Jim Jarmusch révolutionne le cinéma vampirique de son esthétique baroque !

Jim Jarmusch révolutionne le cinéma vampirique de son esthétique baroque !

Jim Jarmusch revisite le mythe des vampires dans son dernier opus : « Only Lovers Left Alive ». Il nous dresse la toile d’un jeune couple Adam et Eve basé à Detroit et Tanger de nos jours. Jim enchante notre imaginaire en danger de banalités cinématographiques actuelles. L’esthétique des images et du son nous tourne les sens et nous envoute littéralement dans un tourbillon de plaisirs intenses. On en redemande à haute dose jusqu’à l’overdose, tellement ce film est jouissif à tous les sens du terme.

Imaginez dans vos pires cauchemars, une sinistre d’un régime social-démocrate en tailleur et débardeur, assise sur une table des matières, postant pour Twitter un libelle autour de la domotique et la Silver économie.
Cette mamie, qui fait de la résistance contre son grand âge, a trop lu ce cher Orwell et prédit pour nos têtes rabougries tirant sur le sel de la vie, des jours à grands coups de télésurveillance, bracelet électronique et autres applications mobiles. Elle est au top de la technique pour bien surveiller et punir nos vieux. Elle n’a d’yeux que pour eux et sur le pactole que représente ce marché. « A vrai dire quand j’ai été nommée dans le gouvernement Ayrault ça s’appelait ministère des Personnes âgées et de la dépendance, vous imaginez comme c’est sexy » dixit cette dame lors d’un forum du PS, en novembre, à la gloire du progrès.
Autre cauchemar encore plus navrant qui dépasse même mon imagination fertile. Il existe des savants fous qui jouent sur nos nerfs et veulent prouver que tout se joue à l’échelle des chromosomes, selon la théorie suivante : plus vous avez des télomères longs, plus vous restez jeune longtemps, puisque vos organes se renouvellent parfaitement.

Bonjour désormais l’espace restreint laissé à nos amis les vampires ! Au moins, eux, ils savent que les zombies, (nous les vivants humains, tels qu’ils nous appellent dans le film de Jim Jarmusch), ont une fin. Du moins pour l’instant. Si l’on parvient à inverser les rôles, la vie n’aura plus de sel et encore moins de zèle…. Merdre de merdre…..
« Les vampires sont des figures de l’ombre, des outsiders dans lesquels je peux me retrouver et qui ressemblent, en effet, à certains personnages de mes films. Ils vivent la nuit, comme je l’ai fait pendant quasiment toute ma vie. Ils sont profondément humains  ». (Jim Jarmusch)

Pour vous convaincre et selon la traduction du titre de son fameux film : Seuls les amants restent vivants. L’amour comme moteur à explosion de nos pulsions de vie des deux côtés du miroir. Ça me botte !
D’autant que ses vampires sont aussi cultivés musicalement, littérairement et cinématographiquement que leur créateur. Jim, un homme de 60 berges toujours actif dans les visions de son monde, qu’il donne à partager sur les écrans. Actif aussi du manche sur ses grattes dans sa zizique sur scène et à entendre son groupe de rock cool Sqürl.
C’est un bourlingueur des grandes métropoles à la manière d’un Kent de chez nous, auteur compositeur chanteur éclectique, lui aussi qui se marre à toujours vouloir nous surprendre.

La culture vampirique assez vaste de Jim, s’articule autour de la Hammer véritable creuset sanguinaire du genre pour le meilleur et pour le pire. Les épopées germaniques d’un Dreyer ou d’un Murnau ne lui sont pas du tout indifférentes. Ou plus proche de nous, Abel Ferrara et ses shooters suceurs de sang, il apprécie aussi.

Le retour de l’enfant prodige du cinoche amerloche, après quatre ans de déveines et le bide de son Limits Of Control qui lui a fait perdre son statut volontaire d’indépendant. L’argent ou le règne de la perte de sa liberté de créer…. « Il faut rendre des comptes à des financiers obsédés par les pertes. Avec ce film, mes comptes sont dans le rouge. J’ai dû fermer ma société de production pour en créer une autre, plus modeste. Il faut que je redémarre sur une plus petite échelle, sans garder le contrôle sur tout. C’est peut-être plus sain. Je ne sais pas ». (Jim Jarmusch)

Le synopsis : un couple marié trois fois dont la dernière remonte au 28 juin 1868 vit aux antipodes. Eve (Tilda Swinton) à la plastique troublante et au corps androgyne pour lequel Jim a écrit son film, habite Tanger. Elle se procure sa liqueur de vie chez un vieil ami de son sérail. Le dramaturge Marlowe (1554 / 1593) en John Hurt est épatant et très probant. Je ne peux m’empêcher de penser à Paul Bowles (1910 / 1999) écrivain et musicologue et la beat generation qu’il accueillit. Il gravita ses savates durant plus d’un demi-siècle par Tanger, ville phare à cette époque charnière entre deux mondes séparés par la Méditerranée.
Adam (Tom Hiddeston), son tendre amour a trouvé refuge à Detroit, ville sinistrée. Son décor en trompe l’œil du temps jadis, avec ses industries prospères ouvertes sur un monde capitaliste pourrissant illuminent finalement sur un avenir alternatif et plus fraternel. Il a le blues de se procurer une balle dans un bois spécial pour passer de vie à trépas.
« Detroit symbolise le déclin de l’empire américain. C’est effectivement une ville fantôme, mais la vision que j’en ai va bien au-delà de ce que je montre dans le film. Detroit est une ville pleine d’énergie, que les artistes et les associations s’attachent à faire revivre selon les modèles alternatifs  ». (Jim Jarmusch)

Lors de ses pérégrinations à ciel ouvert vers l’hosto le plus proche, un docteur compatissant contre monnaie trébuchante lui fournit son O plus qu’il boit dans un verre de cristal. A la première gorgée, il sombre dans une apnée de tous les sens hébétés. A côté, La première gorgée de bière d’un illustre auteur minimaliste me tape sur le système pileux. C’est de la piquette de vin de messe, tout juste bonne à boire lors des enterrements de sa vie de chiotte.

On est loin, si loin des clichés éculés des méchants sanguinaires qui tuent pour se nourrir avec l’acharnement des bêtes de proie qui vivent à l’ombre.

Eve est une jeune femme extrêmement cultivée. Des siècles la contemplent à travers les littératures cosmopolites, pardi. Elle sait lire le regard de toutes les cultures sur le monde. Lorsqu’elle découvre que son amour a des envies suicidaires, elle se décide de le rejoindre. Eve sait voyager légère. Deux valises remplies uniquement de livres. Lorsque son voisin d’avion se coupe et que le sang ruisselle à son doigt, elle se retient de ne pas le soigner à la manière douce de sa langue onctueuse. Idem, lorsqu’Adam croise une femme au cuissot ensanglanté à l’hosto, il sait se contenir. D’autant que même le sang est pourri. Et il y a risque d’intoxication s’ils n’y font pas attention. Marlowe en fera les frais cuisants !

Adam compose des musiques mortuaires aux accents de rock éclectique sur des grattes d’un autre âge tout comme les consoles, les amplis et le magnétophone à bandes Revox qui peuplent son repaire. Il a connu Schubert et tous ses descendants. Depuis le temps ! « Il est guitariste et on voit qu’il pourrait jouer sans mal du Paganini mais qu’il a choisi une musique assez minimaliste, par refus de la virtuosité  ». (Jim Jarmusch)
Des guitares saturées d’électricité façon Velvet by night sillonnent les écrans et les lignes mélodiques rappliquent sous les voix suaves chez nos deux héros calmos. Vous ne les verrez jamais s’agiter. Ils savent garder leurs crocs bien rangés et ronger leur frein. Ce ne sont pas des excités du film d’action d’un nanar de série B et autre téléfilms à la Kong, dont on nous a habitués à nous laver le cerveau sur ce genre convenu. A côté, même The Hunger (1983) de Tony Scott est d’un fade avec son couple fondateur Deneuve et Bowie qui n’ont rien apporté de vraiment nouveau.

Tout bascule, quand la frangine frappadingue ignorée depuis des décennies réapparait, pour fiche son souk et briser le ronron quotidien de nuit de ce couple atypique et si pittoresque.

Jim Jarmusch est un esthète. La demeure d’Adam dans le film lui ressemble comme deux canines. Une baraque complétement déglinguées avec ses d’objets d’antan en emporte le vent, sur lesquels souffle sa zizique jusqu’à son téléphone moyenâgeux et son écran de téloche poisseux.

Adam et Eve sont des personnages parfaitement fréquentables qu’on se rêverait d’avoir comme amis à la nuit tombée. Echanger avec eux deux, les entendre nous conter leurs rencontres passionnantes et passionnées à travers les siècles. Nous ouvrir de nouveaux horizons sur les cultures d’un autre âge. « Byron est un con prétentieux  » ! Faire des virés en bagnole dans les friches industrielles de Detroit. Les inviter à Paname, Berlin, dans toutes les grandes métropoles en mouvement….. Guidé par Jim et viser la voute céleste dans les ruines du Michigan Theater transformé en parking !

Le film s’ouvre sur un tournoiement des deux personnages chacun chez eux et sur un fondu d’une platine qui nous plonge immédiatement et irrémédiablement dans un vertige visuel dément. « La musique est la source de mes films. Les disques que j’écoute avant d’écrire un scénario font naître mes idées, me suggèrent la direction à prendre. Je me suis toujours enthousiasmé pour l’articulation entre les images et les différentes tonalités  ». (Jim Jarmusch)
Yasmine Hamdam, la chanteuse libanaise en concert dans un bar de Tanger qui réunit les deux héros à la fin du film est la parfaite illustration des talents de Jim à graver de ses sonorités les écrans de ses films. Yasmine représente la figure mythique d’un pont jeté entre l’Orient et l’Occident. Jim nous avait habitués à ses coups de cœur sonores, qu’il en soit remercié par cette superbe découverte !

Pour aller à la rencontre de Jim et ses personnages fascinants à l’écran, lors de mon récent passage en banlieue de Paname, j’ai éprouvé des difficultés à trouver des salles qui diffusaient son film. Seulement une dans le Val de Marne (94) et une en Seine Saint-Denis (93). C’est un scandale….. Je n’allais pas attendre trop longtemps qu’il descende la rampe jusqu’en Gironde et Bordeaux….
Et puis aussi, je dois l’avouer, j’en ai soupé du Bartos qui m’a collée entre les crocs avenants d’une vampire motarde magnifique et sanguinaire en la personne de Dagmar alias Bluty dans son roman avorté puisque son éditeur a coulé et qu’il en cherche un nouveau : http://www.syblio.com/dagmar
Même que je dois me taper la couche de la belle écarlate toute en cuir comme une suite, mais cette fois uniquement dans le Médoc qu’il est en train d’écrire, le cave !
Alors, si par hasard sur le pont des Arts, si comme lui et comme moi vous pensez que « Bram Stocker est un imposteur » dixit Dagmar et que vous en avez soupé des vampires qui se la jouent en pire et qui n’ont rien lu de Shakespeare, alors précipitez-vous admirer et soutenir le dernier film de Jim Jarmusch. C’est du très bon, du grand talent et quelle qualité esthétique pour les oreilles et les quinquets sensibles. Et, si jamais, vous en connaissez pour de vrai, des vampires comme Adam et Eve dans le Médoc, contactez-moi, que je prenne le large du Bartos pour le moins un peu lourdos !
D’avance merci, le Mague fera suivre vos messages, qui j’espère seront très nombreux pour sauver une Singette qui en jette….

Only Lovers Left Alive de Jim Jarmush, sortie le 19 février sur quelques écrans seulement  !

Sources de l’interview de Jim Jarmusch dans lequel j’ai puisé : http://www.telerama.fr/cinema/jim-jarmusch-la-musique-est-la-source-de-mes-films-la-forme-artistique-la-plus-pure,108444.php

* Un satisfecit particulier et un clin d’œil appuyé au cinéma le Luxy d’Ivry (94) pour la qualité de sa programmation, ses tarifs abordables et ses manifestations autour du cinéma. je pense entre autre à son ciné classique autour du cinéma japonais et sa programmation de 4 films qui a eu lieu dernièrement, dont tris que j’ai déjà chroniqués ! Encore bravo et bonne continuation à toute l’équipe, avec toute ma fraternité.
http://luxy.ivry94.fr/agenda/