Mona, elle visse le King sur Seine !

Mona, elle visse le King sur Seine !

Les éditions La Tengo qui n’ont pas froid aux pages ont imposé une contrainte insurmontable au jeune écrivain Stéphane Michaka, avec son opus "Elvis sur Seine", qui ne fait aucun cas de cette difficulté et la surmonte avec brio. Il sème le trouble sur une hypothétique version du King qui hanterait ce foutu quartier policé du septième arrondissement de Paname où en principe, il ne se passe pour ainsi dire jamais rien ! Mona se catapulte dans l’enquête et nous scotche à ses basques à ne jamais se jeter dans la Seine, même si les renseignements généreux de France et les barbouzes coréens ne l’entendent pas toujours du même flingue. Un roman abouti, torché rock et vraiment vivant. Un cas d’école, du meilleur Cabriole ! J’en suis folle !

Stéphane Michaka est un sacré gaillard. Il a le dialogue chevillé au corps. Il porte les voix de ses personnages sur des supports variables. Comme à la radio, il avait déjà ravi nos esgourdes en s’attaquant déjà à un mythe, celui de Franz dans Le Château de Kafka sur les ondes de France Culture en 2010. Ses pièces sont éditées par l’Avant-scène Théâtre. C’est tout évidemment qu’il élève son clavier à toucher le noir dessein littéraire avec La fille de Carnegie. Ce fameux polar très remarqué a été adapté d’une de ses pièces en 2008 et publié chez Rivages/Noir. Il remporta de multiple prix pour ce premier roman. Et comme il est un personnage à lui tout seul qui adore la prise de risque, c’est tout naturellement, que mordu par Mona Cabriole, Stéphane Michaka rêva s’aventurer avec elle et prendre ses quartiers dans le plus tartempion de la capitale : le septième arrondissement ! Il s’en explique très bien.
« La collection « Mona Cabriole » invite les auteurs à choisir un quartier de Paris et une ambiance rock. J’ai choisi le 7ème parce que c’est le quartier le moins rock de la capitale (le polar, genre propice aux rencontres improbables…). Et je rêvais d’utiliser la Tour Eiffel pour une scène d’action – il ne faut pas laisser ça aux films hollywoodiens ! Quand à Elvis, je l’ai choisi parce qu’il incarne la jeunesse éternelle du rock et sa part tragique. Qui peut entendre Jailhouse Rock ou All Shook Up sans être pris de frissons ? Un polar qui donne envie de danser, c’est ce que j’ai voulu faire avec Elvis sur Seine ».

Pour tout vous dire, franchement, Elvis ne m’a jamais retourné les hanches à ce que je me penche sur son berceau pour applaudir le morveux du rock nœud-nœud et bien propre sur lui. Je dirai même plus, j’en étais demeurée à l’évocation de ce cher Frank Zappa à brocarder l’empreinte du pantin in Elvis has just left the building (Elvis vient juste de quitter le bâtiment). Mais aussi aux allusions toutes aussi catastrophiques de la bande à mon cher ami Ramon Pipin, au fait du dégommage pour les Au Bonheur des dames, qui s’en donnaient déjà à cœur joie dans Ego-Dames. Et si en plus se greffait le 7ème arrondissement, avec ses cars de touristes qui veulent prendre l’air entre les paluches de la Dame de fer et fêter la guerre aux Invalides en pétant en chœur sur le Champ de Mars, en cherchant des noises au Mur de la Paix. Je n’avais plus qu’à attendre les petits hommes verts pour qu’ils me sauvent de ce fardeau. Et comme de bien entendu, Zorro, alias Stéphane Michaka descendu de son cheval, est arrivé me sauver la mise, sans se presser, le grand Stéphane Michaka.

Et puis, en plus le sacré bonhomme, il nous donne à découvrir presque une nouvelle Mona Cabriole «  : 27 ans, la meilleure plume musicale du Net, et une allure ravageuse qui n’avait rien de virtuel ». (page 15). Bon ça, d’accord, on le savait et on appréciait. Le pater Antoine, encore inconnu au bataillon, porté journaliste disparu en Afghanistan, c’est nouveau. Ça en dit long sur le caractère déjà bien trempé de sa fille qui reprend le flambeau à une autre échelle. Alors, vous pensez bien, quand Mona apprend qu’un homme asiatique badgé cinq pins à l’effigie d’Elvis Presley s’est fait dézingué au Champ de Mars, sans que son corps ne pointe à la morgue. Affaire d’état-major, affaire d’espionnage, toutes les pistes sont ouvertes pour qu’elle s’éclate. Et on ne s’ennuie pas, de rebondissements en rebondissements, plus dure sera la chute !

Stéphane Michaka s’est documenté sur Elvis. Il a même réussi à placer un concert de jazz, une première dans la série, c’est un génie. Il sait nous glisser dans une conférence de rédaction, dans l’appartement d’un syndic véreux, dans la peau d’Elvis et j’en passe ! Un véritable auteur qui s’enflamme pour son héroïne très chaste dans cet épisode. Elle doit aussi se remettre d’une estafilade les pieds en hauteur, histoire de faire taire la rumeur selon laquelle les pieds devant ont de l’avenir pour les vivants. L’essentiel n’est-il pas que Mona prenne son pied et nous avec elle, à la suivre, à lui coller au train, en amazone course poursuite sur son scooter et autres exercices physiques à haut risque. Exercice de style pour son auteur au fait de son art.

Je vous recommande bien volontiers, ces dernières aventures de Mona Cabriole mises en scène par Stéphane Michaka qui appelleront, comme le veut le concept de la collection, une suite bientôt à venir dans un autre arrondissement avec un autre auteur, à toujours nous étonner et donner à découvrir un Paris étrange et palpable aux sons rock ad hoc. Rien ne vous empêche également de vous plonger dans les 7 épisodes précédents.

Elvis sur Seine, de Stéphane Michaka, éditions la Tengo, 257 page, 19 janvier 2010, 9,95 euros

Soirée de lancement d’Elvis sur Seine le jeudi 20 janvier à la Librairie Longtemps à Paris

A l’occasion de la sortie d’Elvis sur Seine de Stéphane Michaka dans la collection de polars rock Mona Cabriole, les Editions La Tengo et la Librairie Longtemps vous invitent à une soirée le jeudi 20 janvier 2011. Au programme : Stéphane Michaka himself, Elvis Presley, Mona Cabriole, des pizzas, du vin, des bières, les libraires les plus cools du 19 et DJ Frédo Vargas.