Sarclo prend le parti de « Gueuler partout comme un putois » !

Sarclo prend le parti de « Gueuler partout comme un putois » !

La maturation de Sarclo, auteur compositeur suisse, ne passera pas le mur du son. Il se joue de son âge et de ses attributs pour nous accorder les zygomatiques en chansons, dans son dernier opus façon de parler, puisque l’artiste est increvable. De même que son talent à ne jamais trop se prendre au sérieux avec des textes qui décapent et des zizigues en harmonie avec son pote Napoléon Washington. Ces deux-là ont accordé leurs guitares rock et acoustiques, que ça met en joie. Album inclassable comme à son habitude, il a la chique. Il a toujours la trique pour les nichons, aussi sensible que trivial et toujours l’œil et le bon ! Je l’adore.

Sarcloret ex Sarclo, à l’homophonie douteuse avec le triste président à la montre suisse, a repris le large à l’aune de son treizième album intitulé «  A gueuler partout comme un putois  ». Toujours pas superstitieux le zigue, mais irrévérencieux avec la camarde qu’il nargue depuis belle levrette déjà lors de son album «  A tombeau ouvert  » (chansons posthumes volume 1 en 2006) où j’en étais restée bouche bée. Même qu’à cette époque où je créchais encore en banlieue parisienne, le Bartos m’avait emmenée l’applaudir au Forum Léo Ferré d’Ivry sur Seine. Il en avait aussi profité pour lui offrir son premier roman « Carl et les vies parallèles  » qui mettait en scène son chanteur suisse préféré né à Paname héros malgré lui de sa farce littéraire. « Ah si bien-sûr, elle avait quelques compacts disques de Sarclo dont elle ne se séparait jamais. Ils tissaient le lien indispensable entre l’humour, la sensualité et la joie de vivre que lui avaient inculqués ses grands-parents. Pour la petite histoire, ils furent fan de Sarclo, le chanteur auteur compositeur francophone qui trempait sa montre enrubannée de chocolat dans la bière de son vallon et ne prenait rien au sérieux, à part les femmes et encore. Cette infinie amitié avec le génial trublion se gela dans le lac lorsqu’il passa durant sa tournée hexagonale, en première partie de Peugeot, le soi-disant rebelle, le nouveau beauf alcoolo de la branchitude gauloise. C’en était trop ! Fallait qu’il bouffe, Sarclo ! » (page 197, éditions feux Michel Champendal 2006)

Etonnant bonhomme tout de même ce SarcloretMichel de Senarclens avec une particule au matricule à Paname. Pour un Suisse, ça fait désordre ! Ses études d’architecture menèrent son équerre dans le verbe et les mots d’esprit dont il s’éprit. 1981, Tonton 1er gravit les marches du podium au symposium du pouvoir et Sarcloret pour son premier album entama déjà « Les plus grands succès de Sarcloret ». Il joue avec le temps avec une longueur d’avance dans ses chansons. Si vous ne voulez pas mourir idiot, Sarclo prévoyant a fait paraitre un coffret de ses œuvres complètes avant l’opus qui nous occupe le corps et l’esprit : « Un enterrement de 1er classe – 12 CD – 13 heures de musique  ».

Epitaphe en forme de baffe dans la tronche, vous en connaissez beaucoup des types qui de leur vivant gravent dans le marbre les deux dates fatidiques qui marquent l’équation de leur existence : Paris 1951 – Moudon 2034 ! Autrement dit le monsieur a encore de belles années devant lui et je vous laisse calculer les printemps du capitaine !
A l’âge certain, « Ça me pendait au nez : depuis des lustres, je commençais des phrases par : A l’aube du troisième âge ». C’était pour déconner mais on y est  » (Sarcloret).

A L’âge où il y’en a qui comptent leurs cheveux blancs, comme le fameux Jean-Louis Fournier en livre et sur scène nous conte « Mon dernier cheveu noir », Sarclo à rebours et jamais à la bourre contre-attaque : « Plus je deviens vieux, moins j’ai de cheveux / Moins j’ai de cheveux, plus je fais ce que je veux » (in Le décolleté). Avec lui on est marron. Et en plus il en a de l’énergie : « Elle m’a dit t’as nonante ans / Tu vas mourir bien gentiment / J’ai dit non, non, non, j’ai dit pas du tout / Je veux encore des baisers doux / Je veux bien rigoler tout seul / A en pisser dans mon linceul / Bon d’accord j’ai l’âge des morts / Mais là maintenant j’en veux encore  » (in Le Décolleté). Jamais insatiable avec tous les plaisirs de la vie… et les nichons il en connait un rayon, c’est son dada, c’est ce qui lui fait monter le tromblon, pour ainsi dire depuis cinq décennies à nous reluire le blason de la mamelle, en plus il ne s’en lasse pas. Je dois dire à ma décharge, moi non plus.

On pourrait croire qu’il joue les mauvais garçons l’œil goguenard à s’allumer un coquard de lune et s’auto congratuler une gymnique de dérision qu’il aurait bu jusqu’à la déraison. Pas si simple, en creusant le personnage on touche des points sensibles, des fêlures bien naturelles. Il n’est pas un surhomme mais un homme sensible qui ne chante pas dans les lacrymales du mâle dépité. Il est un Pierrot lunaire avec une bite à la place du fil à plomb où marche l’autre empaffé qui joue au fantôme cosmique. « Ma vie j’étais cuit comme une farce / Et ça caillait comme en février / Quand soudain la fille du mois de mars / A sauté du calendrier / Je savais ses rondeurs éparses / Elle était jolie à crier / Crier Sarclo change de comparse / Tu vois rien dans l’encrier  » (in En mars change de comparse).

Et moi qui suis très sensible au textuel, toutes ses formulation gravitent dans la dentelle et me rappellent par certains côtés le génie d’un Céline. C’est pour vous dire le style du zigue qui caresse son papier pour en tirer des salves à chanter dare dare.
Et pour en avant la zizique et y mettre des sons sur ses textes chiadés, il est tombé sur un certain Napoléon Washington, juré que c’est vrai, celui-là qui l’a accompagné. Comme les deux zèbres ne sont pas des manches à la guitare, ça sonne parfaitement à l’unisson.
Autre particularité du bonhomme, il aime son indépendance créatrice. Il est l’artisan de toute son œuvre, il s’autoproduit et de fait il est libre et s’en donne à cœur joie, youpi !

Du tendre, au féroce, il convoque en chansons ses rêves cochons (in Crétin), l’amour à 12 ans (in A quoi sert l’amour à 12 ans), son ex-femme (in Chacun de son côté), sa nouvelle amoureuse transie sur papier glacé dont j’ai déjà parlé (in En mars, change en comparse), sa pomme (in J’avais bien vu la solitude), les autres autour (in Découple et J’y connais rien). Tout un petit monde à lui tout seul, un monde qui nous touche, qui fait mouche à chaque chanson.

Chiche ma quiche qu’il est sensible, le Sarclo ! Bob Dylan, vous connaissez ? Il en est fan et plus fan tu meures. Oh non non, surtout pas lui, Sarcloret est indispensable à la chanson francophone. En attendant, il nous conte son Dylan à lui. « Ya déjà Desproges au Père Lachaise / Que je vais voir quand je me sens trop con / Quand j’ai le bazar qui part aux fraises / Ben oui mais sans lui… Refrain : Le jour où on va nous dire / C’est fini, Dylan est plus là / Bukowski ça l’aurait fait rire / Moi je pourrai pas » (in Dylan).

Je vous l’avais bien dit qu’il est sensible et qu’il ne sait pas encore rire de tout !
Aux accents rock and rôles entre les deux guitaristes, autant acoustiques qu’électriques et éclectiques, Sarcloret et le président Washington titrent des chansons bath de chez bath, jamais entendues sur aucune autre planète. Sarclo est unique, c’est aussi pourquoi je l’adore depuis toujours.

Son accent n’est guère audible en chansons, si ne n’est que le zigue sur scène aime déclamer son public à l’écouter jacter. Il cause comme dans ses textes des perles d’humour. Il a gardé l’amour de son prochain. Sentiment rare de nos jours.

Alors pourquoi vous priver de ce plaisir intense de lire ses textes, écouter sa prose jusqu’à l’apothéose, de chanter en chœur avec lui. Son dernier album vous décoche une sacrée joie de vivre à partager d’urgence avec ce sacré bonhomme de Sarcloret qui a l’insolence des mots pour nous conter son univers cosmopolite et francophone. Il abolit les frontières de la langue sans autres armes que ses chansons. Un homme qui aime tellement les femmes de tout son corps et des pulsions de sa tête à décocher des flèches à cupide le dindon cureton, c’est trop bon. Je suis droguée, j’en réclame ma dose quotidienne. Même que le Bartos en a plein le siphon, le cave !

Je laisserai le dernier mot à Renaud bien inspiré pour une fois : « Sarcloret est la plus grande invention suisse depuis le trou du gruyer  ».

Tous les textes de l’album sont de Sarclo, c’est une évidence, à part « Tout va bien  » traduction d’une chanson de Dylan  : « It’s all right Ma, I’m only bleeding  » (une splendeur textuelle !!!). Tous les arrangements sont de Napoléon Washington.

Parmi les musiciens sur le pont aux côtés de Sarclo, on retrouve sauf oubli de ma part : Napoléon Washington (guitares) / Simon Gerber (basse) Gaspard Glaus (piano) Ralph Pedroli / Albert Chinet (batterie) / Mélanie Dupuiset (chœurs)...

Gueuler partout comme un putois de Sarcloret, 12 novembre 2012, distribué par l’Autre Distribution

Sarcloret sera le 3 décembre au Café de la Danse à Paname…. Et ce n’est que le début de sa tournée. Il continue ses combats et vous tend les bras, le cœur gros comme ça ! Puisque c’est lui qui le dit : « On n’est pas sérieux quand on 60 ans  » !