L’Apollonide ou la Révélation d’Alice Barnole

L'Apollonide ou la Révélation d'Alice Barnole

L’Apollonide est un grand film de Cinéma. Il y a dans ce film français qui raconte la vie quotidienne d’une Maison close en 1899 un plaidoyer pour un cinéma audacieux, inventif, féministe, humain qui sait regarder une époque avec acuité, donne du sens et permet un portrait magnifique de femmes au sein d’une œuvre chorale qui touche, caresse, dérange, bluffe, épate, témoigne et marque profondément.

Dans ce huis clos sans faux semblants où la réalisation prend le temps de montrer l’ennui, les attentes, les fantasmes, les désillusions et les cruautés, on est épaté par l’attention portée aux actrices, aux décors, à la musique, au sens, à la construction de l’œuvre.
Dans cette temporalité du lieu clos, tout est différent, on est dans un autre monde, une matrice qui n’est pas régi par le même temps que celui des autres, de la société, on est dans un microcosme.

L’Apollonide n’est pas un travail prosélyte. Ces femmes uniques, attirantes, belles ou moins belles, minces ou rondes, atypiques ou banales sont des femmes privées de liberté, endettées qui font commerce de leur corps par nécessité. Même si le regard de leur tenancière, mère de deux enfants, est doux, bienveillant et respectueux autant qu’il se peut, elles sont en souffrance.
On n’est pas libre dans une Maison close même si on gagne son propre argent.
Le réalisateur a choisi un parti-pris de mise en scène et de traitement moderne même si tout le reste est d’une grand classicisme. Ainsi il utilise des procédés de montage et de faux raccords et d’images répétées ou inversées comme dans la Nouvelle vague tout en juxtaposant une musique pop ou soul sur des scènes de 1900.

Tout dans cette réalisation donne du sens, rien n’est laissé au hasard, il n’y a ni fausse note, ni regard malveillant ou pervers, la focale posée sur ce projet est noble, belle, attentive, presque féminine.

L’argent, la politique, la maladie, la perversion sexuelle, la violence, la psychologie, de nombreux thèmes sont abordés dans ce film avec tact et bonne intelligence.

Le casting est exceptionnel, chaque rôle est fouillé, profond, parfaitement campé. Les talents sont là, les directions d’acteurs ont été précises, exigeantes et on même laissé place au naturel et à l’invention personnelle.
Dans ce groupe de femmes, toutes plus vraies, justes, charismatiques et enthousiasmantes les unes que les autres, Alice Barnole hérite du rôle le plus fort, le plus dur, le plus inoubliable.
Cette jeune actrice démarre ainsi sa carrière sur des chapeaux de roue, elle campe madeleine, la juive, à la beauté unique, énigmatique et fascinante qui, suite à une mutilation, deviendra "la femme qui rit".
Rôle à part, douloureux, cette femme marquée dans la chair est jouée par Alice Barnole sans pathos, sans sur-jeu. Ce visage qui rappelle les grandes héroïnes intemporelles du Cinéma américain ou allemand, cette peau blanche lumineuse qu’on rêverait de peindre, ce corps parfait fantasmatique à souhait, Alice Barnole crève l’écran, touche au coeur et à l’âme avec une justesse inégalée.
On est là en face d’une femme d’exception qui va, à n’en pas douter, avoir un Grand Destin sur pellicule. Réjouissons-nous.

L’Apollonide de Bertrand Bonello.

Avec Alice Barnole, Adèle Haenel, Hafsia Herzi, Jasmine Trinca, Céline Sallette, Noémie Lvovsky, Xavier Beauvois, Jacques Nolot...