La satire sociale à la Milos Forman c’est formidable !

La satire sociale à la Milos Forman c'est formidable !

En 1971, Milos Forman réalisa Taking of, charge héroïque et humoristique contre les débines familiales. Quand les parents trinquent, les enfants fuguent et fument en mineur. A New York, une certaine Jeannie, fille à papa, se barre et se cherche des idéaux dans la folk musique et les dérivées de l’herbe rase. Son pater alcoolo part à sa recherche à Manhattan et finit par adhérer à une association de parents de fugueurs. Milos Forman nous enchante de son regard frais et trouve déjà son expression dans une brillante satire sociale.

Je crois en l’amour / L’amour l’amour l’amour / Quand je suis dans la rue / J’en croise tant / Qui ne semblent pas savoir / Qu’il existe le mot amour /L’amour l’amour l’amour l’amour / Je déteste la clameur de la ville / Car je l’entends dire pourquoi / Pourquoi les gens ne s’y risquent pas…. J’abrège vos souffrances et encore vous n’avez pas le son vous, pour entendre une jeune blondasse qui gratte sa guitare et nous sort ces textes à la Kong ! Dans le générique, on se croirait dans un film d’audition pour découvrir la nouvelle vedette folk des années 70 à New York ! Le nouveau groupe phare, la chanteuse ou le chanteur qui interprètera Hair, autre film que Forman réalisera en 1979. Mais n’allons pas trop vite à la besogne. Il procède au tournage de son premier long métrage aux Etats-Unis, après avoir été licencié en Tchécoslovaquie, son pays natal, par la société d’état, pour être sorti du territoire illégalement en 1968 ! Etonnant non cette époque charnière où le bruit des bottes soviétiques allaient déferler à Prague, ville occupée !

Milos n’en est pas à ses débuts avec le cinéma. Il a déjà réalisé trois films dans son pays d’origine : L’as de Pique, Les Amours d’une blonde et Au feu les pompiers dans lesquels il excellait déjà dans la satire sociale. Mais alors, comment a germé dans son esprit l’idée du film Taking off qu’il réalisa en 1971. On a eu l’idée, Jean-Claude Carrière et moi, de faire un film sur les hippies américains. On avait loué une toute petite maison à 3 et on écoutait les histoires autour de nous sur les hippies. Puis on est allé les observer mais on les a trouvés terriblement ennuyeux. Ils ne faisaient que fumer, dormir et mendier à longueur de temps. En fait, le véritable drame se jouait chez les parents de ces enfants fugueurs. On a donc décidé de faire un film sur eux, mon premier aux Etats-Unis. (Milos Forman)

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Marie-Ellen Mark photographe et amie de Milos s’est rendue à Central Park pour repérer la jeune femme hippie hourra qui pourrait interpréter le rôle de Jeannie. Linnea Heacock confirmera ses talents d’actrice. Pour la thune à mettre sur la table, il a bénéficié du succès phénoménal d’Easy Rider. Universal International Pictures voulait renouveler l’expérience à moins d’un million de dollars pour la mise, sauf que le projet de Milos dépassait de peu. C’est un certain Michael Hausman qui réunit les fonds nécessaires. Milos souffla le vent du cinéma indépendant américain. Son film qui fut tourné dans des conditions qu’il qualifiera de familiale, sans aucune vedette, aucune barrière, ni coiffeur, ni maquilleur, ni loge, ni caravane.

Au lieu de s’intéresser aux hippies complètement mornes et éteints, Milos a eu la bonne idée de croquer leurs parents complément dépassés et névrosés de voir leurs enfants leur échapper. Larry Tyne le père de Jeannie est un drôle de gugusse, style asticot au format W. Allen en moins bavard et beaucoup moins marrant qui se voue corps et âme à son psy. Sa femme est la parfaite mère au foyer coincée de la moyenne bourgeoisie. Si les jeunes hippies étaient tristes à crever, les parents eux n’avaient rien à leur envier ! Il s’avère que Jeannie fugue mi raisin et fraye avec le gratin des alternatifs du milieu de la folk musique et son folklore autour de la libération sexuelle et les douces drogues en fumée. Ils sont inquiets, elle doit avoir dans les quinze piges. Un soir bien imbibé, à chacun son bad trip mon pote ! le pater noceur décide d’aller à sa recherche dans Manhattan. Il découvre d’autres modes de vie aux antipodes de la sienne et devient membre d’un important réseau associatif à la recherche des enfants disparus.

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Le titre en anglais s’apparente à la fuite de l’adolescente qui s’ennuie ferme chez ses parents et souhaite voir du pays. Au milieu de tous ces gens tristes, on aurait pu croire qu’avec sa caméra documentée, Milos nous entraîne dans un huit clos sectaire à braire les larmes et déjanter ses travers. Non, Milos justement a déjà l’expérience de la satire sociale et, non seulement, on ne s’ennuie pas, mais en plus il y a des moments de pures jubilations délirantes. Je pense à la scène extraordinaire où l’association de parents se réunit dans une salle de réunion chicos pour se mirer tels leurs enfants dans l’essai du pétard. Pas celui de la révolution avortée mais de l’herbe bleue avec la distribution d’un joint à toute la compagnie, sur les conseils de la vie mode d’emploi d’un maître de cérémonie. Ceci est un joint. Le joint a deux bouts. Un des bouts est roulé fermé et l’autre est ouvert. Prenez le joint, le bout ouvert face à vous, et tenez le entre le pouce et l’index comme ceci. Vous me suivez ? Ensuite vous le portez à la bouche. Comme ceci. Vous prenez une allumette pour la gratter. Vous allumez l’extrémité. Vous aspirez très profondément. Comme ça. En aspirant ourlez les lèvres pour laisser passer de l’oxygène avec la fumée. C’est important, le mélange herbe oxygène. N’expirez pas tout de suite. Aspirez très loin derrière et retenez jusqu’à dix….. S’en suit des parents déjantés qui ne savent plus où ils mettent les pieds ! Même que les parents de Jeannie avec un autre couple se livreront de retour à la maison à une partie de strip-poker sur des partitions musicales de cette époque. Ike et Tina Turner apparaissent en concert…

En avant la zizique, Milos en connaît des notes ! Entre son Amadeus et Hair, il y a de quoi se faire pousser les cheveux. Le spectre est pour le moins très large ! Il recevra le Grand Prix du Jury du Festival de Cannes en 1971 pour Taking Off et sa consécration avec l’Oscar du meilleur réalisateur pour Vol au-dessus d’un nid de coucou en 1976.

Ne ratez pas votre plaisir. Avec Milos, vous ne tomberez jamais sur un os de pacotille à vous ronger les sangs longs de vos soirées d’été. On y rit, on y sourit, on prend son pied à voir Taking off. et la bande son est assez surprenante !

Taking off de Milos Forman, avec Lynn Carlin, Buck Henry, Linnea Heacock / 1971, 93 minutes, couleurs, sous-titré en français, film interdit en salle au moins de 12 ans / éditions collector BLU-RAY et DVDdistribué par Carlotta Films, 23 mars 2011