Vague de fraternité sociale au cinoche ouverte sur un autre futur !

Vague de fraternité sociale au cinoche ouverte sur un autre futur !

Des documentaires fleurissent autour de la mémoire sociale des combats de « Tous au Larzac » à l’exil de certains perdants de la révolution espagnole depuis la Gironde via le Chili et « La grande traversée solidaire », en passant par la collusion des médias avec les grands groupes financiers dans la désinformation comme arme politique de décervelage massif et hurlant avec « Les nouveaux chiens de garde ». Les films de fiction ouvrent aussi plein feu sur les réalités sociales du surendettement « Toutes nos envies » et « Une vie meilleure », de la chute des classes chez « Louise Wimmer », des ados qui s’émancipent en groupe dans l’enfantement entre « 17 filles », avec la figure du syndicaliste au chomdu qui découvre que l’homme est un loup pour l’homme et se gèle les certitudes militantes en haut des « Neiges du Kilimandjaro », au fabuleux « Le Havre » où la solidarité remporte le pompon. Le cinéma hexagonal est-il devenu un certain regard des visages des citoyennes et citoyens qui s’émancipent du joug social ? Ou bien encore, question fatidique : la fiction dépasse-elle la réalité comparée au grand gag de l’arnaque généralisée des urnes qui collent aux burnes du pouvoir comme un rasoir ? A suivre avec enthousiasme et en images ….

« Les intouchables », film bulbe pour succubes bénis par le pape m’insupporte le râble. Il cartonne à guichet fermé comme le ciment de la cohésion sociale tarte à la crème. On veut nous faire porter le chapeau d’un certain cinéma qui rote avec les ficelles convenues dans sa mangeoire. Histoire aussi de renier les véritables réalités, qui, elles peuvent fédérer pléthore. Seulement les médias aux ordres se passent le mot : des faits d’hiver avant toute chose pour noyer le poisson. Cette diversion si chère au dialecte de Bourdieu, on la prend en pleine gueule dans le mépris affiché sur un mode populaire par un David Pujadas, roi vedette pour qui sonne le glas au journal télévisé de France 2. Celui qui tentait de pousser dans les cordes Xavier Mathieu (pas le frère de Mireille), le leader des Contis, pour qu’il abreuve de ses excuses suaves à propos des dégradations commises lors d’une manif. Qu’il aille à confesse visiter la case à l’ombre.
Bienvenue dans le monde merveilleux sirupeux comme un clip de pub au message subliminal destiné aux gueux. « Les nouveaux chiens de garde  » surveillent le troupeau. Dormez tranquille sur votre groin braves gens, le bulletin de vote en embuscade et priez muscade. Le cirage et la brosse à reluire vous seront passés dans le sens du poil. Gilles Balbastre et Yannick Kergoat en véritables trublions de l’information décryptent le message dans un excellent documentaire qui sort en janvier 2012. Il est la parfaite illustration de l’ouvrage de Serge Halimi paru en 1997 revu et actualisé en 2005 avec le cirque médiatique du référendum européen. Les journalistes à la une à la solde des grands groupes financiers industriels ayant la mainmise sur les médias tiennent les rôles principaux. C’est assez revigorant de remarquer comment le voyant au rouge d’une information se calque sur le CAC 40 des valeurs boursières. Parmi les héros de ce documentaire, Laurent Joffrin est passé de rédacteur en chef du Nouvel observateur à Libé en aller-retour sans détour. Il se couche devant le président de la République et fait la moue, c’est trop drôle ! D’autres comiques nés, si le sujet n’était pas aussi sérieux, vous tirent des salves de rire, tellement ils se vautrent dans le pathétique. Isabelle Giordano est ma préférée (puisque je n’ai pas la télé et que j’écoute beaucoup la radio). Cette célèbre femme, qui fut sur la défensive de la consommation pour le service publique de la radio nationale (France Inter), ravie dans une vie après les micros d’avoir animé des réunions pour la Sofinco, était enthousiaste d’inviter pour son émission l’éminence grise de la communication de Sofinco ! Le retour d’ascenseur avec l’encensoir à pourvoir, quelle noblesse de style ! Etonnant non ? Je passe sur les experts incompétents du style Alain Minc, l’homme de tous les combats qui adore ramener sa fraise et diffuser la bonne parole. Ce génie, qui en en 2008, digne d’un aveugle ébloui par ses lumières n’avait pas vu la grande crise se radiner, et, qui contre toute attente continuait à venter l’autorégulation du système garant des intérêts de la nation dixit la parole du prophète « l’économie mondiale est plutôt bien gérée  » (Alain Minc) Les chiens de garde ont les dents longues lorsqu’on leur tend un micro en forme d’os à ronger et nous polluent le ciboulot pour assoir le pouvoir de l’économie de marché pourrissante sur pattes. Ils hurlent avec les loups de la haute finance et mènent la danse. Couchez, sales bêtes ! Je me suis toujours demandée pourquoi les Communard(e)s n’avaient pas brûlé la Bourse !

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Sous d’autres cieux plus proches de nous, le combat non violent fut remporté par les paysans du Larzac, à force d’intelligence, d’humour et de solidarité durant 10 ans de 1971 à 1981. C’est tout naturellement qu’ils se sont levés contre la grande camarde des tanks et son cortège mortifère des militaires pour transformer leurs terres en terrain de jeu, quelle aventure ! Garderem lo Larzac et l’occitan qui fleurissait les révoltes de toute une époque d’une génération militante. Même que papi Bartos me rabat les oreilles de son adolescence sur le plateau du Larzac et de son parcours en stop depuis la capitale et ses rencontres fantastiques et fraternelles qui le bouleversent encore, le cave ! Le documentaire de Christian Rouaud nous rafraichit les souvenirs et ne peut que nous pousser à nous unir dans les combats actuels sur le terrain, avec les nouveaux moyens de communication, en sachant aussi prendre garde aux chiens à la niche qui veillent.

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Autre regard sur la mémoire cette fois des vaincus en exil de l’Espagne de Franco la muerte. A l’initiative du poète chilien Pablo Neruda fut affrété en 1939 le cargo Winnipeg depuis la rive de Pauillac en Gironde via Valparaiso, histoire de changer d’air pour quelques combattants survivants du côté des Républicains espagnols en famille. Les témoignages fleurent la survie d’une époque révolue. L’accueil au Chili sera amical.

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Autre époque actuelle et moins fraternelle, avec la sentinelle embusquée qui veut faire trébucher les personnes qui ne sont plus dignes de marcher dans les rangs. « Louise Wimmer  » vit la mouise avec humeur. Louise l’insoumise sans le regard certes, de la sublime Louise Brooks à propos d’un Hollywood très putassier. Louise l’insoumise est Corinne Massiero magnifique comédienne de vérité dans le rôle de cette femme dont on ne lâche pas le regard durant tout le film écrit et réalisé par Cyril Menneguin. Tombée de haut rang de sa vie bourgeoise à tout perdre et se réaliser en dormant dans sa bagnole et devoir même siphonner d’autres réservoirs pour pouvoir rouler sa vie et se cogner dessus avec une administration Kafka / haine pour trouver un logement.

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Autre clin d’œil formidable, entrepreneur à la bonne heure, voilà un beau métier ! Entrepreneur de ses œuvres et plaisirs de la bouche en cuisine, tel est le souhait du jeune Yann (Guillaume Cannet) qui vise « Une vie meilleure » de Cédric Kahn, avec l’acquisition d’un resto esprit guinguette à retaper. La vie de couple, il la conçoit avec la très fine Nadia de corps et d’esprit (Leïla Bekhti), ils signent leur arrêt de mort dans des prêts à perdre sa vie à la gagner proposés par un banquier goguenard, quitte à mentir sur leurs véritables revenus de misère. La propagande sarkoziste du travail rend libre, slogan révolutionnaire que sous-entend l’acceptation des héros de ce film, quitte à se ruiner la santé pour fonder une famille et vivre dans un pavillon de banlieue à la même enseigne que ses voisins. L’enfant sera celui de Nadia qu’adoptera Yann avant qu’elle ne s’éclipse ailleurs. Le système bien huilé des taux d’emprunts qui s’accumulent au profit des banques qui s’enrichissent toujours plus sur le dos des endettés et les saignent de plaisir, on le perçoit déjà dans ce film.

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Mais sans doute, ce système débonnaire venté par la publicité en barres est encore plus visible dans « Toutes nos envies » de Philippe Lioret. Adapté du roman d’Emmanuel Carrère « D’autres vies que la mienne », il a été surtout retenu la partie autour du portrait de Claire (Marie Gillain étonnante et flamboyante) en jeune juge qui se meure et qui veut jusqu’à son dernier souffle crier contre l’injustice des plus pauvres qui pointent le nez dans les dossiers de surendettement. Peut-être aussi qu’après tout, ils ne sont jamais intéressés à la décroissance, une alternative économique viable où le travail salarial ne représenterait plus une drogue dure obligatoire. Autre leurre médiatique, la pénurie de travail qu’on nous rabâche. Déjà dans les années Larzac, des ouvrages à l’aube de « L’an 01  » de Gébé comme « Travaillez deux heures par jour  » avaient droit de citer ! Je vous rassure tout de même, dans aucun programme de vos chers, très chers candidat(e)s aux élections pestilentielles, une moindre parcelle de décroissance, mot tabou, n’apparait en bas de leurs paraphes. Vincent Lindon, comme à son habitude joue les Zorro à la perfection et est irrésistible.

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Quant à elles, les « 17 filles » s’émancipent de l’autre côté de la barrière attendue du féminisme. Dans les années 70, les frangines criaient « mon corps m’appartient » et réclamaient avec justesse les moyens de contraception pour jouir de la vie sans perdre sa vie à gagner à enfanter le gros lot un mouflet à élever sans son consentement. Les lycéennes du film de Delphine et Muriel Coulin se bougent la sensualité affirmée à trouver des géniteurs. Lorient, ville morte si loin de l’Asie, les jeunes filles devancent l’appel au large de leur avenir tout tracé pas joyeux qui consiste en ces contrées à se marier et créer une famille. Totalement à contre-courant, donc très surprenant, ce film est inspiré d’un fait réel qui nous vient de l’autre côté de l’Atlantique. Les deux sœurs réalisatrices s’en sont emparées et ont joué le jeu de la complicité avec les 17 adolescentes bien toutes dans la peau de leur personnage.

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Les films de fiction campent des destins individuels, à part chez les adolescentes qui aiment partager des moments intimes entre elles. C’est tout naturellement que la clique à Robert Guédiguian investit le pavé de Marseille avec ses acteurs fétiches : Ariane Ascaride, Jean-Pierre Daroussin et Gérard Meylan. Je ne sais pas si pour vous c’est la même chose, mais lorsqu’on retrouve toujours les mêmes bouilles dans un film qui se répète à l’infini, moi ça me chagrine, je deviens allergique à ce cinéma familial. Grosso merdo, Michel et Marie-Claire vivent le parfait amour et forment une famille élargie au sens large avec la classe ouvrière dont il est un délégué syndical à la CGT (étonnant non ?) sur le port. Seulement, triste époque, on licencie. Il refuse de sauver sa tête par un tour de magie dont les responsables syndicaux ont toujours abusé du génie, et sa tête tombe sur la liste des virés. Le comble de l’injustice sociale, le couple d’amoureux se fait braquer chez eux leurs petites économies et croient reconnaitre parmi les chapardeurs, un collègue de boulot ! Ambiance, il y a du rififi à la CGT ! Avoir milité autant d’années pour en arriver là, plus dure sera la désillusion ! Pour accentuer le mélo, on vous bourre les esgourdes de la célèbre chanson qui a donné le titre à ce film : « Les neiges du Kilimandjaro ».Nom de dieu ! C’est trop pour moi. « La grandes illusion », cet autre film à propos de la guerre des classes. Vite il faut appeler les amis paysans et leurs moutons du Larzac et pas de quoi se fondre un fromage de brebis dans le bronze quand même !

Trop de sujets graves, il y a aussi des comédies qui sortent de l’ordinaire pleurnicherie. « Le cochon de Gaza » franco-palestinien joue de l’absurde digne d’un Roland Topor, quitte à chanter en chœur l’humour toujours de « La viande de porc / C’est bon quand c’est mort » de ce cher Ramon Pipin en Odeurs de sainteté !

« Let my people go », on connait la chanson, sauf quand elle prend le visage d’une comédie à essence explosive gay bien déjantée. Et en plus c’est un film français comme le béret, c’est pour dire qu’il ne faut jamais désespérer du cinéma en provenance des quatre coins de l’hexagone !

Je finirai mes diatribes sur les images qui sortent en ce début d’année 2012 avec un film, dont la thématique est pour le moins originale et hors norme comme je les recherche désespérément. Sandrine Kiberlain quand elle ne chante pas ses niaiseries joue une manutentionnaire fermée comme une huitre au monde qui l’entoure. Elle déambule dans les rues de Bordeaux, lit beaucoup et s’émeut dans une salle obscure aux nipponeries d’un Mizoguchi. Elle s’aperçoit comme par inadvertance qu’un de ces voisins partage ses larmes à l’écran. Et puis il y a aussi le rôle de « L’oiseau » qui donne son titre au film écrit et réalisé par Yves Caumon, qui va lui révéler ses ailes à la donzelle…

Franchement, c’est bien la première fois depuis des lustres que les écrans de nos salles de cinéma comme des lumières brillent pour nous éveiller des réalités tangibles et sociales qui nous concernent toutes et tous. Le retour à un cinéma avec des vrais gens, ça a du bon, surtout quand les personnages tombent la veste, on n’est pas en reste.