Renoir cinéaste pacifiste et humaniste de la Der des Der !

Renoir cinéaste pacifiste et humaniste de la Der des Der !

La Grande Illusion distribuée par Carlotta Films se projette sur tous les vaillants écrans en résistance contre le cinoche des débilités à paillettes qui nous sirotent l’esprit dans les jardins franchouillards. Santé tchin tchin avec un Renoir visionnaire et son film sorti en 1937, comme un appel d’air contre quelle connerie toutes les guerres à venir. Sur front de fraternisation hors les murailles des classes, les aristos ont le beau rôle et le populo en gouaille d’un Gabin embastillé se mélangent et s’arrangent une vie communautaire. Les camps de prisonniers en Allemagne durant la première guerre appellent à se faire la belle. Un chef d’œuvre universel de Jean Renoir à voir ou à revoir et soutenir un cinéma fraternel et bien réel.

Un film de 1937 si actuel et moderne, mais surtout pas un film de guerre. Aucun combat, aucune tranchée dans le vif du sujet des images de Renoir. Juste un jeu de miroir dans un univers factice dans lequel on peut « faire la guerre poliment  », dixit le capitaine de Boeldieu interprété avec majesté par Pierre Fresnay.
Truffaut comme à son habitude dans sa phase de critique de cinoche a tout pigé. « La Grande Illusion, c’est donc l’idée que cette guerre est la dernière mais c’est aussi l’illusion de la vie, l’illusion que chacun se fait du rôle qu’il joue dans l’existence et je crois bien que la Grande Illusion aurait pu s’appeler La Règle du Jeu (et inversement), tant il est vrai que ces deux films et bien d’autres de Jean Renoir, se réfèrent implicitement à cette phrase de Pascal qu’il aime à citer : Ce qui intéresse le plus l’homme, c’est l’homme ». Pour les vieux de la vieilles, à ne pas confondre le Pascal du biffeton et le philosophe et inversement.

Dans un contexte explosif de la mort des révoltes, avec la fin probable du Front Populaire qui a trahi la Révolution espagnole en rouge et noir, avec Hitler et Mussolini aux commandes de la grosse machine de destruction massive, Renoir a bien failli ne jamais tourner son film, ou le parcours du combattant par un militant du cinéma d’auteur !
« La Grande Illusion est un des films les plus célèbres du monde, un des plus aimés ; son succès a été immédiat dès 1937 et pourtant ce fut pour Jean Renoir, l’un des plus difficiles à entreprendre, comme il le raconte lui-même dans son livre de souvenir Ma Vie et mes Films : « L’histoire de mes démarches pour trouver la finance de la Grande Illusion pourrait faire le sujet du film. J’en ai trimballé le manuscrit pendant trois ans, visitant les bureaux de tous les producteurs français ou étrangers, conventionnels ou d’avant-garde. Sans l’intervention de Jean Gabin, aucun d’eux ne se serait risqué dans l’aventure. Il m’accompagna dans quantité de démarches. Il se trouva finalement un financier qui impressionné par la confiance solide de Jean Gabin accepta de produire le film ». (Truffaut)

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Petit rappel des troupes sans le calot et les armes. Epopée d’hommes épris de liberté, le film nous narre les aventures d’officiers français prisonniers. Le capitaine de Boeldieu et le lieutenant Maréchal (nous voilà, trop tentant !) du titi parisien (Gabin) ont vu leur zingue abattu. Ils se retrouvent au sol à partager leur turne avec d’autres gus de milieux sociaux diamétralement différents. Parmi lesquels, un couturier, Rosenthal un fils de banquier juif très généreux au partage de ses colis miam miam, un instit, un ingénieur…
Le mot de passe, évasion, creuser un tunnel….

L’aristo et Maréchal sont bringuebalés de prisons en prisons et aboutissent à une forteresse allemande dirigée par un noble très courtois et distingué, celui-là même qui a fichu par terre leur avion. Sauf que le zigue est désormais hors-jeu tout cassé. Erich von Stroheim acteur et metteur en scène en personne dans le rôle de l’homme de fer, était considéré par Renoir comme « son dieu  ». Il lui laissa libre cour d’organiser ses petites affaires dans la forteresse du Haut-Koenigsbourg, dans la chapelle avec les accessoires de son choix qui composaient le personnage : les armes, la célèbre minerve, les cravaches et même les gants blancs. Entre les deux hommes à tête de particule, se lient une amitié féroce, sauf que la guerre les rattrape dans un virage à la face du sacrifice d’une vie pour que s’évadent Gabin et son pote l’argentier. Retour à l’envoyeur de la révolution française, lorsqu’un noble à la lanterne perd la tête, c’est tout bénef pour les va-nu-pieds. Les deux zigues parviennent à une ferme allemande où une jeune femme et sa fille vivent seules, le mari est mort à la guerre. Gabin avec ses beaux yeux que l’on sait séduit la Gretchen pas effarouchée et tout est bien qui finit bien, sauf que Renoir ne peut se résoudre au mélo. Le mot de la fin à la frontière suisse ouvre de nouveaux horizons. Maréchal : Il faut bien qu’on finisse cette putain de guerre… en espérant que c’est la dernière. Rosenthal : Ah tu te fais des illusions !

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La Grande Illusion tout crachée ! Pourquoi d’ailleurs ce titre énigmatique ? « Par ce qu’il ne voulait rien dire de précis  » confit Renoir. Mon œil ! Une fin facultative prévoyait une séquence supplémentaire. En se séparant, Maréchal et Rosenthal se donnaient rencard dans un grand resto parisien pour fêter la victoire. Au jour prévu les deux chaises restaient vides et laissaient ouvertes les destinées de ces deux personnages qui avaient fraternisé pour la liberté. C’est aussi peut-être le constat social d’un Renoir désabusé dans ses engagements auprès du PC et aussi très libertaire aux côtés du père Prévert dans « Le crime de monsieur Lange  » où il se rend compte que les bourgeois c’est comme les cochons, ils s’approprient le pouvoir à leur compte comme dans toutes les factuelles démocraties, et lors des élections, voir encore actuellement comment ils confisquent les idéaux fraternels.

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En même temps, il ne faut pas se cacher la face, Renoir se sentait plus proche de ses personnages d’aristos, ses presque semblables, lui le fils de son père Pierre Auguste, le peintre des paysages éthérés qui n’ont rien apporté à l’art si ce n’est le renom pour des marques de chocolat ! Comme s’il prévoyait le déclin et le déclassement probables à courte échéance de ses origines sociales élitistes.
Ce qui fait dire à Pascal Mérigeau auteur d’une biographie de Renoir à paraitre : «  La Grande Illusion se situe au croisement de la quête d’identité qui fonde la personnalité de son auteur et la crise identitaire qui traverse son pays  ».

Il faut citer encore quelques noms fameux qui illustrent à la perfection avec leurs bouilles à l’unisson ce chef d’œuvre universel. Dita Parlo dans le rôle d’Elsa si troublante, Dalio épatant dans celui de Rosenthal et le capitaine au vouvoiement désinvolte, Pierre Fresnay. Il faudrait toutes et tous les nommer tant la distribution est époustouflante !

Enfin un grand merci à la Cinémathèque de Toulouse pour son travail de mémoire du cinéma, plein d’éclat et Carlotta Films toujours à la pointe du patrimoine cinématographique du cinéma d’auteur.
Ne boudez pas votre plaisir de vous éclater les quinquets avec la version restaurée inédite de La Grande Illusion qui brille comme un espoir de fraternisation entre tous les peuples, contre tous les confits guerriers et boursiers.

La Grande Illusion de Jean Renoir, au cinéma depuis le 15 février 2012, distribué par Carlotta Films