Stéphane Hessel, digne résistant !

Stéphane Hessel, digne résistant !

Au Mague, on aime bien Stéphane Hessel. Cet éternel jeune homme de 93 printemps toujours engagé politiquement, a cultivé la poésie de la vie à toutes les étapes de son existence mouvementée. La révolution non-violente en Tunisie lui donne encore raison. Indignez-vous » a su toucher un vaste public concerné par ses thèses. Suite à sa lecture, j’ose encore espérer un sursaut citoyen. Histoire aussi de ne pas laisser bafouer tous les acquis du programme du Conseil National de la Résistance et histoire enfin de prouver qu’il existe encore de nombreuses causes d’injustices qui peuvent nous galvaniser à agir.

Stéphane Hessel est né à Berlin en 1917. Il a obtenu la nationalité française en 1937. Résistant français, prisonnier, évadé en 1940, il était devenu agent du BCRA en 1941 après avoir rejoint De Gaulle à Londres. Arrêté en 1944 au cours d’une mission, il fut déporté à Buchenwald puis à Dora. Après une nouvelle évasion, il rejoindra les lignes américaines à Hanovre. Il est l’un des rédacteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 avec René Cassin. Diplomate jusqu’en 1985, il n’a jamais cessé de militer en faveur des Droits de l’Homme. Ambassadeur de France, Grand-officier de la Légion d’honneur, Grand-croix de l’Ordre national du mérite.*

Il est engagé pour un boycott de l’état israélien et contre toutes les exactions aux droits des humains et que l’application du droit international et des résolutions de l’ONU ne soient pas lettres mortes. « Que des Juifs puissent perpétrer eux-mêmes des crimes de guerre, c’est insupportable. Hélas, l’histoire donne peu d’exemples de peuples qui tirent les leçons de leur propre histoire ». (page 18) Ses propos ne sont pas contredits, je dirai même plus ils sont tristement confirmés. Très récemment, le 18 janvier, sous la pression du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), l’interdiction du compte rendu pacifique à l’Ecole Normale Supérieure de Paris, dont il était à l’initiative, avec la présence d’intellectuels divers et de patriotes israéliens, prouve que cet homme révolté, que n’aurait pas renié Albert Camus, dérange encore. C’est un scandale que l’on puisse museler sa voix et celle des opprimés.

Cet ouvrage d’à peine vingt pages coûte seulement 3 euros. Il est d’une lecture aisée, s’adresse à toutes les lectrices et tous les lecteurs sans distinction d’âge et de condition sociale, puisqu’il concerne tout le monde.

Il rappelle les motifs de son engagement politique que furent « les années de résistance et le programme élaboré il a y a soixante-six ans par le Conseil National de la Résistance ». (page 9) Avec la naissance de la Sécurité sociale, l’intérêt général devait primer sur l’intérêt particulier comme le juste partage des richesses, une presse indépendante, l’instruction la plus développée pour tous les enfants ? Ce sont parmi les points forts énoncés. Seulement, « De ces principes et de ces valeurs, nous avons aujourd’hui plus que jamais besoin. Il nous appartient de veiller ensemble tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, pas cette société où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis, toutes choses que nous aurions refusé de cautionner si nous avions été les véritables héritiers du Conseil National de la Résistance ». (page 9)

De ce parallèle entre la situation de résistance contre la barbarie fasciste et notre époque actuelle, Stéphane Hessel démontre que les motifs d’indignation même s’ils diffèrent dans le contexte historique, sont légions et ne manquent pas. Il engage notre responsabilité et notre vision de l’histoire, à savoir notre rôle d’actrice ou d’acteur. « Il faut s’engager au nom de sa responsabilité de personne humaine ». (page 13). Et que la pire des attitudes est certainement celle de l’indifférence. Dire : «  Je n’y peux rien, je me débrouille. En, vous comportant ainsi, vous perdez l’une des composantes essentielles qui fait l’humain. Une des composantes indispensables : la faculté d’indignation et l’engagement qui en est la conséquence ». (page 14)

Il prône la non-violence comme le chemin à suivre. A croire que tous les révolté(e)s en Tunisie, qui ont déferlé dans les rues, avaient déjà lu son livre et le mettaient en pratique.

Toute sa force, il la tire de son profond optimisme. Il puise ses racines dans la poésie. A l’écouter sur les ondes du service public de la radiodiffusion (France Inter ou France Culture), on ne se lasse jamais de ses interludes poétiques. Il me fait penser dans un autre style d’engagement, au professeur Henri Laborit biologiste, qui avait la même faculté de versification dans ses propos à l’envolée lyrique, que s’en est un régal. Il cite dans son livre le père Guillaume Apollinaire : « Que l’espérance est violente ». (page 19). Et si on veut l’accompagner dans cette voie, je vous conseille bien fraternellement « Ô ma mémoire, la poésie, ma nécessité ». (éditions du Seuil, 2006). Vous comprendrez d’autant mieux le fonctionnement de cet homme remarquable et O combien cultivé et passionnant.

De ce mouvement permanant des corps et des esprits en marche, il peut en découler une insurrection pacifique. Il donne des exemples de certains progrès intervenus depuis 1948 : la décolonisation, la fin de l’apartheid, la destruction de l’empire soviétique, la chute du Mur de Berlin. Mais aussi certains reculs probants : la politique de Georges Bush, la guerre en Irak, le 11 septembre et la grande crise économique mondiale.

De ce mouvement permanant des corps et des esprits en marche, il peut en découler une insurrection pacifique. Il donne des exemples de certains progrès intervenus depuis 1948 : la décolonisation, la fin de l’apartheid, la Le 8 mars 2004, les vétérans des mouvements de Résistance et les forces combattantes de la France libre (1940 / 1945) signèrent un Appel qui stipulait que même si le nazisme avait été vaincu, des injustices perduraient et les motifs des raisons de la colère demeuraient. Au nom de ces menaces, et par le biais de cet Appel, il s’adresse en fin d’ouvrage à la jeunesse citoyenne. Un autre choix de société plus fraternelle et solidaire est possible. « Aussi, appelons-nous toujours à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris du plus faible et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous ». (page 22).

Même que son livre ne laisse pas indifférent jusqu’aux terriers de la Pointe du Médoc, puisqu’un café-lecture, oyez oyez braves gens, ouvrira ses arcanes le vendredi 4 mars à partir de 20 h 30 au Rallye : http://bonheurdelire.over-blog.org/

Enfin, (toujours dans l’Appel), son clin d’œil en lettres majuscules au futur en terme générationnel, comme finalité en soi me touche du fond du cœur : « CRER, C’EST RESISTER. RESISTER, C’EST CRER. » (page 22)

*(merci pour cet emprunt de la présentation de Stéphane Hessel à Paco, compagnon chroniqueur)

Indignez-vous de Stéphane Hessel, éditions Indigène, collection « Ceux qui marchent contre le vent » (c’est une collection de textes militants en faveur d’une prise de conscience), 2010, 3 euros