A bas bruit de Judith Abitbol

A bas bruit de Judith Abitbol

Paris, Mai 2015. Nous assistons à une projection du long métrage de Judith Abitbol "A bas bruit" au Cinéma "Les Ursulines", une salle qui a une belle âme au sein d’un Evénement organisé par les Enfants du Cinéma avec des gens passionnés de pellicule et qui en parlent avec les yeux qui pétillent. Dans la salle sont présentes la réalisatrice et son actrice principale, unique la charismatique et époustouflante Nathalie Richard. Après une brillante présentation de Carole Desbarats, le long métrage commence. Nous apprenons par la même occasion que ce projet a mis de longues années avant de se concrétiser, près de 15 ans. C’est parti pour 1H 43 d’une oeuvre singulière, plurielle de haute tenue, un vrai grand film de cinéma d’auteur brillant, émouvant, déstabilisant, palpitant (liste non exhaustive), mais pas que. Explications au coeur d’un ovni cinématographique marquant comme on les aime - à la folie, à la vie, à la mort... à l’Amour.

Le Pitch :

A bas bruit est l’histoire d’une amitié qui naît entre une bouchère et une cinéaste. Toutes deux créent mais pas pour les mêmes raisons. C’est une histoire de mort, de chair, de souffrance et d’amour. Une épure totale, pour une unique actrice, Nathalie Richard.

Notre avis :

Une femme seule pendant toute la durée du film. Elle est quasiment de tous les plans soit en chair, soit en voix, soit en présence omnisciente, diégétique ou extra-diégétique, ou bien en filigrane. Une belle femme, entre deux beaux âges, incroyablement élégante, simple, très peu maquillée, blonde, les cheveux mi-longs, une femme à la voix sensuelle à la diction parfaite va nous bercer, nous interpeller, nous étonner et surtout nous captiver pendant une heure quarante.

Le long métrage de Judith Abitbol est un cas d’école pour un cinéphile. Il est incroyablement complet, dense et riche de mille idées originales et pertinentes. Tourné en 6 jours avec peu de moyens, une équipe réduite, il donne des leçons de cinématographie, ouvre des portes, il invente un monde de forces, de petites joies et de grandes douleurs avec son style épuré, sa focale chirurgicale, clinique mais qui sublime toujours l’émotion.

C’est terriblement fort, jamais impudique, jamais voyeuriste, jamais indécent ou glauque... pourtant la frontière n’est jamais très loin, on est, perpétuellement, dans le bord cadre, tout peu basculer d’une seconde à l’autre.
Pourtant, on parle de l’absence, de la maladie, on parle de la douleur, de la mort, de l’amitié, de l’amour, de la mise à mort, de la violence de la perte de l’autre.

Une actrice regarde une caméra, une femme est regardée par une réalisatrice, une comédienne regarde un public potentiel, un film qui ne se fera pas, est lu dans les presque condition d’une lecture en direct.
Mais tout est mis en scène, tout nous indique qu’on est au Cinéma, pas dans une installation d’Art contemporain, pas au théâtre, pas en vidéo, pas à une lecture publique.
On n’est pas au cinéma de genre, au cinéma expérimental on est au coeur du Cinéma et de toutes les possibilités de montage, de narration... qu’il offre à un créateur de talent(s).

Un scénario se lit devant nous, il nous en met plein les tripes, plein le coeur. Ca parle de plusieurs personnes, d’un boeuf, d’une absente mais il n’y a qu’une femme en scène qui joue toutes les forces en présence avec son seul talent...et ses voix subtiles.
Il y a de l’acting, de la maîtrise, parfois même une légère schizophrénie, c’est beau, c’est sublime, c’est triste, c’est percutant. On ne sort pas indemne de tout ça et c’est tant mieux on va vivre tout ça à fond, sans demi-mesure.

On est au carrefour de tous les Arts inventés par les humains. Le Cinéma, le théâtre, la chanson, la danse contemporaine, la sculpture, la peinture, le dessin, l’imitation, l’art plastique, la scénographie, la chorégraphie, la radio, le mime.... Tout est là, méticuleusement mis en scène, pensé, ressenti par Judith Abitbol et son envoyée spéciale, très spéciale au coeur de la dramaturgie, de l’oeuvre et de la mécanique Nathalie Richard.

Il y a une équipe derrière ces deux femmes mais ce duo Judith/Nathalie est un grand couple de Cinéma en symbiose, en synergie, en écoutes, en complémentarité. L’une écrit et met en scènes, en images et l’autre joue, invente, s’échappe, revient, jubile, s’exprime, danse avec les mots et sert magnifiquement l’oeuvre dans un travail admirable in progress.

Voilà un Cinéma qui pourtant ne se raconte pas, ne s’explique pas, il doit se voir, se ressentir, nous accompagner, nous percuter, nous ramener à notre propre histoire. A voir absolument. C’est une expérience qui provoque un avant et un après. Merci Judith et Nathalie et à tous ceux qui ont rendu possible cet incroyable pari...réussi.

Image Hélène Louvart (afc) / Laurent Coltelloni / Thibaud Charles • Son Gautier Isern / François Abdelnour • Montage Martine Zévort & Albertine Lastera Mixage Mélissa Petitjean • Super fée... Véronique Barnéoud • Danse Cécile Proust • Dessins Paola Valentini • Musique originale Tony Hymas (éd. musicales nato) Production déléguée Albert Pigot • Avec le soutien de l’ACOR - association des cinémas de l’ouest pour la recherche (www.lacor.info) & de l’ACRIF association des cinémas de recherche en Ile de France (www.acrif.org) • Distribué par Les Films du Paradoxe www.filmsduparadoxe.com ©Bicéphale production & Godot production 2012 - Visa d’exploitation n° 126333

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