Les robinsons des cruautés à poil et à mort !

Les robinsons des cruautés à poil et à mort !

Vous prenez quelques étudiants anglais mâles et femelles. Vous les laissez mijoter tout nu quelques mois sur une île déserte en compagnie de chimpanzés sans aucun contact avec la civilisation. Résultat de l’expérience, trois hommes manquent à l’appel et toutes les femmes sauf une se sont faites engrossées et auraient subies des violences sexuelles. Le professeur Robin Baker, spécialiste de la biologie sexuelle et l’évolution, se pose en tant qu’écrivain pour nous raconter « Primal », cette histoire pour le moins assez édifiante. La nature humaine s’en prend plein la gueule, quand il s’agit d’exprimer de façon animale son instinct de survie. La mayonnaise prend à merveille, et à la fin de ce roman que j’ai adoré, je suis fière d’être une chimpanzé à côté de tous ces humains si sauvages !

Dans Primal, le professeur Lopez Turner déclare dors d’une interview : « Si vous voulez vraiment voir ce dont sont capables les êtres humains, rendez-les à l’état sauvage. Faites-les vivre nus parmi les grands singes. Ce que vous verrez ne vous plaira pas, mais vous comprendrez peut-être alors que la société moderne n’est qu’une façon de nous dissimuler à nous-mêmes notre véritable nature. Voilà à quel point cette société est fragile ». (page 10)

Les faits : tout se déroula en 2006. Neuf étudiants et cinq employés d’une université de Manchester partirent pour une expédition d’un mois sur une île déserte du Pacifique Sud sous l’impulsion de Raoul Lopez, explorateur et primatologue de renom mondial. Des quatorze cobayes volontaires, à peine dix rentrèrent en Angleterre en 2007. De ce combat pour la survie aux instincts démesurés et du fait que le groupe se soit retrouvé nu suite à un incendie du campement, tous les rapports humains furent chamboulés.

A leur retour, chaque survivant d’une même voix concertée conta son épopée. Seulement, en écoutant les témoignages, Robin Baker décela des failles et des malaises. De ces contradictions il battit le corpus de son roman. La première partie donne le point de vue d’Ysan, une jeune primatologue avec laquelle à son retour il aura une histoire. Cette partie est agréable à la lecture et dépeint parfaitement les relations entre les protagonistes en insistant sur le trait de caractère de chacune et de chacun et l’évolution des rapports qui s’enveniment lorsque les hommes en viennent à ne plus pouvoir contrôler leurs pulsions sexuelles. Ce qui est remarquable c’est aussi la comparaison entre les modes de fonctionnement des grands singes dont je suis issue et les humains destructeurs de l’harmonie à nue.

Donc, si les personnages de Primal s’éparpillaient pour vivre en solitaires (comme les orang-outangs), ou si l’homme le plus fort expulsait les autres pour s’accaparer toutes les femmes (comme les gorilles), ou si chaque femme couchait avec tous les hommes disponibles chaque mois (comme pour les chimpanzés), ou réduisait le rapport sexuel à un geste désinhibé et désinvolte, dénué d’amour ou d’érotisme (comme chez les bonobos), alors il faudrait sans doute admettre que le professeur Lopez-Turner avait raison. Un seul résultat nous permettrait d’en conclure autrement, car il différerait du comportement de tous les grands singes. Et ce résultat, c’est la monogamie. (page 12)

A croire encore une fois qu’on se ressemble presque nous les singes que singent les humanos fétides pour nous piquer toutes nos caractéristiques, une fois jeter en pâture en pleine nature !

La seconde partie du livre intitulée Après-coups dissèque les déclarations des survivant(e)s pour traquer toutes les allégations posées. Beaucoup moins intéressante, l’auteur reprend son clavier d’universitaire, ce qui nuit au récit, tout en nous éclairant tout de même. Au final on comprend tout.

La fiction littéraire dépasse à peine la réalité. Dans ses remerciements, on pige alors que l’auteur s’est inspiré de ses étudiants et surtout de l’expérience Grand Bahamas de l’opération Raleigh en 1985 / 1986

Franchement, les humanos ont encore beaucoup à apprendre des singes pour accéder à notre hauteur d’esprit et de corps. Encore beaucoup de cris primaux en perspective, mes cocos. En attendant, prenez-en de la graine et lisez Robin Baker, vous n’en serez que moins pauvres de vos peurs de nous voir vous surpasser. Après, c’est certain, vous ne verrez jamais plus vos poils roussis sans parure dans le dénuement le plus complet à nu, de la même façon. Même si je vous l’accorde, la couverture du livre, une peinture intitulée : nu à la mer est indigne du contenu du livre. A poil tout le monde et à la revoyure sur la planète des singes, bandes de caves ! Non, mais sans dec !

Primal de Robin Baker, traduit par Denyse Beaulieu, éditions Jean-Claude Lattès, janvier 2011, 431 pages, 20,90 euros

A suivre bientôt, Mémoires d’un singe savant de Henri-Frédéric Blanc aux éditions Le Fioupélan, un pur chef d’œuvre !