Boris Vian : l’automne à la BNF de tous ses talents !

Boris Vian : l'automne à la BNF de tous ses talents !

Une exposition tonique avec des pièces uniques et jamais exposées nous crève les yeux, grâce aux dons notamment d’Ursula Vian-Kübler, la dernière compagne de Boris. Atout cœur, Boris (1920 / 1959) pâtira de sa santé dès son enfance et le succès tant escompté par la littérature tournera à l’injure, à part quand le scandale et la censure l’éclabousseront sous le pseudo de Vernon Sullivan. Il touche à tout avec géni, le jazz, le théâtre, l’opéra, la peinture, la traduction, les chroniques de jazz, la chanson, la poésie et j’en passe des meilleurs. Reconnu seulement à titre posthume, cette exposition rend un vibrant hommage à cet homme capable de swinguer les mots avec esprit et humour sur des notes bleues. Il est l’ingénieux ingénieur inventeur d’un langage incisif très vif si libre et si moderne où l’ordre établi et le conformisme s’en prennent plein les ratiches. Sus aux bouées des ratichons baigneurs !

Près de 200 pièces, fatras cosmique, toutes les expressions d’un artiste envolé à 39 ans et qui vivait à cent à l’heure la vie en créations nous étonnent, nous submergent et nous bouleversent. Manuscrits, affiches de spectacle, lettres, photographies, pochettes de disques, sans omettre également des extraits sonores et audiovisuels sont réunis à la BNF pour une exposition exceptionnelle digne d’un être d’exception.
Pour la première fois, vous pourrez admirer ses 6 tableaux peints en 1946, quelques pages de son journal des années 50 et même son fameux « Traité de civisme » hélas pas achevé, brûlot salvateur, sans doute et encore plus épicé que ses romans sous le blaze de Vernon Sullivan. Visionnaire exacerbé, il a même osé se représenter dans sa future demeure en bois de cercueil dans un collage intitulé « Les morts ont tous la même peau  ».

Irrévérencieux chronique avec les uniformes, les porteurs de religion, Boris Vian savait se fâcher en créations avec les crétins aux semelles de crottin et contrer le bois dur du bâton qu’on lui tendait pour le battre. Il tenait sa liberté de penser de son père qui s’accordait à la joie de vivre dans la fête et la révolte. En revanche sa daronne c’était plutôt du genre de bon cœur : je te klaxonne mon fils à ne point prendre froid et ne pas t’essouffler depuis le temps où à douze son palpitant commença à battre la java sans crier garde à vous. Du souffle il en avait pourtant pour créer à en crever, tant il savait son temps compté. Il fit des rencontres qui lui inspirèrent des personnages et même des chansons. A voir la tronche chafouine de « Bison Ravi  » le jour de son mariage avec Michelle, c’est Boris qui enterrait sa vie libre et entrait en famille à reculons, en chantant en sourdine pour son épouse « Ne vous mariez pas les filles  » !

JPEG - 829.3 ko

Son esprit de corps ouvert se traduisait aussi selon l’équation pour le moins rationnelle dévolue aux arts et expressions en liberté, lorsqu’on lui posait la question sur la raison pour laquelle il avait suivi une formation d’ingénieur à l’Ecole Centrale. « Parce que c’était une école où on l’on pouvait tout apprendre ».

Il apprendra toute sa vie à se démarquer, quitte aussi à déplaire au point d’être rayé voir railler par les éditeurs, le trouvant sans doute trop avant-gardiste. Il souffrira de l’arrogance des publicateurs, imprécateurs, prédicateurs censeurs sans égard pour son génie. Comme un boomerang son succès posthume rira bien qui rira le dernier, sauf que ce trop cher Boris se repose désormais dans sa tombe le cœur léger à trinquer à la bonne santé de son œuvre littéraire adulée ! Merdre de merdre, quel hurluberlu !
Même ses aminches qui se démenaient pour lui étaient impuissants contre la machine commerciale à broyer la littérature en liberté. Ainsi Raymond Queneau (encore un matheux de formation, étonnant non ?), qui subodorait encore une réponse négative à la publication de L’herbe rouge, se questionnait : « sommes-nous tous un peu cons ? Ou bien n’as-tu pas fait ce que tu voulais faire ? L’histoire littéraire en jugera, comme dirait l’autre ».

Qu’à cela tienne, la mort dans l’âme Boris persista et signa sous la signature de Vernon Sullivan quelques chefs d’œuvre d’une littérature très noire et vraiment politiquement franchement incorrecte. Il en crèvera l’aminche au cinoche, à la représentation du film « J’irai cracher sur vos tombes  » adaptation façon tarte de son roman.

Il traduisit des ouvrages de science-fiction pour se nourrir. Michelle épouse modèle déchanta à la mouise de Boris et le couple se désagrégea. Ursula Kübler rentra dans la danse à la manière d’une jeune ballerine suisse des ballets Roland Petit. Il en connaissait un rayon à la chanson, capable d’écrire un texte de qualité en quelques minutes seulement. Ursula la magnifique poussa Boris à reprendre l’écriture. Sans elle peut-être, l’Arrache-cœur n’aurait été qu’un crève-cœur de plus pour Boris.
Cette renaissance des années 50 par la grâce et l’intelligence d’Ursula, lui fit découvrir d’autres domaines tel que la découverte de la Pataphysique, rien à voir avec la cuisson de la patate douce. En 1953, il fut nommé « satrape » et « promoteur insigne de l’ordre de la Grande Gidouille  ».

Imprégné jusque dans les dessous des pages, le jazz façonna son écriture. L’Ecume des jours sonna le rappel de Duke Ellington et Chloé l’héroïne se piqua du blaze d’un morceau du Duke.

En chansons, il inventa le rock franchouillard mastoc et pas sérieux pour un kopek avec ses deux acolytes Henri Salvador et Michel Legrand.
On ne le dira jamais assez, il a ouvert les arcanes du rock bien avant un certain belge jauni produit marketing des productions Halliday.

Sans doute une de ses préférées interprètes, Magali Noël, clin d’œil de Boris à ses talents. Il ne la déclinait pas toc. « Physiquement, tient ferme de ses ancêtres les Beauthorax et elle a hérité, en outre, de la branche Callipyge tous les signes extérieurs utiles. Du vieux Noël, elle a gardé un goût pour l’ouvrage bien faite, et une énergie difficile à contrôler  ».

JPEG - 415.6 ko

Le jazz à Saint-Germain des Prés, encore tout un roman en zizique d’une vie bien remplie… jusqu’aux années d’épuisement complet qui lui feront dire dans son « journal à rebrousse-poil  » où il déclinait son mal-être grandissant de ses années 1950. « Le temps, le temps, il me cavale au cul comme une charge de Uhlans ; et le cœur qui me gêne  » (février 1952). C’est aussi durant cette même période qu’il composera les vingt-deux poèmes de « Je voudrais pas crever  » édités à titre posthume seulement en 1962 !

Ses nouvelles à nulle autre pareilles et l’Ecume des jours sont devenues des œuvres littéraires du domaine classique, un comble ! Boris Vian pacifiste en tant que « Déserteur » de son existence écourtée fut chanté dans le monde entier. De son sort d’artiste littéraire méprisé, coquin de sort, Boris Vian n’est pas mort, il vit encore. Cette exposition clin d’œil à l’homme pressé nous ouvre des facettes encore inconnues à gueule d’un anar. Coup de projecteur magistral sur un sacré bonhomme d’exception et de renom incontournable, à la verve rythmique qui sent bon la chique d’un chic type vraiment bath et sans concession pour son époque.

JPEG - 309.1 ko

Boris Vian à la BNF François Mitterrand Paris 13ème, du 18 octobre 2011 au 15 janvier 2012

Références des visuels :

L’affiche : Boris Vian et son « cor à gidouille », Paris, 11 octobre 1958 © Photo Ingi Paris / akg-images

Mariage de Boris et Michelle Vian, 1941 archives Cohérie Boris Vian, Paris 2011

Boris Vian et Magali Noël pendant l’enregistrement de la chanson Fais-moi mal Johnny. DR Cliché Patrick Léger – Gallimard archives Cohérie Boris Vian, Paris 2011

Boris Vian, manuscrit de l’Ecume des jours, page de fin. Copyright Société Nouvelle des Editions Pauvert 1979, librairie Arthème Fayard, 1999 pour l’édition des œuvres complètes BNF, département des Manuscrits, archives Cohérie Boris Vian, Paris 2011

Catalogue de l’exposition : Post-scriptum, dessins, manuscrits, inédits. Boris Vian, édition le Cherche Midi, 200 pages, 39 euros