Mano Solo, l’Animal trompe la Mort !!

Ma fille danse sur ‘Savane’. Elle prend le soin de tourner autour de la table du salon, car la musique de Mano-Solo fait valser quel que soit l’endroit où se fait l’écoute.

En concert forcèment il se dégage quelque chose de plus, mais en disque, à même le tapis du salon, avec cet ‘Animals’ il tape dans les rayons du soleil le père Solo.

Si un bébé bouge sur un rythme tribal c’est qu’il est bon. On ne ment pas à des enfants, même pour tracer sa route en chanson.

Sans rentrer dans la Tziganerie forcée nouvellement à la mode, sans prendre le parti pris espanisant, mais bien en mixant tout ça à la sauce petit oiseau des caniveaux, de sa voix porteuse de doutes d’un homme debout Mano-Solo catapulte une tonne d’espoirs et de sourires sur nos épaules et dans les rires de ma fille. Rien que pour ça, pari gagné « Monsieur ».

En premier lieu, avant de rentrer plus en avant sur ton propre disque, j’aurais aimé que tu me parles d’un groupe avec qui tu a collaboré, 3 personnes qui m’ont dit plein de belles choses sur toi : c’est Karpatt ?

Mano-Solo : « Les Karpatt c’est comme les dessins de Sempé, ils ont un univers comme ‘Le Petit Nicolas’ avec un genre désabusé mais gentiment. C’est un univers très tendre. J’aime bien leur tendresse dans l’énergie. »

Pour parler maintenant de ton nouvel album, D’où t’es-venue l’idée de cette pochette ?

Mano-Solo : « J’avais envie de faire le roi des animaux, Je souhaitais que les chiens dorment mais c’était impossible de les faire dormir tous ensemble. Je voulais être dans une couverture de chien en faisant une belle sieste. »

On sent une couleur très chaude sur l’album, un côté très festif ?

Mano-Solo : « Il y avait déjà la même couleur dans les 2 derniers albums. Ce n’est juste qu’une évolution. »

Il y a deux chansons que j’aime particulièrement sur ton album c’est ‘Du Vent’ et ‘Moi j’y Crois’. Parce qu’elles parlent de deux sujets éternels : l’amour et la lutte sociale ?

Mano-Solo : « La lutte sociale pas vraiment, c’est juste un avis de citoyen. Je ne suis pas un militant. Simplement quand j’ai un avis je le donne, je ne vois pas pourquoi je me tairais. Je pense que les chanteurs ont peur de faire des chansons qui vieillissent mal, du coup ils ne s’expriment jamais sur l’actualité. »

De ton côté, tu n’hésites pas à t’engager auprès par exemple du KO Social ?

Mano-Solo : « Je pense que c’est une bonne initiative, même si c’est un peu le bordel. Il y a beaucoup à faire pour organiser ça autrement... de façon plus libre. C’est à dire que le public qui veut savoir ce qu’est le KO Social il a pas beaucoup de visibilité, je vais m’investir plutôt dans une visibilité du projet plutôt que de monter sur scène. En essayant de créer un vecteur sur internet. »

Dans la conclusion des ‘Animals’ tu déclares que le rôle d’un chanteur c’est de servir de porte voix aux gens qui n’ont pas la chance ou l’audace de crier leurs sentiments ?

Mano-Solo : « Je dis ça moi... tu rigoles ! t’as vu ça dans tes fantasmes ! »

Tu chantes dans cette chanson « l’animal abandonne quand il ne peut plus que laisser parler sa peur c’est dans ma musique qu’il pleure » ?

Mano-Solo : « C’est un autre concours de circonstance. En fait cette chanson je l’avais écrite pour Juliette Greco, elle finissait par « C’est dans mes bras qu’il pleure », mais il n’y a que Juliette Greco qui aurait pu dire ça. Comme elle n’a pas chanté cette chanson moi je l’ai reprise à mon compte, seulement je ne me voyais pas accueillir tous ces pauvres petits dans mes bras j’ai rusé en remplaçant « mes bras » par « ma musique ». »

Paris est toujours aussi présente dans ta musique ?

Mano-Solo : « Paris c’est histoire de pouvoir situer mes chansons. Paris revient tout le temps mais c’est parce que j’habite là, c’est tout. En même temps, Paris ça reste mythique. C’est un réflexe aussi, comme je raconte des histoires vraies, vécues, faut bien les situer quelque part. Je voudrais bien écrire des chansons qui se passent à Casablanca mais je n’y suis jamais allé. » (rire)

Sur ‘Botzaris’ les "Têtes Raides" viennent jouer avec toi ?

Mano-Solo : « Je les connais depuis une bonne dizaine d’années les Têtes, là je les ai appelé parce que je trouvais que le morceau leur convenait bien. »

Est-ce qu’il faut que tes rimes soient cruelles pour être entendues ?

Mano-Solo : « Heu : faut le croire vu la critique que j’ai eu dans Libération. Tu vois que le mec il regrette que je ne souffre plus, que je n’ai plus mal, voir que je ne sois pas mort donc il faut croire que oui mais moi je pense que non. »

Tu as d’ailleurs demandé un droit de réponse à ce journaliste, qu’est-ce qu’une critique comme celle qu’il a pu faire te fait à toi ?

Mano-Solo : « Cela m’attriste pour les journalistes qui ne se rendent pas compte de ce qu’ils font. En fait ils se mettent au même étage que Le Pen constamment, sans même s’en rendre compte. De bonne foi, la plupart ne veulent pas me nuire mais ils ne se rendent pas compte qu’ils sont en train de stigmatiser un sidéen en permanence. Alors que le sidéen, il a beau parler ou faire n’importe quoi on le ramène toujours à son Sida. Je ne trouve pas ça normal, c’est carrément un espèce de racisme. C’est de la délation d’une différence ou d’une histoire personnelle. Dans la chronique en question il n’a qu’à dire que mon album ne lui plait pas ou qu’il est mauvais ça il a le droit, mais je ne vois pas pourquoi le commentaire finalement c’est ‘oui, quand il ne nous parle pas de Sida on s’emmerde’ donc pour lui je suis bon qu’à parler de Sida parce que je l’ai. C’est carrément un ghetto où il m’enferme. »

Ta déception vient du fait que l’on ne parle pas de ta musique ?

Mano-Solo : « C’est ça qu’il y a d’odieux, et je n’ai plus envie de subir ce genre de choses. »

Je t’ai vu dans un endroit où tu parlais pourtant super bien et de toi et de ta musique, c’était dans la voiture de « La Route », une émission de Canal Jimmy ?

Mano-Solo : « Ce jour là, j’étais avec Anouk Grimberg et je me sentais très con. Je savais pas quoi lui raconter alors je ne la laissais pas parler. Je ne lui ai pas laissé en placer une ! après j’avais vraiment honte. Je paniquais alors je lui ai dit n’importe quoi parce que j’étais vachement impressionné. »

Comment comptes-tu monter sur scène pour la tournée qui commence ?

Mano-Solo : « On va être dix sur scène. »

T’aimes bien avoir du monde autour de toi ?

Mano-Solo : « J’aime bien parce qu’on peut varier les sons, on peut varier les ambiances. Quand on est à 4 on ne peut pas voyager beaucoup. A 10 sur scène c’est une garantie de ne pas s’emmerder. Cela te permet de faire le tour des musiques, d’amener plein de sons différents, plein d’ambiances différentes. »

Qu’est-ce que tu aimes en ce moment en matière de musique ?

Mano-Solo : « Je n’ai pas de grand flash ces derniers temps. Je suis un peu un passéiste en musique. J’écoute toujours les conneries que j’écoutais quand j’étais gamin en fait. J’écoute beaucoup de reggae, du flamenco. J’écoute la radio aussi. »

Quelles radios passent encore de la musique qui te plaît ?

Mano-Solo : « J’écoute France-Info en boucle (rire). J’écoute 882, j’aime bien cette radio car ils passent du rap qui n’est pas trop commercial. Ils passent aussi des démos de jeunes rappeurs c’est intéressant. J’aime bien écouter du rap quand ça ne parle pas que de bonnes femmes et de pognon. »

Vas-tu recommencer ce que tu as pu faire avec ton live de ‘La Marche’ ?

Mano-Solo : « On va peut être faire un DVD en fin d’année avec une captation d’un concert agrémenté d’autres choses comme un film mais c’est encore en projet. Y a rien de fait. »

Gainsbourg disait que la musique était un art mineur ?

Mano-Solo : « Fait chier Gainsbourg avec sa connerie ! moi je dis qu’il n’y a que des bons artistes ou des mauvais artistes point barre. Une chanson peut être un chef d’œuvre au même titre qu’une peinture. L’important c’est ce qui a dedans et l’effet que cela fait aux autres. C’est ça l’art. C’est pas un moyen, c’est pas un media quelconque. L’art c’est fait pour toucher les gens. A partir du moment où tu touches des gens tu fais de l’art. »

Avec des différences quand même ?

Mano-Solo : « Oui il y a des arts plus faciles, plus rapides à réaliser. En musique tu peux faire une chanson éternelle en 10 minutes, on a plus de mal à faire un tableau éternel en 10 minutes évidement ! mais qu’est ce qu’on en a à foutre, c’est pas le temps qu’on passe qui donne la valeur qu’elles ont. La vraie valeur des choses c’est leur valeur de communication. »

Et toi, personnellement, à quel moment tu t’accomplis et tu te sens heureux comme artiste ?

Mano-Solo : « Sur scène je le suis ! Parce qu’il se passe quelque chose alors que c’est vrai que si tu fais une exposition à ton vernissage t’as surtout les boules. (rire) c’est beaucoup plus jouissif d’être sur scène que de faire un vernissage ça c’est sûr ! »