Le pitch : 1948, Marseille, le sous-lieutenant Polmo embarque sur le Cap Tourane à destination de l’Indochine où il rêve de se couvrir de gloire. Après une traversée rocambolesque, vient enfin l’heure du combat contre un ennemi insaisissable, dans la boue et les rizières. Très vite confronté à la réalité d’une guerre perdue et d’une cause inique, Polmo voit ses dernières illusions s’évanouir… Roman de l’inversion des valeurs, récit burlesque porté par la verve et la gouaille, Aux armes défuntes est un polar déjanté et astral oscillant entre équipée militaire, farce ubuesque et parodie de SF.

L’histoire, bien que très scénarisée, précise et maîtrisée est un joyeux prétexte à un récit burlesque, fantasmagorique et incroyablement enthousiasmant. Du jamais lu, en tout cas, c’est certain. Pierre Hanot ne ressemble à, ni ne copie personne.
En une phrase il parle de Marseille mieux qu’un marseillais "Peuchère, en ville, la Guerre aux portes de la Chine, tout le monde s’en battait l’aïoli". Parfois on relit plusieurs fois une de ses assertions tant on la trouve épatante et qu’on prend du plaisir à la comprendre en profondeur.

Son Récit "Historique" raconte un monde qui n’appartient qu’à Pierre Hanot, son oeil est partout, nous rions de ses trouvailles, de ses provocations, de ses anachronismes, de sa folie douce. Du plaisir qu’il prend à nous en donner.
Pierre Hanot est un pirate du verbe, il prend les meilleurs du monde et les met en scène avec une réussite totale et une facilité déconcertante. Tout est fluide, tout coule. Nous sommes dans le triomphe du monde juste. Juste ce qu’il faut pour divertir, plaire et amuser.

Pierre Hanot est un peu, dans ce roman, le pendant littéraire de Terry Gilliam, il sait mettre en images (mentales) et en mots un récit ubuesque, surréaliste, baroque qui n’est autre qu’un hommage au Désir, même sous ses formes les plus triviales et les plus saugrenues, mais toujours dans une maîtrise du mot qui lui permet toutes les audaces, sans lasser.

L’univers de Pierre Hanot est cru, sentencieux, grossier, faussement misogyne , mais quand on creuse bien on y voit un appétit de vivre, d’aimer et de partager comme dans nulle autre œuvre.

"Aux armes défuntes" est aussi une sorte d’encyclopédie moderne où l’on apprend des mots, par exemple ce qu’est un Nazorback, c’est à dire un cochon australien, capable s’il est en péril d’attaques foudroyantes.

Un livre de Pierre Hanot, ça ne se résume pas, ça ne se raconte pas, ça se vit, ça se lit. Ce type est un génie de l’invention perpétuelle. Un raconteur gouailleur hors pair.

Il y a du vice, de la dépravation, du stupre, des poitrines en balconnets et des sexes en érection dans le livre de Pierre Hanot mais son talent et sa grande sensibilité, son amour des syntagmes, de la vie et des gens rendent son univers jamais vulgaire ou cradingue.

Ce polar déjanté a tout ce qu’on peut demander à un bon livre ; de l’originalité, de l’Écriture, de l’intrigue, du dépaysement et un regard unique sur le monde. Pierre Hanot est un grand écrivain, va falloir s’y faire et oublier les codes germanopractins en la matière. Le Messin est en train, mine de rien, de marquer son époque.

A lire absolument si vous aimez la Littérature et que vous adorez les personnages qui ont beaucoup à dire et produisent des oeuvres dont on ressort plus riche, intérieurement, et plus vivants après la lecture tout en passant un bon moment vraiment très jubilatoire.

AUX ARMES DEFUNTES, Pierre Hanot, La Baleine, 16 euros.