JP Nataf : A l’ex-Innocent les mains pleines... de talent !

JP Nataf : A l'ex-Innocent les mains pleines... de talent !

Dans un album aux amertumes avouées, Jean Philippe Nataf, ex Innocent au carton plein, nous présente son premier album solo. Toujours dans la grâce de mélodies pointues et pourtant simples à retenir, retrouvant un goût sobre, prétextant un nouveau départ alors qu’il est déjà loin devant ‘Plus de Sucre’ embellit nos quotidiens grisâtres en dérivant dans une lune de miel. Les rengaines de JP sont désormais à classer dans une catégorie autre que celles de son passé et c’est tant mieux. Authenticité quand tu nous tiens tu nous fais du bien.

Le titre de l’album doit se comprendre comme absence de sucre et non pas + de sucre ?

JP Nataf : « Sur le papier cela peut effectivement manquer de clarté mais pour moi c’est bien évidemment plus aucun adjuvant. En réalité, je ne suis ni plus, ni moins. Comment dire... je ne pensais pas donner de titre à l’album et quitte à en donner un je trouve celui là amusant parce que le fait de le lire désamorce peut être ma façon de le penser dans mes chansons. »

Je voulais savoir si cet album sans tous ces talents divers venus t’aider comme tes amis Albin de la Simone ou Bertrand Bonello, tu aurais pu le faire ? aurait-il eu le même goût ?

JP Nataf : « On peut même dire que c’est grâce à ces gens que j’ai fait un disque ! C’est de par leurs présences que je me suis mis dans la tête de faire un album personnel. Il n’y a pas un jour précis où je me suis levé pour me dire ‘Jp t’as fini les ino maintenant tu dois trouver quelque chose à faire’. Tout simplement je faisais de la musique avec ces gens, me sentant bien avec eux ils m’ont demandé de faire mes propres chansons. »

Le projet original quand tu es rentré en studio ce n’était pas au final dans le but de sortir quelque chose particulièrement, est-ce exact ?

JP Nataf : « Au début on a travaillé sur un album de reprises qui n’est pas sorti du coup. On a dévié sur le mien. On a passé de très bons moments pour cet album qui n’était même pas commandité par quelqu’un, c’était juste pour le plaisir. La démarche de poursuivre sur mon projet personnel est venu de Dominique Ledudal. Il m’a dit qu’à la prochaine session plutôt que de reprendre des titres je n’avais qu’à fournir 3 ou 4 de mes propres compositions. »

Tu aurais écrit les textes juste avant d’y rentrer d’ailleurs ?

JP Nataf : « Oui, comme je n’avais encore rien écrit, j’ai tout fait très rapidement un peu à l’envers. »

D’où l’utilisation de l’écriture automatique, penses-tu avoir une force qui te guide pour sortir quelque chose ?

JP Nataf : « Cela ne peut pas s’appeler comme tel. J’ai le souvenir d’avoir passé des heures, des jours et des mois à écrire des chansons avec les Innocents. En étant pour « Plus de Sucre » dans une initiative de premier jet suis-je moins juste ? ... j’ai l’impression d’être plus proche de ce que je pense dans cette manière de faire. L’idée qui sort de mon cerveau peut elle être considérée comme automatique pour autant parce qu’elle est instinctive ? On marche aussi de façon automatique. »

Cela te permet de briser la contrainte couplet-refrain ?

JP Nataf : « Ce qu’il faut savoir c’est que je suis musicien avant d’être auteur donc je n’ai pas eu à réfléchir à développer un couplet puis un refrain qui doit dire plusieurs fois la même chose. J’ai vraiment écrit autour de la musique. Autour de ma voix parce que j’avais envie de chanter. Avec ce caractère d’urgence qui change de mes anciennes façons de procéder. Comme nous dérivions sans savoir que ce que nous faisions allait échouer dans les oreilles d’un public je ne me suis pas senti obligé d’être explicatif. L’important c’était que le chanteur en moi comprenne ce que l’auteur le matin avait voulu lui donner à manger pour la journée. Chante et tait toi dans la même perspective que France Gall et les Sucettes de Gainsbourg. »

Tu as pu bénéficier de certains conseils salutaires comme Mirwais qui t’a dit de partir de toi plutôt que de la production ?

JP Nataf : « C’était très important cette phrase. L’année qui a suivi la fin des Innocents je me sentais tellement peu de courage pour prendre les choses à bras le corps et imaginer que j’avais un futur seul que je me suis raccroché à l’idée que je devais trouver quelqu’un pour travailler avec moi. Jusque là j’avais toujours fonctionné face à un miroir, en binôme avec quelqu’un d’assez fort. Finalement j’ai trouvé non pas une personne mais toute une bande de potes pour me canaliser. Mirwais m’a aussi dit qu’il fallait que je parte de mon univers propre. Ce premier album solo est une grande carte de visite pour le futur. Cela me permet d’évoluer. De percevoir que je ne suis plus (uniquement) le chanteur des Inno’. »

Tout le monde loue ta qualité pour sortir des mélodies qui marquent, est-ce si facile pour toi de sortir le son juste ?

JP Nataf : « Je n’aurais pas la fausse modestie de dire non, tout le reste ce fut un long et pénible travail mais quand il s’agit de me mettre à la musique c’est un vrai bonheur. Attention j’ai encore de la marge, je ne suis pas encore le chanteur que je voudrais être mais au niveau de la composition musicale c’est assez inné chez moi et cela vient tout seul, sans forcer. Je dois avoir un don accès autour du produit fini qu’est ‘une chanson’. »

Le disque parle beaucoup de croyances ?

JP Nataf : « C’est un truc d’âge. A l’approche de la quarantaine il faut croire et se débarrasser de certaines choses en même temps. Comment l’on s’inscrit dans la société aussi. »

Par contre ton disque est très masculin, il n’y a pas trace de femmes ?

JP Nataf : « Si ! je leur parle à travers mes chansons mais dans les collaborations musicales je n’ai pas encore rencontré de filles qui pourraient venir dans mon univers. J’adorerais qu’une copine joue un instrument sur un de mes albums mais ce n’est pas encore venu. J’ai bien collaboré avec Jil Caplan mais à part elle je suis assez démuni. (rire) C’est peut être ma façon d’être et ma timidité envers la femme qui m’ont empêché d’avoir ses rapports particuliers que je peux connaître avec des musiciens hommes. »

L’album te montre très sceptique sur l’humanité ? Le ton est beaucoup moins naïf ?

JP Nataf : « Dans les Innocents je prenais à mon compte la naïveté et la fraîcheur du groupe ainsi que son nom, il y avait une sorte de rêve d’adolescents se prolongeant. On ne voulait pas sortir de ça parce qu’on avait fini par trouver nos marques de cette façon. J’avais déjà écrit à l’époque des chansons du même calibre que ces dernières mais elle ne rentraient pas dans le cahier des charges de l’époque, c’est exactement comme une équipe de foot : on ne peut pas la faire jouer dans n’importe quel système de jeux. J’ai sûrement censuré mon propos dans le sens où j’écrivais pour le groupe. Là j’ai pu aller chercher des choses qui venaient de mes propres tripes. Une sorte de lâchage intégral. C’était plus intéressant de partir sur du neuf avec des choix de textes et de couleurs personnelles. »

Dans la normalité des choses, les entités meneuses d’un groupe ne rêvent que d’une chose c’est d’une carrière solo alors que toi tu préférais le cocon douillet d’un groupe ?

JP Nataf : « Parce que tout allait bien ensemble et que tu ne vas pas chercher à détruire ta chance. J’ai eu une veine phénoménale de pouvoir rêver et concrétiser mes rêves pendant une vingtaine d’années. La seule chose sur lequel je me suis accroché à l’abord de la quarantaine et lorsque je me suis retrouvé seul c’est de me dire « Comment faire pour continuer à vivre de la musique ? ». »

La chanson « Jean Philippe » c’était l’occasion d’oser affirmer vouloir vivre vieux ?

JP Nataf : « C’est la première que j’ai écrit avec une démarche égocentrique dans le sens d’une analyse. Il fallait que je prenne la parole à mon compte. Que j’arrête de dire ‘on’ et ‘nous’ pour oser se dire ‘tu’ et ‘toi’. J’avais besoin de venir au monde ! Une fois ça dit je pouvais démarrer une nouvelle aventure. »

Tu vas repartir sur scène avec un nouveau groupe, tu attends ça avec impatience ?

JP Nataf : « Moins qu’avant parce que j’ai moins besoin de m’échapper. Les tournées c’étaient une sorte de fuite. Le concert te place dans un monde frivole. C’est un moment d’échanges très joli sous une couche de vernis. J’ai toujours l’étincelle qui me revient et le plaisir de chanter devant les gens. En même temps je sais que cela me coupe de ce qui me semble essentiel dorénavant qui est la recherche sur ma musique. Je voudrais éviter la dictature de l’album puis la tournée et faire des choses plus variées. Essayer de décloisonner avec des artistes que j’aime. »

Je voulais savoir enfin si tes enfants sont plus fiers que leur papa sorte un disque brillant ou alors qu’il participe à la BO de Tchoupi ?

JP Nataf : « Je crois qu’ils connaissent très peu mon disque mais par contre ils connaissent par cœur celui de Tchoupi !(rire). Le papa musicien c’est celui qui est pas toujours disponible donc pas forcèment très drôle. »

JP NATAF sur le WEB

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