S’évader avec Frank Henry !

S'évader avec Frank Henry !

On tient un sacré vache de grand auteur avec celui qui signe de sa faconde lexicale irrésistible et enivrante son truculent premier roman intitulé argotiquement vôtre " Natchave ".

Frank Henry, c’est avant tout un style, une verve textuelle qui se bonifie encore depuis son précédent livre " Nouvelles du milieu ". Chaque ligne, chaque phrase, chaque souffle est fourni avec l’image mentale, l’odeur et le décorum qui vont avec. On n’est pas trompé par la marchandise.

Tout cela est fort bien emballé. Un titre manouche qui, en tout cas, est déjà une invitation au voyage chez les " grands brûlés " de l’intérieur..

On ne lit pas du Frank Henry, on tombe dedans, dans un bain de vigueur jubilatoire dont les narrations et les intrigues, même si elles sont bien orchestrées, ne sont que de jolis prétextes au plaisir sémantique, métaphorique et spirituel.

" Natchave " se dévore d’une traite impayée qu’on a envie de voler au vent mauvais et bon à la fois, il s’avale comme une première gorgée de bière à peine frelatée, se déguste comme un film d’Audiard ou un Marcel Carné modernes, comme un dialogue aux petits oignons. Un livre de Frank Henry c’est bon pour la Santé. Ca régénère, ça vivifie l’esprit et tout le corps qui souffre de démangeaisons, d’envies d’ailleurs. De casser les barreaux de nos carcans habituels.

Dans le monde imaginaire et référentiel d’Henry les prostiputes côtoient les saloperies d’anciens commissaires en Retraite, des clones de Monica Lewinsky à la fesse molle, Yasmina la sublime et fidèle…. l’Arsouille nous entraîne dans ses délires in vino veritas. Tout cela et bien d’autres choses forment une galerie de personnages plus vrais que la fiction elle, iconoclastes et attachants, tendres ou piteux.

Aventures éthyliques et frasques sexuelles, enquête déjantée comme dans le meilleur des polars, le cocasse rencontre des moments de poésie d’une infinie humanité dans ce livre hors norme, incopiable qui serait une base de scénario d’une extrême richesse. Des tranches de vie qui sont déjà historiques, des pans d’une mémoire collective d’un Milieu en démolition programmée.

La focale de Frank Henry est ironique, acerbe, pertinente et réglée comme du papier à musique. On sent l’auteur s’amuser avec nous, en conteur désinvolte de la Nature humaine dans ses travers, ses faiblesses et ses forces auxquelles on ne croyait plus. Du Grand art, du travail d’Orfèvre comme on en voit trop peu sur les quais littéraires. C’est pas la FIN des haricots, ce n’est que le début d’une belle carrière d’Ecrivain.

Natchave, Frank Henry, Le Cherche Midi, 17 euros. 277 pages.

Natchave, Frank Henry, Le Cherche Midi, 17 euros. 277 pages.