POURQUOI JE N’IRAI PLUS JAMAIS VOTER

POURQUOI JE N'IRAI PLUS JAMAIS VOTER

Dans un très sincère “sursaut de civisme” comme on dit (je dirais plus exactement dans un esprit de “fraternité nationale”) mais surtout souhaitant sur un plan plus humain me mettre dans la peau d’un Dupont (sans nulle malice, juste animé d’une saine curiosité), une unique fois dans mon existence de citoyen je me suis mis en tête d’aller voter.

C’était en 2007 lors les présidentielles. J’étais de bonne foi.

Je voulais connaître ce prétendu frisson de la liberté -ou plutôt de la responsabilité- républicaine incombant au citoyen de base jouissant du droit de vote. L’éprouver moi-même pour mieux l’étudier. Voire le critiquer. Tel était le sens honnête, à la fois clair et confus, de ma démarche. En observateur avisé de la machine civique j’allai déposer mon modeste bulletin d’électeur dans la coupe solennelle de la nation.

Je votai Ségolène Royal.

Constat immédiat : à l’échelle collective mais surtout individuelle, le vote est une grosse arnaque.

En effet, même si globalement le pays s’y retrouve, sur le plan strictement personnel j’estime avoir été trompé, lésé, escroqué puisqu’à l’époque madame Royal n’était pas parvenue à l’Elysée alors que j’avais pourtant consciencieusement glissé mon bulletin de vote dans le “vase démocratique” avec son nom écrit dessus en toutes lettres.

Des millions de gens ont été déçus comme je le fus. Pour exactement la même raison : tout aussi naïvement que moi ils firent le même geste, conçurent les mêmes attentes.

Et, comme moi, déchantèrent.

Ainsi le vote démocratique auquel de grands esprits attachent tant d’importance (personnellement impliqué, je vivais cette fois le “vote démocratique” de l’intérieur) n’était pas du tout un savant processus de réflexion générale débouchant sur les glorieux fruits d’une raison partagée mais plutôt une vulgaire loterie, une sorte de jeu entre parieurs, une vaste partie de cartes dont les vainqueurs étaient tout simplement ceux qui avaient déposé dans l’urne le plus grand nombre de cartes...

Les plus forts numériquement parlant.

La règle de ce jeu est d’une bêtise inouïe : récolter une pile de bulletins de vote plus haute que celle de l’adversaire !

Le comble c’est que l’obtention de ces voix, aussi absurde que soit la “force numérique”, n’est pas systématiquement une question d’idées, pas du tout.

A bien y réfléchir tout n’est que basse guinolerie puisque pour maximiser leurs chances d’être élus les candidats soignent leurs apparences, chacun essayant d’arborer l’aspect physique le plus séduisant possible... C’est donc que la coiffure de madame Royal, le teint de monsieur Le Pen ou le sourire de monsieur Sarkozy ont leur importance dans le débat d’idées ? Il faut le croire puisque pendant leur campagne ils se donnent tant de peine pour faire briller cheveux, fronts, dentitions...

Drôle de conception de la politique, entre attitude superficielle et défilé de mode. Sans omettre les bons mots de campagne, ces artifices de l’esprit..

Mais le pire du pire dans cette affaire c’est que même moi Raphaël Zacharie de IZARRA, esprit raisonnable normalement constitué, apte à la réflexion, accessible aux choses un peu complexes de la vie quotidienne, bref honnête homme du monde contemporain, je n’y comprends pourtant quasiment rien aux débats politiques où de bien paradoxales “vérités contraires” s’affrontent...

Sans parler d’économie, domaine de purs spécialistes. Même les experts ne sont pas d’accord entre eux.... C’est dire la grande finesse d’esprit, la pénétration intellectuelle, voire les fulgurances intuitives nécessaires aux techniciens de la cause pour aborder sérieusement ce sujet !

Comment dans ces conditions voulez-vous que des citoyens beaucoup moins favorisés que moi sur le plan cérébral, culturel, intellectuel, voire franchement limités par leurs bornes ataviques participent en toute équité au débat politique ? Que vaut leur avis quand, incapables de faire abstraction de leur égoïsme, de l’avis de leur femme, de leurs intérêts personnels, bref de leur conditionnement général, leur choix est dicté par leurs passions, leurs tares, leur ignorance, l’alcool, leur orientation sexuelle, leurs penchants pour la soupe aux carottes ou pour leurs chiens, etc., et non par la pure réflexion objective, raisonnée, détachée, réflexion éventuellement soutenue par un savoir général solide ?

Et l’on voudrait que l’ignare commun, le Dupont basique, le vulgus français y mette son grain de sel à travers son bulletin de vote !

Non décidément le bulletin de vote ce n’est pas sérieux.

C’est pour toutes ces raisons fort valables que je n’irai plus jamais voter de ma vie.

Je me retire définitivement de cette arène de clowns votants persuadés de jouir de leur liberté, de leur responsabilité sous prétexte qu’ils participent à un système grotesque qui de par son fonctionnement infantile, grossier, hautement populiste les trompe, les arnaque, les escroque dès le départ et m’en retourne à ma vraie place, celle que je n’aurais jamais dû quitter en 2007 et d’où, depuis toujours, j’observe l’Humanité : ma tour d’ivoire.