se joue du graphisme de l’illustrateur qui nous avait habitués à des couleurs chatoyantes presque noyées parmi l’onde d’une aquarelle, comme si Antonin avait trempé ses pinceaux dans la mer Egée. Et pour rendre les propos de ces migrants précisément, c’est le trait enfantin qui ressort et donne encore plus de poids au texte au sein de ces page-là précisément.
« Nous partîmes à douze et, par un prompt renfort nous nous vîmes cent mille en arrivant au port » (page 140) sur fond d’atrocités et de force de caractère pour survivre et vouloir se battre encore et garder sa dignité.
L’atmosphère lumineuse pour la plupart du roman graphique ouvre aussi le champ du contraste, avec le débarquement de nuit des migrants où le trait se charge de sombre et d’ombres.
Autre phénomène qui m’a marquée et recoupe mes propos du début avec les juifs errants. Au retour du voyage, l’auteur s’est rendu au musée de l’immigration Porte Dorée à Paris. Une femme âgée raconte qu’elle ne supporte pas de toucher un oiseau depuis que son père caché dans un poulailler a été raflé. Allain Glyckos lui indique que lui ne peut plus toucher un gilet de sauvetage.
Puis c’est le massacre du Bataclan et dans le quartier…
Quand le mot fin, après ce voyage sans fin dans le sentiment d’humanité défraichie, aborde les rives des dernières pages, il est question des flux humains et de certaines interprétations sur le sens des termes employés quand on parle des migrants.

J’ai apprécié cette vision très personnelle et pas teintée de pathos. Cette rentrée aux sources, ce retour culturel, cette errance sur les pas du père et les similitudes hélas qui lui sont attribuées entre deux époques qui se ressemblent. Et un certain espoir qui jaillit des pages par les réflexions douces et amers de l’auteur. L’auteur secondé de façon parfaite par l’illustrateur, qui a été au-delà des mots pour les transcender et nous ouvrir une invitation au voyage en partage.

Antonin Dubuisson sera présent, vendredi 14 décembre 2018 pour parler de son travail sur cet ouvrage et en dédicaces. Il est un des animateurs du fanzine bordelais Zymase. Il s’est déjà illustré, (c’est le cas de le dire et je le dis) au travers entre autres des aventures de Roger Pixel et de carnets de voyages et en est à sa seconde collaboration avec Allain Glyckos.
Ce dernier est un enseignant à Bordeaux un homme de plume consacré dont la fibre autobiographique danse dans son œuvre.

C’est un roman graphique vraiment original sur un sujet d’actualité très grave, autour de la vision des migrants et des actes de solidarité pour leur venir en aide. Des textes de très grande qualité sur le ressenti de l’auteur et porté par les dessins sobres et explicites d’Antonin. Les deux font la paire comme on dit et grand bien leur fasse. Cette collaboration a porté ses fruits et on ne peut qu’applaudir leur travail de concert très réussi.
Et qui dit carnet de voyage, dit aussi écriture manuscrite à bon escient due à Valentine. Je tenais à souligner ce trait de génie pour nous combler.

Gilets de sauvetage, Allain Glyckos et Antonin Dubuisson, 160 pages, 20 euros, éditions Cambourakis, mai 2018

Copyright le visuel de couverture, Antonin, éditions Cambourakis

Toutes mes excuses aux lectrices et lecteurs, je n’ai pas été en mesure de vous fournir des visuels du roman graphique, étant donné que le service de presse m’a juste nanti de celui de couverture.

Le resto BD organisé par l’association BDM 33 aura lieu au restaurant les Copains d’abord, 28 avenue de l’Océan à Montalivet, à partir de 18 h 30 en présence d’Antonin, illustrateur de « Gilets de sauvetage ».
Bienvenue à toutes et à tous adhérent(e)s, ou non de l’association BDM 33.