I, ROBOT ou les Trois Lois d’Asimov passées au crible d’une évolution logique implacable

I, ROBOT ou les Trois Lois d'Asimov passées au crible d'une évolution logique implacable

Le Chicago de 2035 inspiré d’Asimov. Une cité gigantismique où hommes et robots domestiques piétonnent de concert dans les rues. La technologie au cœur de la vie. Le suicide incompréhensible de Monsieur Robotique en personne, chercheur scientifique à l’origine des premiers boulonnés lancés sur le marché en 2020 et papa des générations suivantes, au moment de la sortie publique du dernier modèle en date, un cyber ultra humanisé au potentiel maximum, modèle préconfiguré, bien entendu, sur la base des trois lois qui les régissent tous : un robot ne peut pas tuer un humain ; un robot se doit de toujours protéger l’humain ; un robot se doit de toujours obéir à l’humain, si tant est que cette troisième loi ne s’oppose pas à l’une des deux premières.

Mettez sur le coup un flic noir, balafré, un rien rétro (il jure sa vie sans robot à la maison, se balade chaussé de vieilles Nike datant de 2004 !) et sur le retour d’une rupture sentimentale, et c’est parti. Replongeons pour un tour dans le mystère de l’âme. L’unicité d’être. Le robot qui se fait appeler Sonny, tout juste sorti du labo du docteur Calvin (laquelle serait tout à fait charmante si elle n’avait pas d’un premier abord cette raideur propre à la rapprocher d’allures et de combinaison de ses chères créatures « faites toutes de rouages » auxquelles elle a charge de donner « l’air plus humain »), est-il unique ainsi qu’il s’en interroge lui-même ? Pourquoi ne répond-t-il pas systématiquement, ainsi qu’il le devrait, à la troisième loi exigeant de lui une totale obéissance à l’égard de l’homme ? Quelles conséquences effroyables à ce fait sans antécédent ? Ses « frères » de génération qui viennent d’être commercialisés en masse pourraient-ils être comme lui ?

Car la publicité, diffusée à gros bouillons par la maison mère et protocole de fabrication de ces servants de métal, atteste comme il se doit de leur programmation sous les trois lois en vigueur, en plus de tous les avantages inédits garantissant le bienfait de leur acquisition. On vous échange même votre ancien robot contre celui-là. La réclame dit bien « Ce modèle nouvelle génération, c’est l’avenir au présent ! ». Dans un univers où l’on voit passer les camions ramasseurs de poubelles jonchés de ces hommes de fer affairés aux containers et où observer un robot courant dans la rue, un sac de dame à la main, signifie simplement que celle-ci l’a envoyé cherché d’urgence quelque chose chez elle pour le lui rapporter, plus rien n’étonne plus personne.

Pourtant, notre limier, qui a, semble-t-il, bien connu le fameux disparu mais jamais adhéré pour autant à toute cette technologie prétendue hautement sécurisée, a son oreille qui le chatouille. Fi d’une puce, à part un brave chat sauvé in extremis des serres d’un gros méchant robot démolisseur de maisons (encore un truc pas normal du tout), point d’animal sur cette bande, si ce ne sont les couleuvres qu’on ne lui fera pas avaler. Et non, il n’est peut-être pas paranoïaque, ainsi que le lui suggère son vieux boss et pote, désespérant d’obtenir sa prolongation d’un congé de repos qui ne serait visiblement pas de trop.

I, ROBOT ou tous les ingrédients habituels du film d’action américain, avec poursuites motorisées, cascades de combat à vous en jeter plein l’oculaire, humour d’usage dans le genre et un design futuriste fort digne de l’imagination de cet auteur classique qui marqua, notamment avec sa série des Fondation, un tournant plus que majeur, pour ne pas dire magistral, dans l’histoire de la science fiction.

Science fiction, genre s’il en est, parfois classifié d’anti-littérature extrapolationnaire, pourquoi pas, mais néanmoins toujours tourné, à travers ses thèmes de prédilection où l’imaginaire poursuit la science au-delà de ses limites connues, vers l’être humain et ses fonds insondables.

Ne nous y trompons pas, c’est bien là le sujet principal de ce film où l’ennemi n’est peut-être pas celui que l’on a cru, si tant est d’ailleurs qu’il y en ait un, et traité en bonne et due forme de l’andros créé par l’homme et toutes les questions identitaires fondamentales qu’il soulève.

A voir en salle pour la beauté de la photographie.