La Turquie, le pont entre l’Asie et l’Orient

La Turquie, le pont entre l'Asie et l'Orient

Istambul, la ville aux mille trésors, celle des mosquées avec ses minarets, ils s’élèvent comme des trophées au milieu du paysage. Face aux remparts de la cité, on se dent comme projeté dans un conte du moyen-âge. je suis arrivée à pieds. je voulais m’installer pour la nuit dans le quartier le plus ancien, Sultanamet. Logée, près de la mosquée bleue, pour la première fois, j’entends l’appel de la prière provenant du muezzin. Cet échange entre les mosquées me fascine. au fond de la nuit, seul l’écho de la prière s’échappe de la moiteur de l’été.

Cette ville devenait celle du rêve aux mille visages, balayée par l’odeur d’écume, les vols des mouettes. Lorsque nous nous promenons parmi les étals du vieux marché, nous sommes envahis par les successions d’images, d’odeurs, la diversité des objets, leurs époques, la multitude des cultures. Les hommes des pays de l’Est et de la Russie viennent vendre à des prix défiants toute concurrence des jouets, des appareils photographiques, des pièces, des objets précieux... les turcs des campagnes vendent avant tout des produits frais, des habits traditionnels, les autres ce sont des vêtements de style européen.

De temps en temps, un vendeur de boissons, vêtu tout en blanc dans un costume de parade, sert dans un rituel spectaculaire une potion de couleur rouge. Tenant le verre de la main droite à bout de bras, il se penche en avant afin que la potion puisse s’échapper de la réserve accrochée à son dos. Le liquide voyage au dessus de lui, avant de finir dans le verre. Toute cette mise en scène est très agréable à observer. J’aime ces places avec ces vieux gens, abrités sous un parapluie usagé ou un arbre qui louent de petits gobelets de graines pour les pigeons.

L’odeur du poisson frit près du fleuve. Ces pêcheurs sont debout dans leurs petites barques, transformées en cuisine flottante. Ils prennent le poisson frais, le vide, le plonge dans la marmite d’huile bouillante, le laisse cuire quelques instants avant de le placer entre deux tranches de pain.

Cette restauration se fait à une vive allure, la demande est intense. en passant le pont, pour rejoindre le Bosphore, on réalise que ces marins-restaurateurs sont les dernières personnes représentatives.

De l’autre côté du fleuve, c’est l’industrie commerciale. Les magasins et les enseignes publicitaires envahissent les rues. Après le pont, se dresse la tour Galata, le plus bel aperçu de la ville.

Istambul, la ville aux dix mille minarets. L’appel de la prière est un instant d’éternité : ces chants s’élèvent, se répondent pour se mêler aux formes éphémères des nuages. Lorsque l’on se trouve à voir la beauté d’une ville comme un oiseau, il nous est presque facile d’évoquer la déchirure de l’homme.

Tous les minarets se dressent dans la ville comme des marques d’échanges. Nous apercevons tout Istambul, ses îles des deux mers, ses bateaux, ses mouettes et sa chaleur. Parcelée comme un bijou oriental, la ville rayonne, pleure et chante. Je suis emportée dans son histoire, la tête tourne, derviche, derviche j’oublie mon nom.

Tourbillon d’images, transportée sur le tapis volant de Panaït Istrati, je suis prisonnière d’un sultan d’Anatolie centrale. Vêtue d’une jupe en voile mauve et d’une brassière brodée d’or, mes cheveux étaient coiffés de fils de soie, de pierres précieuses, j’étais maquillée avec du koal, couverte de bijoux, j’étais la nouvelle étoile des mille et une nuits.

Assise en face d’une petite mosquée, je déguste un verre d’oranges pressées. L’air est légèrement frais, les vols de mouettes se détachent du bleu profond du ciel, il est aux environs de dix heures du soir.

L’appel à la prière commence de la mosquée bleue. Le muezzin en face de moi lui répond. Cet échange est doux et puissant, ténébreux et ensorcelant, sensible et prenant, il est merveilleux. Tout semble là, tout se vit dans l’instant sans question, sans heurt, on se sent bien, léger. Rêver sur les façades des vieilles maisons en bois, devant l’Hôtel où descendait Pierre Loti, devant les remparts de la ville à moitié en ruines, sur les mosaïques, les tapis, les lustres des mosquées, ses jardins qui envahissent nos sens. Istambul, ville d’histoire, ville de beauté, ville des portes de l’Orient, ville qu’on ne peut qu’aimer.

Istambul, la ville aux dix mille minarets, celle des mers et des couleurs, des appels à la prière, des marchands ambulants, des hommes et des femmes sans type particulier, des fleurs, des odeurs, nous sommes et restons attachés à cette ville.

Je longe le souk. Je profite de chaque rencontre avec le visible. Les maisons sont vieilles et délabrées, parfois il manque la façade, nous pouvons apercevoir l’intimité des gens qui y vivent, gênant d’être là et de voir leur vie, cela reste beau et touchant.

Les installations électriques sont incroyables, c’est à se demander si il est possible que l’électricité y passe sans créer un immense incendie. Des centaines de fils s’emmêlent et s’entremêlent, accrochés à tout et n’importe quoi, ils résistent. le quartier est très populaire et très encombré. beaucoup de monde y circule. Je sens que quelqu’ un me regarde je n’ose chercher, puis malgré moi, je ne le trouve pas.

Nos regards accrochés l’un à l’autre sans que je comprenne pourquoi, sans chercher vraiment, j’avance, la personne me dépasse, je ne la vois plus et là, je comprends pourquoi elle me regardait avec autant d’insistance, elle était moi, j’étais elle, plus jeune, elle plus vieille. Je la cherche, je la retrouve, je la regarde disparaitre dans la foule. Cette rencontre, insolite et troublante envahie souvent mes songes sur Istambul, cette ville avec laquelle j’ai tant d’intimité.