Le municipalisme libertaire, solution aux élections actuelles !

Le municipalisme libertaire, solution aux élections actuelles !

Tiens, c’est le printemps des élections ! Les municipales sortent le pale et asservissent ses électrices et électeurs à un jeu funeste et authentique : magouille blues ! On aurait pu se dire qu’à l’échelle de nos communes on pourrait se sentir concerné(e)s….. A la lecture de l’ouvrage de Janet Biehl qui brosse le portrait d’une alternative libertaire à base d’écologie sociale et démocratie directe, selon les théories du philosophe anarchiste américain Murray Bookchin, mon cœur se rabiboche une sacrée bamboche ! Merci à nos cousins du Québec des éditions Ecosociété de nous ouvrir enfin de nouveaux horizons fraternels. On en avait tellement besoin. Rien n’est perdu, tout est questions de luttes….. A suivre comme on dit !

Ça y est c’est reparti avec cette nouvelle litanie, ode au pouvoir participatif dans nos communes, comme une tarte à la crème qu’on nous jette à la tronche à l’échéance d’élections pour envoyer le bon populo entretenir un système bien huilé qui a fourbi les preuves de son incompétence.
Ségolène y avait bâti son bas de laine, Mélenchon en 2012 ordonnait à ses troupes : « Prenez le pouvoir  ». Sauf que cet impératif du participatif produit encore un discours de domination. Dans les conseils de quartier, les citoyen(ne)s ont eu l’illusion de s’organiser, alors qu’en cheval de bataille, ce sont les garants des institutions et leurs sbires, les futurs élus locaux qui gouvernent en sous-main.
Alors tout est foutu et le fameux slogan de mai 68 « élection piège à con » s’avérerait toujours d’actualité, comme si rien n’avait changé depuis plusieurs décennies ! Comment expliquer cet abstentionnisme profond et ce désintérêt pour la vie publique à chaque nouveau suffrage ?
Cet ouvrage donne du baume au cœur et un regain citoyen. Il s’appuie sur quelques pistes de réflexions concrètes.
L’illustration de la crise des valeurs si chère à Nietzche, qui visait déjà en plein dans le mille, s’oriente désormais par le remplacement progressif de toutes les valeurs par la valeur économique. La courte et synthétique chronique de feu Albert Jacquard sur France Culture fut remplacée même de son vivant par une chronique économique.

La passivité est passée dans les mœurs. On entend encore çà et là quelques protestations d’un contenu d’une décision et non du mode de décision lui-même. Janet Biehl tente d’actualiser la conception de la démocratie directe énoncée par Bookchin. Cela suppose forcément un « apprentissage de la parole argumentée, de la délibération sur les avantages et les inconvénients des divers options, de la responsabilité et les inconvénients des diverses options, de la responsabilité qui accompagne la liberté  ». (page 12, Annick Stevens in préface)

Janet Biehl auteure de cet ouvrage, a été l’une des plus proches collaboratrices de Murray Bookchin (théoricien de l’anarchisme aux USA 1921 / 2006). Elle est active au sein du parti municipaliste des Burlington Greens dans le Vermont (USA).

Bookchin dans sa jeunesse des années 30 adhéra aux idées de la gauche communiste internationale. Durant toute son existence, il a voulu trouver une autre solution à la société capitaliste. En 1962, il clama en premier qu’une société libératrice ne pouvait être qu’écologique. En 1935, il commença à dénoncer les dérives autoritaires et l’absence d’éthique chez les marxistes. Tout son travail a consisté d’essayer de créer une synthèse, dans ce qu’il avait trouvé de meilleur dans les traditions anarchistes et marxistes, à laquelle il a donné le nom d’écologie sociale.
« Lorsqu’on aura créé ces démocraties directes, les municipalités démocratisées pourront être réunies dans des confédérations capables de s’attaquer enfin au capitalisme et à l’Etat-nation, pour aboutir à une société anarchiste, écologique et rationnelle  ». (page 23)

GIF - 4 ko

Cette nouvelle édition révisée est toujours d’une vibrante actualité, lorsqu’on suit l’échappée belle des courants politiques en lisse, totalement infatuées de leurs personnages et totalement méprisants de leurs électrices et électeurs lors des élections municipales en France.
Le programme de Bookchin dénote avec nos oripeaux de vieilles démocraties en Europe. Renverser l’ordre établi pour réaliser une société écologique et libertaire abolissant la domination de l’homme sur l’homme et l’humanité sur la nature, telle est le murmure qui prend voix ! Le municipalisme libertaire qu’il défend, comme système politique, avec des institutions libertaires, se compose d’assemblées de citoyen(ne)s qui s’activent dans leurs actes de décision sur le principe de la démocratie directe, en remplacement du vieux monde de l’Etat-nation, sous forme de confédération de municipalités libres.

Aux anarchistes orthodoxes qui s’opposent bien naturellement (comme je peux aisément les comprendre) à la participation à des élections, Bookchin répond que le mouvement anarchiste s’est toujours prononcé pour une tendance communaliste très proche du municipalisme libertaire. Des propositions dans ce sens ont été conçues dans l’idéal autour de communes décentralisées, sans Etat, et gérées collectivement, essentiellement des municipalités confédérées. Dans l’œuvre de Bakounine ou Kropotkine, elles apparaissent très nettement. Mais pas seulement, très concrètement déjà, Jean Malaurie l’auteur des Derniers rois de Thulé avait été sidéré de constater qu’une communauté d’Inuits du nord du Groenland fonctionnait déjà sur ce principe, sans avoir jamais lu une ligne des théoriciens anarchistes ! Histoire aussi de damner le pion des critiques professionnelles, souvent du côté marxiste ou de l’économie de marché, qui démontent les théories anarchistes appliquées, sous prétextes que ce ne sont que des utopies. On a aussi reproché à Bookchin d’abandonner définitivement le concept de lutte des classes. Crime des lèse-majestés du faux cil contre le marteau sur l’enclume qui méritait parfaitement son excommunication définitive du giron marxiste.

Janet Biehl dresse le rappel d’autres expériences pas du tout parfaites mais qui recelaient déjà un certain potentiel d’autogestion citoyenne dans un processus de municipalités, tant dans la cité athénienne, aux towns anglo-américains et dans certaines parties des premières cités médiévales. Avec la naissance de l’Etat-nation, les pouvoirs des localités furent atténués et les citées autonomes désormais assujetties à la bureaucratie, la police et l’armée.

Contrairement aux schémas entretenus par les carriéristes de la politique, qui tournent casaque pour demeurer en place et garder leurs privilèges et s’en fichent plein les pognes sur le dos des gogos naïfs, Bookchin se prononce pour une éthique politique. « Le groupe municipaliste libertaire doit comprendre que ses candidats ne se présentent pas en tant que personnalités, mais comme porte-parole des idées contenues dans le programme du groupe. Ce sont ces idées que la campagne soumet à l’approbation ou la désapprobation de la population, pas la personnalité des candidats. Quant à ceux-ci ils doivent toujours répondre devant le groupe de leur conduite politique ; le but de celle-ci n’est pas la poursuite de leurs propres intérêts  ». (page 94) D’autre part, une nette distinction s’opère entre la politique et l’exercice du pouvoir. « Le municipalisme libertaire veut ressusciter la politique dans le sens ancien du terme : construire et étendre la démocratie directe locale de sorte que les simples citoyens prennent des décisions relatives à leur communauté et à la société dans son ensemble  ». (page 37)

Il remet aussi à l’ordre sans le pouvoir, le concept d’Education populaire si chère aux libertaires, par la tenue de séries de conférences données dans des lieux publics touchant tous les sujets autour de la théorie et la pratique de la démocratie et bien entendu les questions d’actualité dans la communauté. Hum, je crois rêver et me transporter aux causeries anarchistes à la Belle Epoque où il existait en ce temps-là des tribuns !

Il n’évoque pas à ma connaissance les universités populaires mais la formation citoyenne qui passe par l’exercice de la raison. « La faculté de raisonnement de citoyens est une nécessité vitale pour qu’ils puissent juger des meilleurs moyens pour résoudre un problème. La raison doit remplacer la partisannerie viscérale chargée d’émotivité pour faire place à des discussions et à des délibérations constructives  ». (page 103)

JPEG - 68.3 ko

Du point de vue économique, la décentralisation municipaliste consiste aussi à créer un équilibre écologique des besoins locaux nécessaires en énergie. Pour vivre en démocratie directe, cela suppose aussi une réduction massive du temps de travail et dans l’esprit décroissant, une diminution drastique des objets de consommation. A chacun selon ses maigres besoins ! Il appelle de ses vœux à une économie morale.
« Si la production fondée sur la diminution du travail humain est une condition préalable à l’économie morale, une distribution équitable transformera cette économie morale en réalité. La distribution respectera les valeurs humanistes et coopératives du régime municipaliste libertaire si elle est participative, accordant à chacun dans la communauté un minimum inaliénable de moyens d’existence. Elle offrira à tous les membres de la communauté les moyens matériels dont ils ont besoin pour réaliser leur potentiel humain et vivre une vie morale satisfaisante  ». (page 148)

Bien entendu on peut opposer une critique pas tentée à cette théorie qui se situe hors de l’espace européen qui nous intéresse en premier lieu. Janet Biehl consciente nous répond : « Ma présentation, inévitablement, sera marquée par la culture dans laquelle je vie et j’écris ; j’espère néanmoins que les lecteurs et lectrices de l’extérieur des Etats-Unis sauront interpréter les grands principes du municipalisme libertaire dans le contexte de leur propre culture  ». (page 24)
Je laisse également, aux j’espère très nombreuses lectrices et très nombreux lecteurs, de cet ouvrage, le soin de contextualiser toutes ses propositions concrètes par-delà l’Atlantique et les retranscrire dans notre propre réalité.

Les éditions Ecosociété basées à Montréal publient des livres du même tonneau, aussi riches aux niveaux des réflexions, avec souvent un ferry nommé désir de se réaliser de l’autre côté de l’Atlantique. Qu’ils en soient remerciés et fraternité à tout leur travail éditorial !

Dans cette nouvelle édition, vous trouverez en plus une longue interview de Murray Bookchin datée de 1996. Il revient sur toutes ses réflexions. Cerise sur le gâteau, Janet Biehl joint à la fin de l’ouvrage le programme électoral des verts de Burlington qui tient la route et date de 1989. C’est assez incroyable cette modernité et cette justesse des analyses concrètes qui peuvent nous inspirer.

Pour les personnes à l’esprit ouvert, elles peuvent suivre le conseil d’Annick Stevens dans sa préface : « Janet Biehl nous aide à ancrer la quête de l’autonomie politique dans la meilleure part de notre héritage historique, à anticiper toutes les difficultés qui ne manqueront pas d’accompagner ce long processus, et surtout retrouver l’énergie et l’enthousiasme sans lesquels il n’est pas de changement radical possible ».

Réponse aussi au désaveu politique d’une société à l’abandon aux mains du grand capital et des charlatans, femmes et hommes politiques professionnels, Murray Bookchin donne aussi une réponse en forme d’assommoir à la déferlante bleu marine. Vitrolles laboratoire du fascisme communal, avec ses populations défavorisées ostracisées sans mode de transport pour se rendre en centre-ville et laissées à l’abandon, les amoureux des bancs publics enlevés afin qu’ils ne puissent plus se bécoter….. Un mur de la honte érigé dans un lieu culturel et les livres de la bibliothèque passés au crible de la censure. Une police politique qui fait régner la terreur et marche au pas de l’oie dans le sillage visqueux du maire tombé en justice pour affaires, remplacé par sa donzelle zélée. C’est le fascisme ordinaire au quotidien que nous vente ces élections municipales avec comme seule réponse le changement dans la continuité de la gôche caviar et des tenants du capitalisme barrant à droite le navire en perdition, comme seul rempart à la démocratie sous l’étiquette d’un front républicain !
http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4815964

Raison de plus pour lire attentivement Murray Bookchin, résister pour un changement radical effectif en évacuant toutes les notion de domination et son cortège d’incuries politiques.

Bonne lecture à toutes et à tous, de cet ouvrage qui m’a en tout cas remis quelques pendules à l’heure fraternelle. Il m’a permis de me poser certaines questions sur mes certitudes, permettant de me remettre en question, en tant que Singette Missdinguette qui ne détient ni pièce d’identité ni encore moins de carte de vote. J’aime voyager légère.

« C’est un pays qui me débèqu’te
Pas moyen de se faire anglais
Ou suisse ou con ou bien insecte
Partout ils sont confédérés...
Faut les voir à la télé-urne
Ces vespasiens de l’isoloir
Et leur bulletin dans les burnes
Et le mépris dans un placard

Ils ont voté... et puis, après ?

«  Ils ont voté et puis après » (Léo Ferré)

Le municipalisme libertaire La politique de l’écologie sociale de Janet Biehl, préface d’Annick Stevens, traduction de l’anglais par Nicole Daignault, 208 pages, éditions Ecosociété, janvier 2014, prix 17 euros