Coluche : « C’est l’histoire d’un mec » qui ne deviendra jamais un vieux schnock !

Coluche : « C'est l'histoire d'un mec » qui ne deviendra jamais un vieux schnock !

Pour son neuvième numéro, la revue Schnock éditée par la Tengo éditions donne la part belle à la l’homme à la salopette dans tous ses états. Un dossier touffu avec moult interviews contradictoires de personnes qui l’ont bien connu, dont la grande Fred Romano, que je ne vous présente plus. « C’est pas plus mal que si c’était pire » comme aurait dit Coluche…. Mais on retrouve aussi Paul Newman en vieux beau, les communautés des années 70, les starlettes et bien d’autres articles passionnants. Toujours de très grande qualité et sans publicité, alors pourquoi se priver de lire cette revue des vieux de 27 à 87 ans toujours à la page ?

Depuis le joli mois de mai 2011, la revue Schnock désormais trimestrielle écume ses numéros avec brio : http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article7720. Je ne présente plus les éditions la Tengo dont j’ai adoré et chroniqué certains épisodes de Mona Cabriole qui caracolait son minois de web journaliste, d’arrondissements en arrondissements à Paname, sous la plume à chaque fois différente d’un(e) nouvel(le) auteur(e). J’avais déjà proposé à l’époque de reprendre cette fabuleuse idée du personnage récursif et le transférer dans différentes grandes villes franchouillardes (Bordeaux, Marseille, Lyon, Lille….). En vin de Médoc jusqu’à présent…..

Au Mague, on adore les articles contradictoires qui s’entremêlent les sens et se dévisagent le cortex jouasse. Schnock procède du même état d’esprit à ne jamais dérouler le tapis rouge à ses invités dans ses dossiers. Si j’étais faignante, en ces périodes de fêtes de fin d’année qui appellent à squatter son page bien au chaud, il me suffirait de pomper dans l’excellente chronique de Philippe Meyer du 12 décembre sur France Culture  : http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4757766 Tant, je partage ses points de vue. Sauf que j’avoue, telle Tarzane la honte de la jungle du Médoc tombant de sa liane, je n’ai pas autant de talent que cézigue ! Et donc, je dois toujours me remettre à l’ouvrage pour honorer mes articles.

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Un dossier de plus de cinquante pages consacré à Coluche (1944 / 1986), c’était bien le minimum syndical requis pour se remettre de la cavale du sacré bonhomme tombé nez à nez avec un putain de camion, bonjour les dégâts… A l’aube d’une vie écourtée avec des très hauts et des très bas dans le trémolo de la voix. Seulement 42 piges avant de tirer un trait sur sa gouaille et sa révolte contre la connerie crasse et certaines injustices qui remontaient du très fond de ses tripes. Enfant de Montrouge, lancé à la scène avec succès que l’on sait « comme un produit de lessive  », il savait quelle tronche avait la misère. Et sa générosité légendaire ne l’abandonnera jamais. Coluche au Parthénon des héros malgré lui parmi les fous du roi à la cour des comiques populaires, non pas vraiment chez Schnock ! Les enfoirés (ces soi-disant artistes) du business charité ont bouffé sur son dos Les Restos du Cœur côtés en bourse. Histoire aussi de redorer leur blason et qu’on cause d’eux en chœur. C’est à gerber de gâter l’idée de départ de Coluche, que tout le monde doit manger à sa faim !

Que nenni, donner la parlote à ses biographes dont on peut contester certains points de leur empathie qui dérèglent l’objectivité pour rendre présentable le candidat Colucci en hommage à Coluche l’homme. Schnock comme toujours a préféré s’adresser à celles et ceux qui l’ont côtoyé de très près, à différents moments de son existence mouvementée.
Quelle ne fut pas ma surprise de lire les propos de la grande Fred Romano, la dernière compagne de Coluche ! Elle, la sempiternelle oubliée au cimetière de la mémoire depuis qu’elle s’est extradée à l’île de Formentera aux Baléares pour échapper au grand cirque de la société du spectacle. Elle continue d’écrire et publier et cherche actuellement un éditeur à sa pointure et à la richesse de tous ses talents. Plasticienne aussi et même auteure avec Franck dit Bart d’un feuilleton « On n’en parle jamais  » en 24 épisodes sur la toile, avec ses propres illustrations, à raison d’un épisode par semaine : http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article7583

On ne ressort pas indemne d’une relation intime avec Coluche ! Fred a couché dans un fameux roman d’une grande franchise son amour tumultueux pour cet homme peu ordinaire : « Le film pornographique le moins cher du monde ». http://passion-romans.over-blog.com/article-un-bout-de-chemin-avec-coluche-vu-par-fred-romano-sa-derniere-compagne-le-film-pornographique-l-114281341.html
Même que « Le titre que je voulais donner au livre au départ, c’était : « A toute blinde à travers la boue ». Une citation de Bakounine qui était un peu notre refrain à Michel et à moi  ». (Schnock page 64).

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D’aucuns diront que Tchao Pantin dans la phase noire de Coluche, c’est le film qui a révélé sa face cachée. Fred en verve comme toujours dégomme les idées reçues. « Et Berri a été dégueulasse, il s’est servi de Michel sans jamais vraiment le faire « travailler ». Il n’a jamais essayé de l’utiliser au niveau de son talent. Tchao Pantin, excuse-moi, c’est une vraie merde !  » (Schnock page 62)
Déjà dans son roman, elle révèle aussi les sautes d’humeur violentes du sieur à son égard ainsi que d’autres traits de caractère dans son interview. Vous n’avez qu’à lire son roman et Schnock, bandes de voyeurs et pervers ! Si vous croyez que je vais vendre la mèche qui va vous exploser la tronche…… Une photo toute en l’honneur des deux tourtereaux illustre l’article. On y voit Fred en rose qui irradie de sa présence tenant par la main un Coluche serein, le pétard géant prêt à décoller, lors de la première du film « Coup de foudre » (le bien nommé).

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Ils se sont confrontés l’un à l’autre à un moment crucial, au pied du mur de leur existence. « Au moment où je l’ai rencontré, il était vraiment mis hors d’antenne. En 81, 82, il n’était plus invité à la télé. Il disait : « Ma vie n’a pas marché, donc j’en refais une autre complètement différente et je répare à zéro ». Le plan, c’était d’aller vivre en Guadeloupe et fabriquer des chaussures !  » (Schnock page 60)
Chapeau au journaliste de Schnock qui s’est déplacé jusque chez Fred sur son île lointaine pour l’interroger. Vous en connaissez beaucoup des revues qui déferlent autant de respect pour une si belle et riche personne, vous ?

Je vous passe presto le célèbre épisode du joint roulé par Fred toujours en roule libre au nez de Mitterrand. « Et au diner, à un moment donné, je roule mon joint. Et lui me dit (Mitterrand) : « Ah je connais, mes amis à Alger en fumaient aussi, on appelait ça le kif ». Je lui dis : Mais comment ça se fait que vos amis peuvent fumer, alors que ce que je fais là c’est illégal ? Ils m’en ont voulu d’avoir pris cette liberté. Coluche aussi. Pas forcément parce qu’il croyait pouvoir obtenir quoi que ce soit de Mitterrand, mais parce que je le lui ai volé la vedette. Il n’aimait pas ça.  ». (Schnock page 67)

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Très heureux aussi de retrouver ce cher Luis Rego qui nous révèle que Jésus le chimpanzé (mon amour, mon héros) n’aimait pas Coluche sur le tournage mouvementé de La Vengeance du serpent à plumes en 1984. Une sacrée rave comme tant d’autres que Coluche acteur a tourné et où il s’est enfoncé encore un peu plus. Alors que c’était à la scène qu’il excellait !

Déjà au Café de la Gare, aux prémices du Coluche que l’on sait, régnait une joyeuse anarchie autour de Romain Bouteille, Sotha et leur bande. A 76 balais, Romain toujours aussi gaulois confie la personnalité du lieu : « Personne n’avait enseigné l’art dramatique à personne, et selon nos principes, on ne pouvait pas mettre en scène non plus (puisqu’il n’est pas question de commander). On ne pouvait faire qu’une chose : écrire sur mesure pour les acteurs qui étaient là  ». (Schnock page 47)
Miou-Miou a confié à la revue un album photo noir et blanc de cette période.

Paul Lederman son imprésario et découvreur a aussi la part belle dans son exposé de Coluche, l’homme de scène et l’homme côté cour. « Il était d’une grande générosité. Il ne voulait pas être seul, et il partageait. C’est magnifique ce qu’il a fait chez lui (rue Gazan à Paris), on pouvait venir à n’importe quelle heure, il y avait toujours à bouffer. Mais le problème dans ce cas-là, c’est la drogue, tous se droguaient…  » (Schnock page 34

Les torchons d’hier qui brûlaient déjà les doigts des fachos à entretenir la haine comme unique valeur de leur vacuité humaine, on les retrouve aujourd’hui emplis de la même ignominie à casser du black, du pd ou du lesbien... Lors de la célèbre campagne présidentielle où Coluche commençait à ternir la candidature de Tonton 1er, Minute ressortit l’ « affaire de Dinard  » avec l’extrait du casier judiciaire de Michel Colucci pris la main dans le sac avec quelques potes de Montrouge à chouraver des bricoles sans importance. L’express aussi racolera à la bassesse journalistique pour atteindre Coluche. Le point du vue du principal intéressé est sans appel : « Au fond, je suis arrivé à la conclusion que tout est incompréhensible, que la vie est triste, qu’il vaut mieux rire de tout et tourner ce qui nous choque en dérision. Je choisis la politique du pire, celle que j’ai apprise lorsque j’avais 15 ans, à Montrouge, en cassant les carreaux ». (Schnock page 37)

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Le dossier s’achève sur deux rubriques : « Le Livre Noir de Coluche  » et « Le Livre d’Or de Coluche ». Encore un regard sans concession comme je les aime concernant le personnage. On lit bien un numéro de Schnock, pas de doute possible !

Je passe rapidement sur d’autres articles qui valent aussi la peine de s’y attarder. La fabrique des starlettes, le vieux beau craquant Paul Newman qui cache parfaitement son jeu de l’arnaqueur magnifique ! Les communautés en France des années 70 et un coup de projecteur sur l’AAO et ses nébuleuses, avec le témoignage d’André Bergot.
J’ai découvert avec émoi une certaine Marie-France star rock du groupe Bijou qui s’amusait à transcender les genres à s’y méprendre sur sa beauté naturelle. Quant à sa voix, j’ignore ses arcanes…. Mais je n’ai pas été du tout indifférente à son charme. Très intéressant également, le scénariste qui tire à boulets rouges en 1971 sur ses souvenirs de certains spécimens de la Nouvelle Vague au cinoche. Pathétiques intellos sous l’expression de leurs véritables visages !
En période de Noël, puisque ce numéro est sorti le 4 décembre, on a droit à un florilège de jouets d’antan et même au charme de la RDA (ex Allemagne de l’Est) ! C’est pour vous dire si Schnock est éclectique et vous gratte les tiques d’une période ancienne qui touche à vos racines de vieux schnocks, qui se conjuguent autant au féminin qu’au masculin. Retour aux racines d’une certaine enfance pour une partie des lectrices et lecteurs de Schnock. Excellente mise en matière pour leurs rejetons qui y verront aussi plus clair dans les références de leurs darons pas si cons finalement !

Dernière mouture sans défaut à son armure, puisque j’ai tout lu, tout vu et ai accroché. J’oubliais le meilleur pour la fin. L’époque héroïque de Fluide Glacial qui offrait à Gotlib en cadeau la visite éclair des Monty Python presque au complet en 1980 !

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J’aime l’humour, l’impertinence de tous ces articles à ne pas tirer sur le pianiste et à surtout ne pas vouloir dire c’était mieux avant, comme au temps des vieux cons réacs. Mais au contraire, l’esprit de la lettre de cette revue consiste à redonner sens à un passé récent, pour comprendre certaines transformations dans les mentalités actuelles et de la société.
Dossier foisonnant et vivant, des articles ouverts sur toutes les cultures. Une richesse didactique à partager, de grande qualité dans un tel ouvrage. Je l’ai lu, je pourrai dire j’étais à la page, quand le Bartos me tancera sur sa jeunesse envolée depuis belles burettes et levrettes. Je me marre. Bientôt je serai incollable et lui tomberai sur le râble, à moins ramener sa fraise rassis, le cave !
Merci Schnock et toc !

Schnock, numéro 9, trimestriel – Hiver 2013, 175 pages, éditions la Tengo, 14,50 euros