Le jazz en France appelle d’urgence à des états généraux !

Le jazz en France appelle d'urgence à des états généraux !

Ça urge au bout de la scène, dans les clubs et toutes les structures susceptibles d’accueillir des artistes de jazz qui se meurent dans la non reconnaissance des pouvoirs publics qui s’en fendent la chique. Gros problèmes de production et de programmation… Laurent Coq musicien a lancé un appel à des états généraux du jazz qu’il a adressé au ministre de la culture. Je relaye et soutiens son action et vous fais part de quelques remarques sur cette navrante réalité boudée par les médias.

Dernièrement j’ai assisté à deux soirées au festival de jazz à Marciac. J’ai découvert vendredi 29 juillet en première partie Richard Bona et Raoul Midon. Je me suis régalée avec des sons d’Afrique relayés par la guitare débonnaire de Raoul très à la cool avec la basse de Richard. Un moment étonnant. Encouragée par l’enthousiasme du Bartos qui se réclame des ziziques des années 70, pour ainsi dire les seules à son avis, qui tiennent encore de l’inventivité musicale et de la fusion des genres. C’est tout naturellement que j’ai ouvert mes esgourdes à Return to Forever, la formation de Chick Coréa qui soufflait pour ainsi dire pratiquement ses quarante balais. Je ne fus pas du tout déçue de la bande et Stanley Clarke bassiste toujours aussi grand à tous les sens du terme. S’y était joint Jean-Luc Ponty violoniste que j’estime depuis ses débuts chez Zappa et sa démarche courageuse de quitter l’hexagone par trop franchouillard dans les années 70 pour s’exiler et rayonner aux Amériques, et qui sur scène s’enthousiasmait de sa « renaissance » en France ! Tu m’étonnes, quand un Larry Coryell fut sifflé par les puristes à Paname dans les années 60 pour ses effets très rock à la gratte dans le larsen en première partie d’Oscar Peterson  ! Bonjour l’ouverture d’esprit des franchouillards !

Samedi, j’assistais au concert d’une oreille discrète qui frisa l’endormissement de tous mes sens à la prestation du quartet de John Scofied. Quand on sait que ce guitariste fut de la tournée du groupe swing funk de Billy Cobham et George Duke (1976) et qu’il décoiffa Miles Davis dans son album Decoy (1984). Le zigue s’est assagi dans des ballades au clair de lune ! Heureusement ensuite John McLaughlin a branché sa guitare sur la quatrième dimension et a mis le feu au chapiteau devant un public ravi. Il avait invité dans sa formation de jeunes musiciens prometteurs. Phénomène fréquent outre Atlantique où l’on ose donner sa chance à la relève musicale, comme à New York où les repérages des talents fondent les futures générations qui bientôt dépasseront leurs ancêtres. Contrairement en France où la scène jazz foisonne de multiples formations que l’on veut cantonner dans le genre périmé des « musiques actuelles  ». C’est encore une méconnaissance officielle crasse du jazz par les ministères qui aiment enfermer dans des ghettos, histoire d’ignorer pour mieux régner. Alors que le jazz est la musique type des transversalités avec tous les autres sons. D’ailleurs, Jazz in Marciac qui en est à sa 34 ème édition a appris à se surpasser et ne s’est pas cantonné au jazz de la Nouvelle Orléans de ses débuts. Si non, ce festival serait déjà mort et enterré depuis belles notes bleues.

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J’ai été étonnée que sous un immense chapiteau on veuille entasser autant de personnes mélomanes. Avec ses écrans géants qui prélèvent des images incomplètes de la scène, suivant la catégorie socio-économique à laquelle on appartient et suivant la richesse de son portefeuille à se frayer une place. Autre point sensible, dans la programmation officielle, peu d’écho était donné aux formations de musiciens français. Seules les grosses pointures avaient droit de citer. Heureusement qu’il existe sur la place du village un festival bis et gratuit très ouvert et qui garde un succès d’estime populaire.

Par ces bémols, je relève déjà des points cruciaux des états critiques du jazz. Au moins 60 % d’intermittence dans les milieux du jazz et beaucoup de musiciens pour survivre enseignent et multiplient les activités parallèles et doivent toujours travailler plus pour gagner moins. En 2003 où les intermittents firent entendre leurs voix, André Francis (producteur entre autre sur France Culture) se rangea de leurs côtés et fut congédié pour cette cause de sa présentation du festival par la direction de Marciac.

Les clubs parisiens de jazz ont la réputation d’être des clubs marchands et pour se produire sur scène les musiciens doivent présenter un disque qui représente leur carte de visite. Ce disque bien évidemment, ils doivent l’autoproduire. Un scandale de plus où quatre majors se partagent le gâteau et si les musiciens veulent résister à ce marché de dupe, ils doivent créer des collectifs et des labels. Et l’offre pour se produire sur scène est bien maigre devant la demande exponentielle des musiciens qui se multiplient comme des petits pains rassis avant même d’avoir pu goûter à l’existence musicale tangible. Les nombreux lieux underground new yorkais manquent cruellement dans les grandes villes en France. Même Jean-Luc Ponty artiste accompli sait le reconnaitre lorsqu’il compare les conditions de vie des musiciens à notre époque avec le temps béni où il a commencé.

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« Aujourd’hui, il faut vraiment un talent extraordinaire pour percer. En outre dans les années 70, les maisons de disque avaient une autre politique. Elles permettaient aux musiciens de chercher, d’expérimenter, en leur donnant du temps pour trouver. Elles prenaient plus de risques. Tout a changé avec l’apparition des gestionnaires issus d’écoles de marketing, qui visent le profit immédiat en songeant qu’en termes d’opérations financières. Ce sont les mêmes qui dirigent des radios, qui achètent des groupes uniquement pour les revendre avec bénéfice. J’ai eu la chance d’arriver au bon moment, même si cela commençait à changer. J’ai pu développer ma musique et attirer un public qui m’a suivi par la suite. Je ne suis pas certain si j’aurais un tel parcours si je débutais aujourd’hui  ». Cette interview est issue du numéro de juillet de Jazz magazine dans lequel si je m’abuse j’ai déjà lu une tribune de Laurent Coq dans le numéro du mois de juin à propos de son appel à des états généraux du jazz. Pas étonnant puisque cette excellente revue parle du jazz dans tous ses états sans frontière entre les genres ! Si tous les médias spécialisés du jazz donnaient un échos aux mouvements de revendications légitimes des musiciens, ce serait bath !En sachant aussi que le petit milieu du jazz représente en chiffre à peine 4% des disques vendus. D’ailleurs dans l’échelle des ventes de disques et selon les fluctuations du jazz, 800 c’est bien, 2000 c’est un carton et 5000 c’est un tube ! Jean-Luc Ponty renchérit : « Même si les ventes du premier album n’étaient pas extraordinaires : 70 000 exemplaires. C’est énorme aujourd’hui, mais c’était relativement courant à l’époque  ».

Il y a de nos jours, un sacré malaise dans le jazz ! Je ne représente qu’un modeste échos de cette musique que j’adore par-dessus tout et que je soutiens de toutes mes forces. Si vous aussi vous vous sentez concernés, rien ne plus simple, lisez, diffusez, soutenez l’appel des états généraux du jazz lancé par Laurent Coq.
Il faut que ce soit nous qui puissions faire le choix de la musique que l’on veut écouter et qui vibre dans nos tripes, sinon nous ne sommes pas libres. Longue vie au jazz dans tous ses combats de la musique en révolte et en fusion et solidarité avec ses actrices et acteurs du terrain sensible et mouvant du jazz vivant.

Le blog de Laurent Coq : http://blogs.mediapart.fr/blog/laurent-coq

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Je reviendrai aussi sur Leila Olivesi pianiste de jazz qui m’a tapée dans les esgourdes pour ses sons mêlant voix et poésie, rythmes et images picturales d’une biculture épanouie. Même que le Bartos a décidé qu’elle serait l’égérie de la bande originale du roman qu’il est en train d’écrire, c’est pour vous dire !