A l’heure dite, une dizaine de personnes fut invitée à entrer dans un conteneur posé au milieu de la place. Pas n’importe quel conteneur. Celui-ci à des parois en verre. Ce qui fait que les gens du dedans voient les gens du dehors et réciproquement. Quand les portes se referment, on constate qu’elles sont entièrement recouvertes de miroirs.

Trois acteurs sont à l’œuvre. Ils déambulent autour du conteneur (climatisé) où le public est enfermé. La vie continue sur la place devenue plateau. Des badauds promènent leur chien. Des enfants jouent. Des cyclistes pédalent. Des pigeons s’envolent. Des consommateurs consomment à la terrasse des cafés. Des plus curieux s’approchent. Pour saisir une once du spectacle, ils peuvent entendre ce que perçoivent les enfermé-e-s avec des casques branchés sur une borne.

Et qu’entendent-ils ces prisonniers volontaires ? Un long texte, un très très long texte servi par des comédiens qui les interpellent, les malmènent, les questionnent sur la nature du théâtre, sur l’espace, sur la place du spectateur, sur leur soumission, sur leur existence. « Vous avez maintenant pris conscience de votre présence. Vous savez que c’est votre temps que vous passez ici. Vous êtes le sujet. Vous nouez l’intrigue. Vous dénouez l’intrigue. Votre êtes le centre. Vous êtes le prétexte. Vous êtes l’origine. Vous êtes le déclencheur. Ici vous servez à parler. Vous êtes les meneurs de jeu et ceux qui sont hors-jeu... »

Pendant près de deux heures, l’argument se répète dans des perspectives différentes accompagné par une curieuse bande son qui va des Poppy’s (Non, non, rien a changé) à Ludwig van Beethoven (L’Hymne à la Joie). Les acteurs jouent avec le réel, courent après des enfants, se mêlent à une noce, montent sur un manège, suivent des passants sans jamais cesser de servir un texte qui ne se laisse pas facilement apprivoiser. Belle performance. Ce fleuve magistral est signé Peter Handke. Outrage au public a été écrit en 1967. L’auteur, qui avait alors vingt-trois ans, y fustigeait la consommation culturelle.

Mis en scène par Arnaud Troalic, Insultes au public sera créée en octobre à Mâcon. La pièce sera jouée à Dieppe (les 21 et 22 octobre) et à Mont-Saint-Aignan (les 3, 4 et 5 novembre) dans le cadre du festival Automne en Normandie. Elle sera présentée au Havre, du 22 au 25 novembre (à la gare maritime), dans le cadre de la saison culturelle hors-les-murs du Volcan Scène nationale.

En attendant, les répétitions publiques expérimentales de cette coproduction Compagnie Akté/Le Volcan vont se poursuivre jusqu’au 17 juin sur la place Auguste-Perret du Havre. Les horaires sont variables. On les trouve sur place ou sur la page Facebook de la compagnie. Tentez l’aventure !

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