La LEN fétide

Un ami nommé Martin L., qui aime trop la pose pour publier sa prose, quoiqu’il sévisse sur quelques blogs sous un pseudonyme aisément identifiable par sa nature raffinée, m’a fait remarqué il y a quelques temps que "les internautes se font bouffer la LEN sur le dos" ! Très fin, n’est-ce pas ? Voici les quelques lignes qu’il m’a transmis, et que je ne saurais reprendre à mon nom...

La "loi pour la confiance dans l’économie numérique", ou LEN, a été adoptée par les sénateurs français le 22 juin dernier, au terme de plusieurs mois de procédures parlementaires. A l’origine, cette loi visait simplement à transposer dans le droit français des directives européennes de 2000 relatives au commerce électronique (1) - c’est un processus habituel et courant. Mais l’adoption du projet de loi initiale a été constamment retardée, à mesure que de nouvelles préoccupations venaient se greffer sur celles du texte originel. La LEN telle qu’elle a finalement été votée est donc un fourre-tout assez aberrant, qui mélange allégrement télévision et Internet, commerce électronique et téléphonie, protection de la vie privée et intérêts commerciaux.

Dès février dernier, tandis que le projet était encore débattu à l’Assemblée nationale, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer un projet liberticide. Une pétition lancée par l’association Odébi (2) a rassemblé près de 250000 signatures, poussant les députés à amender certaines dispositions en deuxième lecture : la loi prévoyait par exemple d’assimiler Internet et télévision, et donc de placer les sites français sous l’autorité du CSA. D’autre part, le Conseil constitutionnel a censuré trois articles particulièrement ridicules, en particulier celui qui rendait les délits de presse pratiquement imprescriptibles sur Internet (3).

On pourrait avoir l’impression, finalement, que le pire a été évité - et effectivement, grâce à la mobilisation des internautes, les e-mails sont redevenus une "correspondance privée", contrairement à ce qui était initialement prévu. Mais la LEN laisse tout de même un arrière-goût amer ; elle donne à voir la manière dont les députés et le gouvernement français considèrent Internet, ce qui n’est pas très réjouissant. Par exemple, sous couvert d’interdiction du "spamming" (4), la LEN permet en fait de légitimer l’envoi d’e-mails commerciaux pourvu que leur expéditeur soit identifiable. Les hébergeurs de sites, s’ils ne sont plus directement responsables des contenus qu’ils hébergent, sont par contre contraints de mettre en place un système facilitant la délation, et d’en faire la promotion auprès de leurs visiteurs. Ultime exemple, les fournisseurs d’accès sont désormais contraints de conserver et de tenir à la disposition des autorités toutes les informations disponibles sur leurs clients (liste des sites visités, des données échangées...).

On peine à comprendre, franchement, en quoi ces dispositions aideront la "confiance dans le commerce électronique". On voit bien, par contre, comment elles voudraient reprendre le contrôle d’un média trop décentralisé et foisonnant pour être vraiment honnête.

Martin

(1) Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000.
(2) http://www.odebi.org/
(3) Le texte définitif de la LEN et de nombreuses informations relatives sont disponibles sur :
http://www.assemblee-nat.fr/12/dossiers/economie_numerique.asp
(4) Envoi d’e-mails commerciaux non-sollicités.

Martin

(1) Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000.
(2) http://www.odebi.org/
(3) Le texte définitif de la LEN et de nombreuses informations relatives sont disponibles sur :
http://www.assemblee-nat.fr/12/dossiers/economie_numerique.asp
(4) Envoi d’e-mails commerciaux non-sollicités.