« Le bocage à la nage » crawle l’humour et la subversion à chaque page !

« Le bocage à la nage » crawle l'humour et la subversion à chaque page !

Prenez un roman qui traite de la vie libérée de l’aliénation économique sur le mode humoristique et joyeux ! Olivier Maulin son auteur s’est surpassé dans « Le bocage à la nage ». L’action se déroule principalement dans une communauté en Mayenne ou surnagent des anarchistes naturiens naturistes, des clochards célestes, autour d’un proprio accueillant tout ce petit monde avec bienveillance. Soudain tout bascule dans la bouse et le blues quand deux barbouzes s’introduisent dans les lieux ! Audiard et ce cher Frédéric Dard sont au rencard de ce roman désopilant, subversif et hilarant. Un régal, un chef d’œuvre de la littérature fatale à vos zygomatiques. Quitte à mourir de rire, lisez ce roman recommandé par toutes les officines de la joie de vivre.

Vous pensez bien, moi qui suis toujours à la recherche de l’originalité, quand cet ovni, ce poisson d’avril m’est tombé du ciel dans mes mirettes attentives et si sélectives, il m’a retourné les sangs. Tellement fort, que je me suis fendue le bide à lire ce roman hilarant de la première à la dernière page. Exercice de style particulièrement difficile pour cet auteur hors norme, habitué du fait et des prix littéraires en reconnaissance de son humour débonnaire.

Olivier Maulin, (retenez ce nom et précipitez-vous chez votre libraire préféré) a déjà écrit sept romans du même tonneau. Son credo, c’est la description attentive d’une société alternative digne du slogan de l’excellente publication, La Décroissance qui titre ce mois-ci : « Transition piège à cons  ». Haro sur la consommation des biens matériels d’aucune utilité qui pourrissent notre existence à bosser toujours plus pour s’endetter encore d’avantage et enterrer votre vie de merde dans une tombe achetée à crédit le jour de votre retraite !

Imaginez un certain Philippe Berthelot d’une banalité affligeante, que même si vous l’avez croisé un jour en dehors des pages du «  Bocage à la nage », vous l’aurez oublié dans l’instant et bu cul sec votre jus de chaussette à sa santé.
Le zigue vend des monte-escaliers électriques en Mayenne à des retraités récalcitrants ou sans le sou. C’est le bide tous les jours et les engueulades du boss lui déchirent les tympans : « Je crois que t’es le roi des cons. Plus nullard, tu meurs. Un bourricot serait plus efficace. T’as intérêt à te remuer sérieusement parce que je vais pas continuer longtemps à te financer pour te gratter le cul » (page 20)

Pour tenir le coup, il fréquente son aminche Cro-Magnon, un ex militaire qui squatte une caravane dans la nature. Ils imitent la chouette de jour comme de nuit et se jettent des godets lors des samedis soirs.
Ils ne rechignent pas non plus à prêter leur force de travail à Michel Rabinière le propriétaire d’un manoir bordé de 90 hectares, qui porte monocle et ne rit pas jaune pour autant. Il évoque des idées très arrêtées sur la marche du monde : « Le seigneur du Haut-Plessis n’avait qu’un ennemi, mais de taille : le monde moderne. Il l’exécrait sur tous les plans, mais toujours de manière très courtoise. Il pensait que l’on vivait une grande période de chute et que celle-ci s’accélérait constamment. Il déplorait que les seules vérités fussent désormais physiques et se disait opposé au matérialisme, à la démocratie et aux congés payés ». (page 51)

Ce qui ne l’empêchait pas d’accueillir la fine fleur de la marginalité sur ses terres. Ainsi Louis et Ninette, un couple d’anarchiste très esthétique de 34 ans en nudité absolue et naturelle, avec déjà une vie en actes derrière eux, inspirée directement et antérieurement par les milieux libres et communautaires des naturiens de Vaux du début du XXe siècle.
Je parie qu’Olivier Maulin a lu les ouvrages de Céline Beaudet et Tony Legendre sur la question pour en causer si parfaitement, même que si ça tombe il a été bien inspiré par l’article de ce cher Paco : http://www.lemague.net/dyn/spip.php?page=imprimer&id_article=2348

« J’ai la haine des entraves et j’aime me promener nue le long des ruisseaux, la chair caressée par les rayons du soleil voluptueux. Je ne suis pas sociable. Et votre société, Ô vieillard, peu m’importerait qu’elle se brise en mille pièces, pourvu que je vive ma vie. Qui es-tu donc Ô fille effrayante comme l’infini et sauvage comme la nature elle-même ? Je suis l’anarchie ». (Hermann Stern, juin 1911) in Expériences de vie communautaire anarchiste en France. Le milieu libre de Vaux (Aisne) 1902 / 1907 et la colonie naturiste et végétalienne de Bascon (Aisne) 1911 / 1951 de Tony Legendre

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Les clochards se passent le mot du gite et du bide comblé. Ainsi au moins deux visions de l’existence cohabitent tant bien que mal au domaine. « D’un côté les bouteurs d’herbe » comme les appelaient les omnivores ; de l’autre, les « nécrophages dégénérés », ainsi que les qualifiaient les crudi-végétariens, Louis en tête. L’affaire faisait du bruit dans le pays. On ne parlait plus que des anarchistes et de leurs mœurs dévoyées et principalement de la belle Ninette qui alimentait les fantasmes du bocage. La presse locale de droite très remontée, qualifiait le domaine de « kolkhoze de la honte ». Celle de gauche, non moins remontée de « seigneurie des pouilleux ». Mais Rabinière s’en fichait. Il ne lisait jamais la presse  ». (page 55)

Des personnages encore à foison échappent aux qualificatifs et préjugés entre les pages de ce roman si vivant. Il y a même des enfants qui sans le savoir vont se dessiner dans une affaire d’état. Il y a aussi deux grands enfants très touchants. Cro-Magnon gros nounours très timide épris de Léonie jeune femme qui rêve de devenir libraire et étudie sérieusement la question. «  La rencontre avec un écrivain à succès l’avait laissée quelque peu perplexe. « Cynisme, dépression, nombrilisme : voilà ce qu’évoquait désormais pour elle la littérature contemporaine. Un petit monde de dandys dépressifs qui racontent leurs dernière histoire de fesse ». (page 147)

Et un jour, parmi toutes ces existence paisibles et retirées du monde, deux barbouzes s’invitent à la danse et ne savent pas lire le panneau d’accueil : « Prière de ne pas nous emmerder  » va chambouler tout ce petit monde ! Sous prétexte de dissimulation de document top défense…. « Les tontons flingueurs  » à côté font grise mine et paraissent avoir pris un coup de vioc dans le manioc. Nos deux valeureux barbouzes vont voir tous leurs pare-chocs voler en éclat…. Je ne vous dis pas plus, tant c’est délirant et pourtant si probant de vérité si je mens.

Olivier Maulin excelle dans les dialogues et dans les portraits de ses personnages. Mais « Le bocage à la nage  » c’est aussi la description campagnarde. Il nous gratifie de ses connaissances non plus seulement des naturiens mais aussi naturalistes vraiment émouvantes où les écologistes de salon peuvent aller se rhabiller et conter fleurette au rôle vital des milliers de kilomètres de haies arrachées, au nom du progrès et des cultures intensives. « Des destructions irréversibles. L’équilibre écologique ancestral brisé à tout jamais. Du vandalisme vendu sous le nom de progrès. De la bêtise crasse et orgueilleuse  ». (page 157)

On respire dans ce roman la joie de vivre libre et c’est tout bonnement trop bath et si rare en littérature actuelle pour ne pas passer à côté d’une telle œuvre aboutie et qui ne flanche pas d’une ligne entre toutes les pages du « Bocage à la nage  ». Et pour féliciter Olivier Maulin, j’ai très envie de lui dédier ces quelques vers de « L’Age d’or  » de Léo Ferré dont je suis en train de lire la biographie qui vient de paraitre sous le rouage de son amour filial pour sa petite Pépée, chimpanzé frappadingue. Je vous en reparlerai bientôt.

« Nous aurons la mer / A deux pas de l’étoile / Les jours de grand vent / Nous aurons l’hiver / Avec une cigale / Dans nos cheveux blancs / Nous aurons l’amour / Dedans tous nos problèmes / Et tous nos discours / Finiront par je t’aime / Vienne vienne alors / Vienne l’âge d’or  »

Olivier Maulin : Le bocage à la nage, éditions Balland, avril 2013, 260 page, 19,90 euros