L’intelligence est-elle soluble dans l’essence ?

L'intelligence est-elle soluble dans l'essence ?

 [1]Neuf kilomètres. Neuf kilomètres quatre cents pour être précis et six ronds-points, un « cédez le passage » et un feu tricolore. Mon bout d’asphalte que j’emprunte (je le rends après) pour aller et venir au boulot.

Neuf kilomètres quatre cents sur lesquels on trouve des mères de famille avec marmaille à déposer à la crèche ou à l’école, des chauffeurs-livreurs et surtout, ah oui surtout, l’espèce phare de ce microcosme : le conardus automobilis.

Testostéroné pire que feue Florence Griffith Joyner, amoureux de ses cent cinquante chevaux vapeur (et un âne au volant, merci Roland Magdane), se foutant de son prochain comme du 26 août 1346, doublant sur une ligne continue la mère de famille qui roule prudemment (il pleut et la route est glissante) pour éviter à son petit dernier de terminer en bouillie sanguinolente contre le pare-brise, klaxonnant le chauffeur-livreur garé en double file pour déposer sa cargaison (normal, un autre conardus automobilis s’est garé sur l’emplacement réservé aux livraisons), il fait rugir ses chevaux diesel, persuadé que le monde lui appartient, que c’est SA route à lui, tout en téléphonant pour faire homme important.

Connard. Je te conchie consciencieusement.

Dans ta belle automobile rutilante, que tu astiques tous les dimanches comme tu t’astiques devant les sites pornographiques du Ouaib, à qui tu offres des jantes qui coûtent un SMIC sans penser à ramener des fleurs à ta femme (ou du chocolat, c’est selon) qui elle, emmène prudemment les enfants à l’école, dans ta voiture dont tu es si fier, extension phallocratique de ton machisme de beauf, tu perds toute notion des autres, tu domines, tu te sens au sommet de la pyramide.

Tu me fais penser à ces serial killers, ces gens qui semblent bien sous tous rapports mais qui se laissent aller aux pires bassesses du genre humain. Toi aussi tu tues, tu violes, tu défigures.

Ô toi homme respecté quand tu te tiens sur tes deux pieds, qui dit merci bonjour et s’il vous plaît, une fois ton gros cul (et j’ai rien contre les gros culs, étant moi-même confortablement rembourré de cette partie de mon anatomie) posé dans TA voiture, tu deviens abject, sans aucune courtoisie, prêt à tout pour montrer ta prétendue supériorité. Les piétons ? De la viande sur pattes à hacher menu. Les autres voitures ? Des ignares du volant qui, si ils ont l’audace de te doubler, te font voir rouge et risquer la peau de ta petite famille sur les routes des vacances pour leur prouver, à ces incapables, que TU es le Maître de la Route.

J’irai rire de ta dépouille sanguinolente et démembrée quand tu te seras foutu la gueule contre un arbre qui se marre dans ses feuilles. Je cracherai sur les carcasses entremêlées de ta voiture et de ton corps, unis en un dernier accouplement obscène.

Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé n’est absolument pas fortuite.