« Furie », sang pour sang de Palma !

« Furie », sang pour sang de Palma !

En 1978, Brian de Palma signait un film saignant à point ! En contrepoint de « Carrie », son précédent film où déjà les capacités psychiques des personnages étaient mises à rude épreuve. Il donne cette fois la parole à la présence de Kirk Douglas, John Cassavetes et de jeune actrices épatantes. Tout ce beau monde est réuni dans un univers télépathique et télékinésique pour sortir le monstre qui est en eux. Effets spéciaux de l’époque et mise en scène affutée, de Palma s’en tire à merveille. Dans l’écrin de son nouveau master restauré, avec ses nombreux suppléments, ce DVD n’attend plus que d’avoir prise sur votre sang-froid légendaire !

Dans l’étrange continuité avec son précédent film Carrie au bal du diable, succès considérable qui lui permit de troquer son râtelier contre des dents en or, Brian de Palma allait mettre en scène ses fameux thrillers des années 80.
Avec le retour de l’acteur mythique Kirk Douglas au fait des sentiers de sa gloire des années 40 à 50 qui crevait les écrans. Depuis les années 60, il avait tendance à interpréter un acteur névrosé. Dans son rôle du père qui recherche son fils, il peaufine son personnage avec brio.

De Palma voulait adapter un roman : « L’homme démoli  », un classique de science-fiction. Au 24e siècle, l’on peut arrêter les meurtriers avant qu’ils n’agissent par la télépathie. Pour x raison, le film est resté dans ses tiroirs.
Les figures autobiographiques tiennent une place prépondérante dans le cursus mental chez de Palma. Bruce, son frère ainé était un génie intouchable que ses parents vénéraient à ses dépens. Il était devenu un demi-dieu qui dominait son entourage du poids de son intelligence. Et comme souvent, les dieux tombent de haut. Plus dure fut la chute de Bruce, qui finit dans une secte, totalement inadapté à la vie sociale. Le personnage principal de Robin (Andrew Stevens) est inspiré de Bruce ! Cette idée, on la retrouve aussi plus tard dans Scarface (1983) puis dans Le bucher des vanités (1990) avec des personnages qui veulent devenir les maîtres du monde et se cassent la gueule.

L’histoire tient à bien peu de mots. Peter Sandza (Kirk Douglas) en vacances dans un pays du Moyen Orient se fait dézinguer sous les yeux de son fils Robin. Une organisation secrète a commandité son meurtre pour s’emparer de Robin doué de pouvoirs psychiques exceptionnels. Mais comme de bien entendu, Kirk le Viking en réchappe et n’a de cesse de retrouver son fils.
Un an plus tard, la jeune Gillian Bellaver (Amy Irwing) se découvre elle aussi de fortes capacités de médium et elle est engagée dans un Institut spécialisé. C’est depuis ce lieu qu’elle entre en communication avec Robin….. Et ils eurent de nombreux télépathes pour ne pas dire des mille pattes ! Que nenni, sauf que les ondes passent entre eux……

JPEG - 1.6 Mo

Pour en revenir à Carrie, rappelez-vous l’héroïne principale détenait certains pouvoirs psychiques dont elle ne pouvait contrôler la portée. Et ce n’est autre qu’Amy Irwing déjà emprunte de pouvoirs elle-aussi extraordinaires qui demeure l’une des rares survivantes de la terrible vengeance de Carrie.
Amy avait déjà tapé dans l’œil de Spielberg pour qu’elle devienne sa femme officielle. De Palma grand orchestrateur du cinématographe ne sait lui-même pas trompé en l’engageant à nouveau sur le tournage de Furie.

Alors, déjà thriller, espionnage aux limites du fantastique….. De Palma avec sa nouvelle carrure hollywoodienne a fait banquer les producteurs pour lui apporter un budget conséquent pour l’époque. Ce qui lui a permis de disposer de moyens techniques enviés par d’autres confrères pour porter Furie dans la fureur de vivre de son cinéma à cri et à sang. Il s’est payé Kirk ou le retour du papi en pleine forme et ce cher John Cassavetes dans le rôle du méchant. Si John acceptait de tourner dans des films hollywoodiens qui lui rapportaient de gros cachets, c’était dans le seul but de pouvoir tourner lui-même ses propres films et les produire. Son indépendance était à ce prix-là ! Je vous rassure, il est presque aussi inquiétant dans Furie que dans son rôle pour Rosesmary’s Baby  ! C’est pour vous dire ses talents d’acteur.

Les seconds rôles ont aussi leur importance dans le cinéma de de Palma. Ainsi Fiona Lewis, que l’on retrouve dans les suppléments du DVD, nous compte ses déboires et ses joies lors du tournage de Furie. Elle interprétait l’accompagnatrice scientifique de Robin qui tombait vite sous son charme surnaturel.
Elle appréciait (tu m’étonnes) John Cassavetes pour son tempérament cool et discret. Elle raconte qu’elle avait failli refuser le scénario qui se résumait à ses yeux à des tripes et du sang. Après une scène particulièrement sanglante, il lui était impossible d’aller déjeuner puisque recouverte de sang. Assise sous les projos en compagnie de Cassavetes (la chance !), John imperturbable avec son charme latin incomparable lui susurra : « Finalement, tu as bien fait de ne pas suivre des cours de théâtre  ». Et Fiona de sa voix actuelle de femme mature avec tout son charme déclare : « C’était un moment assez cocasse, parce qu’on dégoulinait de sang  ».

JPEG - 68.7 ko

Ah oui c’est vrai, j’ai oublié de mentionner, faut que ça saigne dans Furie à la folie, si la pellicule veut articuler le fil de l’action. Au niveau des trucages de l’époque (1978), je reconnais qu’ils sont parfois assez apparents à nos yeux exercés. Pour sûr avec nos moyens techniques d’aujourd’hui, il aurait si facile de gommer ces quelques rares imperfections !

De Palma dans une interview (toujours dans les suppléments du DVD) s’explique sur le trucage des yeux. « Nous avons simplement utilisé des lentilles de contact bleu cobalt. L’œil devient alors tout bleu. Ce qui permet de projeter dessus n’importe quelle image. Puis nous sommes passés du bleu irisé au blanc ».
Et sur l’excellence de l’actrice principale, il expose ses éloges. « Amy a suivi des cours de rétroaction biologique afin de dominer son rythme alpha. Sans oublier qu’elle sait se préparer : elle lit énormément, rencontre des gens. Elle fait tout entrer dans la tête des personnages qu’elle incarne ».

Comme toujours chez de Palma le professionnalisme du réalisateur avec toute son équipe sur le film, il réalisent des prodiges.
Ma principale critique touche au niveau du scénario dans la scène qui réunit à la fin du film le père et le fils. Elle est emprunte d’une morbidité étonnante de la part de de Palma qui ne nous y avait pas encore habitué. Comme si par un exercice de style et de facilité, il s’était rendu au fait, que plus facile et moins surprenante serait la scène finale et plus les cinéphiles en tiraient profil à apprécier sa manière de tirer les fils. En ce qui me concerne je suis restée sur ma faim.

JPEG - 96.7 ko

Pour le reste j’ai accroché au film et je sens que de Palma devait beaucoup se régaler dans les scènes d’action. La course poursuite entre les voitures au bord de l’eau est très réussie.

Une fois de plus, je vous recommande ce film de Palma si le trop plein d’hémoglobine ne vous donne pas des sueurs froides, pour achever ma chronique en clin d’œil au maître anglais du suspens que de Palma adulait.

Furie de Brian de Palma, nouveau master restauré, version originale sous-titrée, Couleurs, 1978, 113 minutes, distribué par Carlotta Films, 16,99 euros et 19,99 euros en Blu-Ray Disc master haute définition, sortie le 16 octobre 2013.
Nombreux suppléments
….