Un menu sévices compris

Un menu sévices compris

Tandis que le plus puritain des présidents souille encore la Maison Blanche avec ses bottes texanes, un restaurant arborant fouets et chaînes sur ses murs fait fureur à New York depuis bientôt trois ans : la Nouvelle Justine (ou NJ pour les habitués), du nom d’un roman du Marquis de Sade. Le principe : des dîners sado-maso, des serveuses vêtues de cuir et des coups de fouet sur commande.

Un restaurant où le client est maître

Pour 32 euros par personne, la Nouvelle Justine propose un menu entrée/plat/dessert/fessée. Ce concept original, un tantinet décalé, connaît un immense succès et le restaurant ne désemplit pas. Repaire de psychopathes répugnants aux parties génitales piercées, pensez-vous ? Que nenni ! L’endroit accueille des clients de tous les horizons, de l’avocat au financier en passant par l’informaticien. D’ailleurs, la communauté sado-maso new-yorkaise considère la NJ comme un Disneyland du SM, un pur produit marketing surfant sur la vague de la libération sexuelle et du fantasme de la soumission.

Toujours est-il que les clients adorent lorsque Mistress Debra (une brune incendiaire tout de latex vêtue) les cravachent en leur servant un tournedos de thon ou lorsque Slavebody (un grand serveur black qui ne porte qu’un mini short en latex pendant le service) réclame sa fessée entre la poire et le fromage. Ryss, le propriétaire, explique : « étant adepte des pratiques SM depuis l’adolescence, j’ai rencontré beaucoup de gens menant une double vie : serveurs le jour, enfilant leur cagoule et sortant les fouets le soir. J’ai donc décidé de monter un restaurant et d’y mettre des serveurs adeptes des pratiques SM qui pourraient faire plaisir ou se faire plaisir tout en effectuant leur travail. »

Une envie de martinet ? C’est comme un verre de vin : il suffit de héler un serveur passant par là et de lui demander de s’exécuter. Cependant, il faut bien reconnaître que ce sont plus souvent les employés qui subissent les fantasmes des clients que l’inverse. Parmi ces derniers, la Nouvelle Justine a compté quelques people qui ne rechignaient pas au coup de bâton, tel le hard-rockeur déjanté Marylin Manson, le couturier décalé Jean-Paul Gaultier, ou l’écrivain névrosé Bret Easton Ellis. Du beau monde, donc.

Sado-maso, un phénomène de mode ?

Pour certains, ce n’est pas le SM qui est à la mode, mais la libération sexuelle des dernières années qui ouvre le champ à de nombreuses pratiques taboues jadis. D’ailleurs, on ne peut pas vraiment dire que la Nouvelle Justine soit l’antre de la décadence perverse, mais c’est aussi cela qui fait son succès : « ce qui est bien dans ce resto, c’est que c’est du SM light, sans pénétration, sans partouze, sans échangisme. Certains disent que la NJ est faite pour les rigolos du SM, mais cela me convient parfaitement », confie Arnaud, un étudiant français en fin d’études à New York.

Donc, on entre et on fouette sans complexe ? Weasley raconte : « La première fois que je suis venu à la NJ, c’était avec des collègues ; j’ai explosé de rire quand mon patron a choisi de jouer le nourrisson et que la serveuse lui a emmené le kit layette/biberon, mais je me suis retrouvé drôlement gêné quand la nana s’est tournée vers moi pour me demander : « et pour vous, ce sera quoi ? » A ma grande surprise, j’ai répondu : « te fouetter » et tout le monde a trouvé ça normal ! Alors je me suis lâché, et c’est comme si j’avais coupé le cordon ombilical, un vrai bonheur ! Plus la fille criait et plus je lui en mettais. »

Selon Ryss, c’est un exemple classique : « tous les hommes rêvent de traiter leur femme de salope ou de chienne, mais ils sont tellement enfermés dans un carcan éducatif qu’ils sont incapables de se lâcher. Mon restaurant propose à tout le monde de venir exprimer ou tester ses fantasmes - quoi de plus naturel ? »

Dessin pour le Mague : Julien Alles

Dessin pour le Mague : Julien Alles