Lady Liberty aime et sème la révolution en Amérique !

Lady Liberty aime et sème la révolution en Amérique !

Embarquement immédiat via les insurgés en Amérique, avec Lya, alias Lady Liberty. Elle emmène dans ses bagages Beaumarchais en trafiquant d’armes pour la bonne cause. Un épisode palpitant, empli de péripéties, bataille navale comprise où l’on croise Benjamin Franklin et Washington solidaires de Lya pour l’intérêt de la révolution qui ne demande qu’à traverser l’Atlantique !

Lors du tome 3, Lya embarque depuis la France en 1775 pour rejoindre les insurgés qui veulent bouter hors du territoire des Amériques les envahisseurs anglais. Le moral en berne, les vapeurs d’alcool embaument son ciboulot en haut des mats. Lady allongée à même une plateforme sirote une idée de révolution. Le marquis de Beaumarchais* veut lui prêter secours. Il grimpe à son tour la rejoindre pour lui rendre la raison.
(* A ne pas confondre avec le beau Georges Marchais, un peu marteau avec des faux cils d’une autre époque improbable). Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, ce serait plutôt, le zigue, qui lorsqu’il n’écrit pas « Le Barbier de Séville » ou « Les Noces de Figaro » trafique et se spécialise dans le transport d’armes au profit des troupes de Washington. Le-sous-titre de ce troisième album de la série, n’est-il pas justement : « Les fusils de Beaumarchais » ? Etonnant non ?
A bord, Lya apprécie la présence d’un agréable équipage « Des mulâtres, des blancs, des marins de toute condition, une même existence et un même rêve » (page 6), de liberté qui devrait les mener vers Philadelphie. Comme un avant-gout humaniste de la levée de l’esclavage et de la traite des noirs de la part d’une société enfin solidaire et fraternelle, qui détestait l’injustice. Beaumarchais du côté du manche de la noblesse et de la monarchie rentrait en conflit d’intérêt.

Les discussions vont bon train à bord du voilier autour de la recherche d’un chef de guerre qui aurait la capacité de réunir les forces libres en présence. Quand une frégate de sa Majesté du roi d’Angleterre essaie d’intercepter le voilier et les secrets cachés supposés transportés jusqu’à la terre libre.
L’on y croise des personnages hauts en couleurs et en harmonie avec leur philosophie. Ainsi, Benjamin Franklin en tant que militant actif de la révolution américaine. Il apparait sur la rive d’accueil, alors que le navire français va couler suite à une bataille navale lui a été fatale. Suite aussi à la détermination de Lya, de combattre jusqu’à la mort. En cela elle souhaite être digne de sa mère qui plaçait la liberté et l’affranchissement au-dessus de tout. C’est pourquoi, elle lui rend un valeureux hommage et la rejoint dans la mort, non sans avoir combattu plus vaillamment que dix hommes à la fois. Je pèse mes termes. Moi, Missdinguette la Singette, qui aime me piquer à des héroïnes femelles de sa trempe. Non mais sans dec, non d’une banane faisandée !
C’était compté sans le génie d’un Benjamin Franklin inventeur entre autres des lunettes à double foyer, comme du poêle à bois à combustion contrôlée qui porte son nom. Tout comme un autre idéaliste français, celui-là, le célèbre Godin, qui savait également de quel bois se chauffer.
Benjamin invente le paratonnerre. Ses recherches sur l’électricité lui permettent d’employer les termes « batterie », « positif » et « négatif ».
Sa générosité innée le conduit à offrir ses inventions au domaine public, sans en tirer aucun subside. Il s’en explique parfaitement et clairement. « De même que nous profitons des avantages que nous apportent les inventions d’autres, nous devrions être heureux d’avoir l’opportunité de servir les autres au moyen de nos propres inventions ; et nous devrions faire cela gratuitement et avec générosité ».
Sur la côte, il assiste presque impuissant à la victoire des anglais, en maugréant dépité. « Je pensais que mon « Turtle » était au point ». (page25)
Sauf que Lya est saine et sauve, épargnée de la noyade par l’insubmersible de Franklin. « Je me suis dit que cette machinerie serait pratique pour déposer en toute discrétion des explosifs contre les coques des navires de la couronne ». (page 31)
Lya sait être convaincante lorsqu’elle rencontre Washington et lui assène son argument massue, concernant l’aide de la France en munitions qui va lui permettre d’être élu commandant en chef des troupes de libération.
Lya rêve encore à « Un pouvoir qui n’est plus entre les mains des rois ». (page 38) Tandis que Beaumarchais repart en France pour convaincre le roi de France d’affréter des navires chargés d’armes pour l’Amérique.
Sala le scénariste très documenté sur cette époque charnière de la guerre d’indépendance des Etats-Unis, nous relate ce début de révolution qui a précédé la nôtre. Le Beaumarchais trafiquant d’armes sous Louis XVI a été conté en roman sous le titre « Beaumarchais, Benjamin Franklin et la naissance des Etats Unis » par Lion Feuchtwanger, publié en 1946.
Sala se comporte comme un historien feuilletoniste et campe le décor des aventures de sa fabuleuse héroïne aventurière sur un fond de réalité historique avéré. Il nous révèle cette part prise par la France pour venir en aide aux insurgés américains, peu connue par chez nous en pays franchouille. Qu’il en soit forcément remercié.

En revanche, je regrette pour ma part, que Lafayette, qui a pris une part prépondérante à la guerre d’indépendance bien plus importante que Beaumarchais, se soit fait voler la vedette. : D’autant plus qu’il est cité à bon escient en quatrième de couverture : « Quand le gouvernement viole le droit des peuples, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré et le plus indispensable des devoirs ». Cette citation toujours d’actualité relève le gant à notre époque où j’espère le printemps des cheminots sera très chaud et sera suivi d’autres corps de métier ainsi que des retraités, des lycéens et étudiants, des zadistes… afin que Jupiter 1er tombe de son trône et que Vive la Sociale s’épanouisse et se rappelle à son bon souvenir comme un boomerang ….
Je vais sans doute trop vite en besogne à l’encontre de Sala et ma critique est gratuite. Puisque l’épisode de Lady Liberty tome 3 ne raconte que les prémices de la guerre d’indépendance (1775). J’ose espérer que Lafayette interviendra à ses côtés dans le prochain épisode de ses aventures. D’autant qu’il a été très actif entre 1775 et 1783. Il a scellé, en embarquant de Bordeaux le 26 avril 1777, le trait d’union entre la France et les Américains, au point d’être nommé « Le héros des deux mondes » en reconnaissance de son tribut.
J’espère aussi que les peuples premiers des Amériques, les Indiens seront à l’honneur…
Benjamin Franklin, Washington et Lafayette sont particulièrement liés par leur appartenance respective à la franc-maçonnerie.
Benjamin Franklin fut élu le président de la loge « Des neufs Sœurs » à Paris entre 1779 et 1781 où en séance se propageaient les idées de liberté, d’égalité et de fraternité héritées de la guerre d’indépendance en Amérique. La monarchie était à abattre, tout comme le concevait dans ses rêves les plus fous, Lady Liberty.
En 1789 en France, plusieurs projets de déclaration des droits de l’homme sont soumis à l’Assemblée, le premier d’entre eux fut l’œuvre de La Fayette.
Parmi les 39 « Pères fondateurs » aux Etats Unis qui signèrent la nouvelle Constitution sous l’égide de George Washington, 13 étaient francs-maçons. Et pour expliquer les liens très forts d’humanité et de fraternité qui unissaient La Fayette et Washington au niveau du symbole, il faut savoir qu’à peine élu le 18 septembre 1793, Washington posa la première pierre du Capitole revêtu d’un tablier maçonnique confectionné par madame La Fayette et offert par son mari à son ami, qui scellait l’union indéfectible entre les deux frères.
Quelques mots du sacré coup de pinceau d’Aurore l’illustratrice. Elle ravit entre ses planches les traits presque poupons de Lady Liberty qui ne se départit jamais de sa robe rouge sang et de ses traits de caractère de femme émancipée, qui m’enchantent.
L’aplat des couleurs donnent du relief aux traits expressifs de ses personnages. Elle excelle dans la représentation des vieux gréements. Sa bataille navale est digne des plus grands films de la flibuste. Eroll Flynn de « A l’abordage » n’a qu’à bien se tenir ! Aurore donne très envie de découvrir ses autres œuvres.
Le couple de créateurs, Sala et Aurore nous ont concocté une aventure haletante de Lady Liberty, la bien nommée. Ils ont conjugué leurs talents respectifs pour nous conter sous forme de fiction, les aventures d’une héroïne très attachante sur fond historique, de l’histoire des Amériques.
Je salive déjà et attends avec impatience le tome 4. Un grand merci à eux deux et longue vie à Lady Liberty vouée à un avenir révolutionnaire et d’espionne, digne de sa mère, si j’en crois l’épilogue qui nous ouvre encore des portes de son univers grandiose.
A suivre…

Copyrights visuels : éditions Soleil

Sala sera présent aux prochaines Estivales de la BD de Montalivet, les 21 et 22 juillet 2018.

Sala et Aurore : Lady Liberty – 3 Les Fusils de Beaumarchais, éditions Soleil, octobre 2017, 48 pages