Polar graine d’ananar dans le porno gonzo !

Polar graine d'ananar dans le porno gonzo !

Quand Jean-Pierre Mocky en personne préface un roman qui le botte et qu’il veut adapter au cinoche, c’est un signe qui ne trompe pas ! Si vous trouvez actuellement que les bouquins accouchent d’un fatras littéraire d’auteur(e)s fadasses et dans la norme du consommable et jetable ambiant, alors ne cherchez plus. J’ai un remède imparable. Je compatis à 100 % avec le conseil de Mocky : « entre aller voir une connerie au cinéma et lire « Gonzo à gogo », tout ça pour le même prix, le choix est vite fait ». D’autant que les deux auteurs Ange Rebelli et Jack Maisonneuve ont une fabuleuse liberté dans le style, le panache rebelle et en plus beaucoup d’humour décapant comme j’aime. Ca arrache du sex drugs and rock’n roll dans le sud-est et ça crache ses pruneaux.

Le père Brassens de son temps nous titillait déjà les tympans avec son « Pornographe  » tandis que Georges Moustaki s’est aussi penché à son chevet douillet. Alors quand deux auteurs s’éclatent dans un rapport d’écriture au sujet du gonzo.... Gonzo quèsaco ? C’est une forme de porno qui a vu le jour par la lorgnette des quéquettes des années 90. Il est en phase avec son époque de détrôner sur la toile le porno chic et choc d’avant la grande défroque. Grosso modo, « c’est-à-dire qu’on ne parle plus de films à histoire mais de vignettes de quelques minutes diffusées sur Internet  » (Ange Rebelli). En fait c’est comme un documentaire qui se projetterait à ciel ouvert dans les coulisses du gonzo. Même Arte a investi la place forte en 2011 avec sa série « Xanadu une famille classée X  ». Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le gonzo se trouve entre les pages de ce roman.

Il s’agit de véritables auteurs, je le répète et le martèle, qui savent construire une intrigue donner vit et vie à leurs personnages, nous faire vibrer et lécher les dialogues dignes d’un Audiard  ! A les suivre. Mocky ne s’y est pas trompé. « Vous avez une verdeur que les autres n’ont pas. Le texte est à mon avis célinien. Miller aurait pu l’écrire, aussi ou Truman Capote, je pense à De sang-froid. (…) Ça me fait penser également au roman noir américain, à Mickey Spillane… avec des types hard dans une histoire hard, qui se canardent à tout va, les balles qui sifflent. (…) Après avoir lu le bouquin, j’ai eu l’impression de connaitre le milieu, d’avoir rencontré les personnages  ». Les romans de cette trempe se comptent sur les doigts de la main ! Chapeau les artistes. Moi j’y ai lu du Boudard, ou du Dard.

Encore plus fort, les deux aminches auteurs sont tellement proches dans leur écriture, ils me font penser à la verve et la qualité d’un Franck en complicité avec son comparse Vautrin, puisque il est impossible de les départager. « Vous l’avez réellement écrit à deux ? Je le savais pas, mais à la lecture j’ai eu l’impression que c’était qu’une seule personne  ». (Mocky)
Vous avez le tromblon qui joue des castagnettes, et vous vous demandez bien naturellement : qui sont ces deux génies littéraires qui m’ont fait frémir et admirer leur caducée rivé au clavier ?

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Ange Rebelli est photographe. Il a été rock star de l’underground et journaliste reporter du gonzo dans la verve d’un Hunter Thompson. Il aime se mettre en scène. Le héros du roman porte son blaze et son activité professionnelle est narrée dans son précédent roman « Sexreporter » (2007 chez le même éditeur). « Je n’ai jamais été qu’un reporter, un gonzo-reporter dans tous les sens du terme. D’une part mes thèmes de prédilections tournaient autour du sexe et de la marge par choix et par opportunité et de l’autre, je faisais partie de mes sujets au sens Hunter Thompsonien du terme. Mes photos sont brutes, très rarement retouchées ou recadrées ; prises sur le vif, elles traduisent un instantané, une immédiateté, une spontanéité qui relatent une philosophie de vie, la mienne comme celle ce mes sujets ». (Ange Rebelli)). C’est complétement dingue, à un siècle d’écart à peine, en remplaçant le matos photo par le crayon, ses propos auraient parfaitement collés avec ceux du peintre expressionniste allemand Ernst Ludwig Kirchner  : «  Ayant foi en une génération de créateurs et de jouisseurs, nous appelons la jeunesse à se rassembler en tant que porteuse d’avenir. Nous voulons une liberté d’action et de vie face aux puissances anciennes établies. Est des nôtres, celui qui traduit avec spontanéité et authenticité ce qui le pousse à créer  » (in Programme de die Brücke, 1906). Son comparse Jack Maisonneuve est journaliste pour la presse sportive.

L’histoire en quelques mots. Angie ancien rock star à la marge devient gonzo-reporter. Il tire le portrait sous toutes les coutures souvent brutes de coffrage d’IVG, le célèbre étalon du hard qui dégaine plus vite que son ombre sur tout ce qui porte une foufoune. Angie pose le talent de son regard exercé du Bois de Boulogne à Pigalle. Un jour, sur la Côte d’Azur, son patron lui demande de couvrir un film X à gros budget qui se tourne chez Viviane Bittencourt, chienne lubrique milliardaire. Seulement, les deux frères, les pires ennemis du X, si fiers de leur gourdin ne peuvent pas se blairer du gland et doivent pourtant se bouger des hanches sur le plateau au milieu de poupées russes maquées et cocotée des naseaux. Quand le trio infernal du corps composé des flics, gitans et dealers entrent en piste, c’est l’apocalypse. Angie avec sa gueule d’ange doit plier ses ailes s’il ne veut être crucifié…

J’adore particulièrement la solidarité des personnages féminins dans le sordide. Les Lola, Samanta, Zora vont s’émanciper avec fracas de leur condition en brandissant l’arme fatale. J’aime aussi beaucoup les allusions dans les titres des chapitres à certaines œuvres et les jeux de mots cocasses. Je vous en cite quelque uns, à vous d’y retrouver les vôtres : « Le Stanley lubrique du 7ème art, Les origines de la vie », « L’Arthur Cravan des sleepings, Un taxi pour j’t’broute », Le Fesses… tival, Apunkalypse now !  ».

Et puis, pour lire des extraits et des infos : http://www.facebook.com/#!/GonzoAGogo vous m’en direz des nouvelles !

La préface interview de Mocky par les deux auteurs est très instructive. Jean-Pierre vieillit bien, ça rassure. Je passe aussi sur les coups de canif dans les conventions sociales où se vautrent les dévots et autres suppôts de l’hypocrisie en peau de curetons. Les deux auteurs très libres s’amusent à la dégomme. C’est trop bath ! Un mot aussi d’Ah Benotman ou l’Athéegriste, auteur de polar qui se respecte et prend son fade à postfacer le roman. « La pornographie est à mon sens, le premier acte fondateur de l’athéisme. Voilà pourquoi je suis ravi de postfacer Gonzo à gogo d’Ange Rebelli et Jack Maisonneuve ».

En complément illustré du roman, sachez qu’Ange Rebelli exposera (explosera) le gonzo, notamment le 29 juin à Paname au Bar le Houlaoups, 4 rue Basfroi dans le 11ème à 18 heures. L’expo s’intitule « 1992-2012 : 20 Ans de photos gonzo- 1ère partie  ». Deux faces se répondront en miroir, la soft visible par tout le monde et la seconde qui déchire : « l’Enfer ». Raout festif garanti !

Un mot à propos des éditions Tabou telles qu’elle se décrivent : « La « mission » que nous nous sommes donnés : faire paraitre au grand jour des ouvrages sérieux sur des sujets dérangeants, mystérieux et ainsi assouvir la soif de savoir d’un lectorat toujours plus grand  ». Je suis toujours très curieuse… A suivre…

Gonzo à gogo d’Ange Rebelli et Jack Maisonneuve, éditions Tabou, 270 pages, mai 2012, 9,10 euros

Visuels : les deux auteurs du roman, Angie de dos et Jack de profil ainsi qu’une photo de Mocky en compagnie de sa femme Patricia Barzyk, miss France en 1980 pour « La machine à découdre » (1986) et une de la performeuse Annie Lam.

Ange Rebelli sur fesse de bouc : http://www.facebook.com/#!/ange.rebelli