Dans le collimateur : lutte ou fiasco anti-terroriste ?

Dans le collimateur : lutte ou fiasco anti-terroriste ?

On n’entend parler que de ça : rapports, moyens débloqués, guerres déclenchées... sans en voir les effets. La planète explose, la menace plane, la psychose s’installe partout. On parle de « risque grave » pour les mois à venir. Quelle efficacité de la lutte anti-terroriste ?

Sur toutes les lèvres et dans toutes les Bush (pardonnez le calembour) depuis le 11 septembre 2001, le terrorisme renvoie historiquement aux pratiques étatiques d’instauration d’un état de terreur ; ironie du sort : il est aujourd’hui utilisé pour qualifier les pratiques de violences dirigées contre les Etats.

Guerres sans soldats et batailles sans victoires, le terrorisme est un phénomène objectivable mais impalpable et menaçant. Le titre 22 du code des Etats-Unis le définit comme une « violence préméditée, à motivations politiques, exercée contre des cibles non-combattantes par des groupes sub-nationaux ou des agents clandestins, dont le but est généralement d’influencer une opinion ».

De Carlos à Oussama : Une escalade de la violence

Au commencement était Carlos, alias Illitch Ramirez Sanchez, mercenaire vénézuélien formé par le KGB au centre militaire de Novgorod, qui s’est mis à son propre compte pendant la Guerre Froide en offrant ses services à des groupuscules politiques. La spécialité de ce tueur expert et insaisissable : les assassinats de personnalités méticuleusement organisés. Malheureusement, ses disciples et successeurs ont innové une nouvelle forme de « participation politique » bien plus meurtrière allant du massacre de 12 athlètes israéliens à Munich en 1972 par le groupe Septembre Noir à la destruction des Twin Towers le 11 septembre 2001, en passant par les attentats à la bombe dans le métro parisien en 1986 et en 1995 par des membres du GIA.

C’est que les motivations et les moyens ont changé. A Carlos le Chacal a succédé Oussama le Milliardaire, nouveau chef de file d’une lutte religieuse fanatique : le Jihad. Exit les assassinats de cibles précisément définies, voici l’avènements des attentats suicides menés par des martyrs dont le but avoué est clair : ôter un maximum de vies. En Israël, en Irak ou en Afghanistan, la méthode la plus souvent employée est le port d’une ceinture d’explosifs, et le terroriste se fait exploser au milieu de la foule, soit dans la rue, soit dans un lieu peuplé, comme l’attentat du 7 mai 2002 qui tua 16 Israéliens et en blessa une cinquantaine d’autres dans le night-club Sheffield au troisième étage d’un immeuble industriel.

Autre version, moins suicidaire et plus spectaculaire : le pick-up bourré d’explosifs, comme celui chargé d’environ 450kg de dynamite qui a récemment explosé à l’entrée de la base militaire américaine de Bagdad, à un endroit appelé la "porte des Assassins". Très barbare, mais efficace au vu du rapport du colonel Ralph Baker : des voitures étaient en flammes dans la rue après l’explosion, et les victimes gisaient sur le sol, dans des mares de sang.

La lutte anti-terroriste : "une des grandes priorités du G8"

A Kananaskis déjà en juin 2002, puis à Evian en juin 2003, les Etats du G8 identifiaient la lutte anti-terroriste comme "l’une des grandes priorités du G8" et ont adapté un texte commun sur le sujet. On prête d’ailleurs à Vladimir Poutine cette célèbre phrase à propos des terroristes : "il faut leur botter le cul jusque dans leurs chiottes". Depuis, entre info et intox, il est difficile de se faire une idée de l’évolution de la situation. Ainsi, le 1er juillet 2003, un communiqué de la Maison-Blanche affirmait que la France et plusieurs pays européens « ont démantelé des cellules d’Al Qaïda », mais aucun de ces pays n’a confirmé l’information. Sans compter l’échec perpétuel de la capture d’Oussama Ben Laden, la guérilla urbaine qui continue en Irak et les bombes humaines qui pullulent en Israël.

Cependant, certains résultats sont au rendez-vous. Ainsi, quelques dizaines d’arrestations d’activistes du GIA ont eu lieu en novembre 2002, des dizaines de prétendus membres du réseau Al Qaïda croupissent actuellement dans les geôles américaines, notamment la célèbre base de Guantanamo à Cuba, 61000 hectares de champs de coca (le principal financement des réseaux terroristes) ont été brûlés en Colombie entre 2000 et 2003, 4 membres de l’ETA ont été arrêtés le 9 décembre dernier, et des commandos du Special Air Service britannique traquent sans relâche les activistes de l’IRA en Irlande et d’Al-Qaïda en Afrique (Somalie, Kenya).

En fait, plus de 3000 terroristes auraient été arrêtés entre septembre 2001 et octobre 2003 selon la CIA, et cette dernière pense avoir identifié le nouveau chef des opérations d’Al-Qaïda en la personne d’un Yéménite de 29 ans qui vivrait actuellement en Arabie Saoudite : Abu Hazim al-Sha’ir. Cependant, même si les chiffres sont là, l’internationale terroriste survit bien à la puissante machine de guerre lancée contre elle. Et quand la lutte s’intensifie, les débordements aussi.

Les premières victime : les Droits de l’Homme et à la vie privée

« Si la lutte anti-terroriste requiert une coopération internationale, le développement de dispositions internationales et régionales - prises ou réactivées depuis le 11 septembre 2001, en urgence et dans un contexte d’engouement - ont souvent en commun une définition très large du terrorisme qui fait craindre qu’un très grand nombre d’actes y compris d’opposition légitime et de mobilisation de la société civile ne tombent sous le qualificatif de terroriste » explique le collectif Sommet pour un Autre Monde, constitué de nombreuses ONG (Amnesty International, FIDH, Comité Tchétchénie, Médecins Du Monde...).

Il est vrai que les opérations de lutte anti-terroriste ont engendré des situations de violations des droits de l’Homme, notamment aux USA, au Royaume-Uni, en France ou en
Allemagne : mise en détention provisoire sans exigence de preuves, censure de la presse, discriminations, restrictions apportées au droit d’asile. Et rappelons que la détention de présumés membres du réseau Al-Qaïda sur la base de Guantanamo est absolument dénuée de fondement juridique et se fait en totale violation des normes relatives aux conditions de détention des prisonniers. De même en Tchétchénie, où la population civile est victime de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité au nom d’une soi-disant lutte contre des groupes terroristes, ceci avec le quasi-encouragement de la communauté internationale.

Extension du domaine de la lutte oblige, on resserre aussi l’étau sur les nouvelles technologies, peu importe les velléités libertaires de l’internaute lambda. John Podesta, ancien chef de cabinet de Bill Clinton, résume le nouvel état d’esprit en vigueur : « pour livrer cette guerre contre le terrorisme, il nous faut repenser complètement l’arsenal juridique relatif aux interceptions, dans le souci de maintenir un équilibre entre libertés individuelles et sécurité publique, en l’adaptant aux nouvelles technologies : la surveillance des logiciels doit être la même que celle des informations échangées et les mêmes règles doivent s’appliquer quel que soit le mode de communication. » En France, le projet de Loi sur l’Economie Numérique de Nicole Fontaine qui compte imposer plus de contrôle et de censure sur Internet fait déjà du bruit sur les forums et les blogs. Affaire à suivre...