Interview Guillaume Meurice : « L’authenticité c’est important » !

Interview Guillaume Meurice : « L'authenticité c'est important » !

J’ai applaudi des deux mains et des pieds son spectacle « Tout le monde y passe » et également son ouvrage : « Guillaume Meurice chronique la société ». Tu m’étonnes que je veuille rencontrer la personne qui se cache derrière cet artiste et ce chroniqueur de talent. J’ai adoré le bonhomme cultivé souriant gorgé d’humour, d’impertinence et de subversion. Ce qui m’a encore le plus touchée, c’est sa foncière honnêteté dans son métier, sa solidarité avec ses aminches du spectacle vivant, sa franchise et ses forces de conviction. Un humoriste aussi à l’aise au micro, à la plume que sur des planches et qui conjugue authenticité et chaleur humaine ne pouvait pas me laisser indifférente.

Le Mague : Alors comme ça tu racoles à l’abordage de ton spectacle les mollets gros comme des jambons, quand tu te prends pour dieu sur scène ? Quelle impression ça te fait au juste ?

Guillaume Meurice : Tu ne crois pas si bien dire. En fait c’est un personnage qui me permet de pouvoir juger les humains. Si je venais en Guillaume Meurice en disant : dis donc, vous faites vraiment de la merde. On se dirait qui c’est celui-là ? Comme je joue dieu, je peux dire : vous faites vraiment de la merde. Il y a donc une petite posture moraliste, on va dire.

Le Mague : Quels retours autant en province qu’à Paname as-tu de ton spectacle d’autant qu’à Paris je me suis rendue compte que le public n’était pas très chaud.

Guillaume Meurice : Je ne sais pas à quoi c’est du ! Il y a quand même certains facteurs qui rentrent en ligne. A Paris il y a beaucoup de spectacles et beaucoup plus de choix. Le public est plus dans le jugement. Ils viennent en se disant : fais-moi marrer. J’en ai vu quatre en deux jours, alors là mon pote… Tandis qu’en province, les gens sont ravis de voir un spectacle. En fait, les gens ils t’aiment. Alors qu’à Paris c’est un match de boxe et dès fois c’est chiant quand même ! Dans un one man show le rythme est donné par les rires, sinon tu es obligé de les relancer. Il y a des scènes qui marchent moins bien et tu as des gens qui te disent : ton spectacle n’est pas trop rythmé. Et pour cause, dans ce duo tu joues tout seul.

Le Mague : Tu n’as jamais eu envie d’écrire un bestseller qui s’intitulerait la bible ?

Guillaume Meurice : (Rires…) si mais c’est déjà pris. J’avais commencé, on m’a dit arrête.

Le Mague : Ton actualité est vaste si j’en crois mes espions qui te traquent ! D’abord à la radio, dans « On va tous y passer » sur France Inter. Comment as-tu rencontré Frédéric Lopez, le gentil animateur de la farce en direct cinq jours sur sept à l’heure du casse-dalle ? D’autant que si je m’abuse tu passes aussi beaucoup d’extraits de radio dans ton spectacle.

Guillaume Meurice : J’aime bien ce média. Par définition, c’est moins basé sur l’apparence parce qu’il n’y a que la voix. A la télé, c’est beaucoup plus surfait avec le maquillage et donc artificiel. A la radio, tu peux arriver beaucoup plus détendu. Comment j’y suis rentré ? Je connaissais la nana qui était chargée de monter une équipe de chroniqueurs, et comme elle savait que j’écris des chroniques. Et puis après j’ai passé une véritable audition de deux / trois minutes et ça s’est bien passé.

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Le Mague : J’ai beaucoup apprécié ton ouvrage « Guillaume Meurice Chronique de la société »*, comment a-t –il été reçu et y aura-t-il une suite et dans quel désordre ?

Guillaume Meurice : (Rires !) Il n’a pas été reçu du tout. On n’a pas trop fait le boulot de promo. Quand tu vois qu’il y 600 bouquins qui sortent à la rentrée littéraire… Moi je voulais vraiment quelque chose qui puisse se vendre à la fin du spectacle pour entrer en contact avec les gens. Après, c’est une autre machinerie tu sais cela mieux que moi pour être édité, distribué… C’est une autoédition. C’est la boite de production qui produit mon spectacle qui a édité le livre. En plus comme tu l’as vu, il y a des chroniques et des dessins, en sachant que le rôle du dessinateur est trop rarement pris en compte dans l’édition et ils sont beaucoup moins rémunérés. Moi, j’ai imposé que Babouse touche la même chose que moi. On peut dire que c’est un bouquin qu’on a créé à deux.

Le Mague : Cocorico. Tu peux me parler du Coq des bruyères, hebdomadaire satirique hebdomadaire dans lequel tu sévis chaque semaine ?

Guillaume Meurice : C’est marrant, le site avant s’appelait « Les Auteurs Réunis »* et on ne s’est jamais réunis une seule fois. (Rires) Le coq des Bruyères a été créé naturellement si je puis dire. J’ai décidé de mon côté d’écrire des chroniques. Je me suis dit : je vais par discipline écrire une chronique une fois par semaine et je la publie sur Facebook ou autre. Et puis j’ai rencontré quelqu’un qui s’appelle Jean-Patrick Douillon qui écrit justement dans le Coq des Bruyères qui m’a dit : tu pourrais être largement publié chez nous. Evidemment ce n’est pas payé. Le rédac chef veut que ce soit comme une sortie hebdomadaire. J’aime bien les gens qui écrivent dedans, ils sont tous chouettes humainement. Je les ai rencontrés un par un et je les aime bien. Il y des styles différents et parfois même des avis qui divergent. Il y a des engueulades et des gens qui se répondent.

Le Mague : Comment tu fonctionnes lorsque tu écris une chronique ?

Guillaume Meurice : Avant tout je cherche un sujet. Ce que j’ai envie de dire sur un sujet. Et une fois que tu as le sujet, il faut trouver un angle d’attaque. Les sans-papiers, c’est bien beau de dire : il faut les défendre. Après c’est comme dans le spectacle, j’ai trouvé Marianne. C’est comme si la France disait que…. C’est un biais. Une fois que j’ai les deux ça va. C’est galère. Johanna (sa compagne), elle pense souvent que je suis en train de glander à mon bureau. En fait je recherche un sujet.

Le Mague : Quels sont tes héros de l’humour toujours ?

Guillaume Meurice : Il y a quelqu’un que j’aime beaucoup qui s’appelle Manuel Pratt*. C’est un peu mon maître. C’est un type qui fait tellement peu de compromis qu’il s’est fait viré d’un peu partout, mais il a des spectacles vraiment incroyables. C’est un vrai écorché vif. Il fait de tout, des spectacles d’humour assez trash et en même temps des spectacles documentaires. Avec Johanna on l’a vu à Avignon, une pièce qui s’intitule « Couloir de la mort ». Il a correspondu pendant cinq ou six ans avec deux condamnés à mort aux Etats Unis qui ont été exécutés depuis. Et du coup il en a fait un spectacle. C’est un des plus puissants que j’ai vu au théâtre. Sans fioriture, il a juste un costume orange des prisonniers et une boite d’allumettes. Il arrive ainsi sur scène. Et il ne tombe pas du tout dans le sentimentalisme psychologique. Il t’explique ce que c’est avec les mots qu’il a entendus. Les modèles que j’ai, c’est surtout des copains. Je n’ai pas en ce moment de vedettes qui me donnent envie de devenir ce qu’ils sont.

Le Mague : Pour être raccord avec la verve que tu as déjà exprimée. Du temps de Sarko tu tapais fort et on te tapait aussi sur la gueule. Du temps de François la tulipe de Hollande, tu continues sur ta lignée. Tu n’as donc aucun respect pour la gôche caviar et tu n’aimes pas la rose fanée au poing ou quoi ?

Guillaume Meurice : (Rires) J’aimerai bien qu’il y ait la gauche au pouvoir justement. C’est quand même incroyable de voir que ces mecs ils ont tous les pouvoirs à l’Assemblée et au Sénat. C’est le moment ou jamais, mais c’est jamais en fait ! Ils ne font rien. Ou c’est long, ou ils se plantent. C’est hyper consternant ! C’est dangereux ! Je tape sur la droite et je continue de taper sur la droite qui est toujours au gouvernement, malheureusement quoi !

Le Mague : Quels conseils tu aimerais donner à de jeunes humoristes qui veulent se lancer, tels Tarzane et Tarzan les hontes de la jungle de mon village d’origine ?

Guillaume Meurice : Il faut ne pas avoir peur de se tromper. Il faut le faire. Il n’y aura jamais quelqu’un qui croira autant en toi que toi. Il faut le faire, il faut écrire. Il faut tester sur scène. Il faut rencontrer des gens. Il faut jouer quoi ! Après franchement, si tu es content de ce que tu as écrit, produit, si tu sais que ça sort de tes tripes, il ne peut pas t’arriver grand-chose en fait. Même si tu ne rencontres pas le succès escompté immédiatement, tu sais que tu y as mis, c’est toi. Un artiste consiste à partir à la recherche de soi-même. Je lui conseillerai tout ça.

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Le Mague : Sans rire, quels sont tes projets ?

Guillaume Meurice : Un deuxième spectacle. Parce que celui-là, je suis un peu arrivé au bout de là où je voulais l’emmener. J’aime beaucoup l’écriture, donc continuer les chroniques à la radio ou pas. Pour l’instant ça se passe plutôt bien. Mais je ne suis pas dupe sur le fait que dans l’audiovisuel tout va très vite. On te tape dans le dos une journée et le lendemain les gens ne te regardent plus. J’ai la chance que mes chroniques soient écoutées par trois millions d’auditeurs, mais je faisais la même chose quand c’était lu par quatre-vingts personnes sur mon blog. J’ai dans l’idée d’écrire mon second spectacle de janvier à juillet. Pour essayer de le monter peut-être à la rentrée 2013.

Le Mague : Et pour vous la vie c’est quoi, en torpillant Jacques Chancel dans son linceul… Non je déconne et on n’est pas à la radio ! Je suis certain qu’il y un ou des points cruciaux que l’on n’a pas abordé tout de go.

Guillaume Meurice : On n’a pas abordé l’importance du spectacle vivant. C’est quelque chose qui se perd et c’est vraiment dommage. C’est une rencontre simple entre un mec sur des planches et les gens qui viennent à sa rencontre. Avec l’audiovisuel, internet, ça se perd. Je ne sais pas encore les conséquences que ça peut avoir. On n’a pas le recul nécessaire. Ça déshumanise et désocialise pas mal. Je ne veux pas jouer au vieux con qui radote, que c’était mieux avant, mais c’est un peu dangereux. Les planches, c’est un véritable espace de rencontre, un vrai échange. Moi je le fais vraiment pour ça. Et surtout dans les petites salles. On nous vend quand même pas mal de trucs bien consensuels. On me dirait : t’as le spectacle de Gad Elmaleh. Le mois prochain tu feras le Zénith. Moi je ne veux pas monter sur scène dans ces conditions. Je préfère jouer devant quarante personnes au Funambule et avoir l’impression de dire les choses que j’avais envie de dire. Pour moi, c’est ce qui compte. Il y a un autre métier qui consiste à être connu. C’est un espèce d’accident de parcours, qui peut arriver si tout d’un coup les circonstances font que du coup la société est prête à entendre ça, à un moment donné. Si tu cherches ça, c’est foutu. Car même si tu y arrives, cela ne viendra en rien de toi. Tous les mecs qui sont dans cette situation ont des problèmes. Ils vont chez le psy. Ils sont aimés pour ce qu’ils ne sont pas. C’est violent. L’authenticité c’est important.

Le Mague : Pour sûr et youpi merci pour toute ton œuvre et celle à venir au micro, dans tes textes et sur scène. Tu me tiens au courant de ton actualité, j’y coure… et longue vie à ton humour toujours aussi ravageur, hum quel délice !

*Guillaume Meurice nique ta mère la société ! : http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article8280

* Les Auteurs Réunis : http://auteursreunis.free.fr/_WWW/_MAIN/

*Manuel Pratt : http://www.manuelpratt.net/