Véronique Zaborowski avant d’être auteure de ce roman, s’est déjà consacrée à l’écriture de nouvelles, de paroles de chansons et même comme interprète. C’est pour vous dire si elle connait la sonorité des mots et sait en abuser pour notre plus grand plaisir. Sans doute aussi, le fait de s’adonner aux textes courts et synthétiques lui permet de gommer tout ce qui est lourdingue. Elle valdingue le surplus et ne garde que l’essentiel au récit. En effet, un roman de 68 pages s’apparente presque à une nouvelle, bonne nouvelle. Comme dans un certain décalage horaire suite à un voyage écourté, la chute de son roman appelle peut-être à une suite et les retrouvailles en fanfare avec son héroïne Silivia.

Au début en 1983, une Silvia gamine et un Damien gamin amoureux d’elle se retrouvent à l’anniversaire de la donzelle. En 2005, retour à l’envoyeur, le Damien est devenu un homme paumé et toujours à la recherche de sa Silvia. Une ville pas vraiment identifiée avec un métro, mange ses proies fugitives et esseulées. Elle tire une gueule d’enterrement aux passants sur fond d’émeutes en banlieues. Créativité et efficacité du jeune loup de la boite de pub, Damien roule en bagnole de course allemande et flambe sa sècheresse sexuelle entre les cuisses tarifées d’une certaine Elodie. Sylvia écrit toujours encore et encore et partage un projet de conte pour enfants avec Elias dessinateur.

Sa vie à elle est aussi terne que celle de Damien, avec de temps à autre le partage et le passage dans son existence d’un homme jusqu’à ce qu’il se fonde dans ses meubles et devienne transparent.
Donc, deux êtres de deux planètes différentes qui finiront pourtant par se rencontrer dans un café, l’un des rares lieux de socialisation qui existe encore.
Le roman passe de l’un des héros à l’autre et leur donne la parole On les suit dans leur vie quotidienne et on les entend respirer et penser à l’autre. « Etre productif, flexible. Rentabilité tous crins, sans aveu de faiblesses. Ils passent peu de soirées ensemble  ». (page 38). Sur un rythme soutenu, avec de courts paragraphes, ce roman avance sans s’attarder.

Véronique, avec son regard d’introspection, a le don de se loger dans la peau de ses deux personnages principaux. Elle les dissèque sur ce que l’incommunicabilité latente peut défraichir et infléchir pour se rendre à l’évidence : quand deux êtres qui ne savent pas aimer se rencontrent, qu’est-ce que cela peut bien turbiner ?
« Elle mesure la distance. S’ils pouvaient parler ? Qu’elle soit le dossier à plancher, le seul qui l’accapare.
 T’es-tu déjà senti à côté … ? - … ?? - Comme de ne rien comprendre ? ou de trop capter ? - Peut-être… - Te sentir impuissant ? Il serre sa main, il n’y a pas d’émotion dans son étreinte. Il fronce les sourcils, effleure sa joue, silencieuse retourne à ses papiers  ». (page 43)

Alors, à Coté de la plaque ? Non simplement « A côté » qui donne son titre à la perfection pour ce roman où tout peut arriver, la preuve à la fin !
Bien évidemment, j’encourage Véronique Zaborowski à persévérer à écrire en longueur à tenir le rythme de son style fort plaisant et déjà affuté, histoire de nous livrer une nouvelle mouture de son prochain roman de tous les possibles. Elle se revendique d’une littérature qui va chercher la verve et la force chez Fante et Bukowski. Bonne pioche et bonne continuation à peut-être accentuer la provocation dans l’excès pour infuser le chaos présent partout. En attendant, plongez-vous dans les méandres de deux héros qui vivent à côté sans pratiquement jamais se rencontrer. Vaste sujet traité avec brio et originalité. A suivre donc !

A côté de Véronique Zaborowski, éditions Kirographaires, 68 pages, juillet 2011, 14,45 euros.