Les Réseaux sociaux accouchent de la Rétrosexualité

Les Réseaux sociaux accouchent de la Rétrosexualité

Est-ce un mal ou bien moderne, on n’a pas encore le recul nécessaire pour le dire mais force est de constater que le triomphe des réseaux sociaux a de drôles de conséquences sur les comportements amoureux et sexuels de ses utilisateurs. Parmi le dernier phénomène en vogue voici donc la rétrosexualité. Explication(s).

En Septembre dernier Time magazine a exploré les rencontres sur Facebook pour en conclure qu’avec l’âge vieillissant de ses nouveaux membres - entre 30 et 50 ans - la tentation de retrouver et contacter ses "ex" a pris de l’ampleur. Une combinaison de curiosité et de temps à perdre devant son ordinateur font faire le pas aux nostalgiques du passé.

Et pour tous ceux qui font le plongeon dans l’amour recyclé, Boston Phoenix les a baptisé les rétrosexuels.

Alix Girod de l’Ain dans le magazine Elle du 16 octobre, s’est évidemment emparée avec humour du sujet et pense que "c’est la peur de l’inconnu qui pousse les célibataires à chasser en terrain conquis. Quant aux gens mariés, ils estimeraient que renouer avec un ex, ce n’est pas tromper son actuel conjoint, parce qu’il y a une sortie d’antériorité qui amnistie la faute.

Elle développe même en mode d’emploi assez détaillé pour réussir ses démarches : quel ton adopter pour aborder l’ex déniché, quoi mettre lors des éventuelles retrouvailles et utile, comment se défiler poliment s’il pèse 200 kilos.

Rétrosexualité, vice ou vertus ? Les savants de l’amour sont divisés. Pour le psychanalyste Robert Fuenza-Lorca, "le rétrosexuel est régressif. Le refus de tourner la page. On se relie sur ce que l’on connaît. Un parfait reflet du symptôme de la peur de l’inconnu. La démarche peut être ludique mais elle traduit surtout la régression et la fixation."

Caroline Bertignac n’y voit aucun refus d’évoluer. "C’est une manière d’avancer en y intégrant son vécu. Si on croit dans l’amour, on peut espérer une seconde chance. Je trouve plus inquiétant les gens qui effacent le passé."

Hélène, retraitée, a de la mémoire. Et, une passion pour Truffaut. En 1991, le réalisateur narrait les retrouvailles passionnées dans "la femme d’à côté". Elle, elle a son "homme d’à côté". Sur internet. "Pas un amant, plus qu’un ami. Il a marqué ma vie. Avec mon conjoint, on a des hauts et des bas. Qui peut dire : je suis totalement épanoui ? Je ne lui ai pas dit qu’un de mes ex est dans mes contacts. C’est un jardin secret. Peut-être une porte ouverte. Ce que je cherche ? Je ne sais pas. Sentir sa présence me suffit."

Serez-vous rétro-sexuel ?

L’ancienne interface de Facebook vous permet encore de rechercher les personnes que vous avez perdues de vue au cours de votre vie. On vous avait pourtant dit que c’était Facebook lite, qui était "de la bombe !" Pourtant qui n’a pas essayé de retrouver son ancien amour de collège, de lycée ? Une fois que vous aurez repris contact, avec lui ou elle, ferez vous comme tant d’autres ? Retenterez-vous le voyage vers la sensation de votre premier baiser ? Vivre une aventure rétro-sexuelle, voilà la magie de la réalité d’aujourd’hui.

Plus les réseaux sociaux existent, plus ils semblent adresser non des thématiques universelles mais des préoccupations culturelles et personnelles bien plus locales et intimes que les technologies qui y sont employées. Et l’âge où l’on se porte vers ces nouveaux jeux grandit, 30, 40, 50 ans.

Amusons-nous, deux jeunes amants d’aujourd’hui, peuvent se dire : "séparons-nous maintenant, dans 15, 20 ou 30 années, nos retrouvailles n’en seront que plus intenses, car nous vivrons une belle histoire rétro-sexuelle comme le font nos aînés, aujourd’hui."

Je ne comprends pas, à la lecture de mon agrégateur je croyais que le Web était affaire de jeunes, ou de natifs numériques, que les flux du Web domineraient la nostalgie, que l’objet stratégique tant rêvé était la recherche en temps réel et non la recherche ciblée de personnes dont les flots du temps nous avaient éloignés, que les personnes morales allaient venir rencontrer des personnes physiques pour partager un instant privilégié, dédié à la consommation et non que des flammes viendraient se rallumer sur l’autel de rapports touchants parce que désintéressés.

Ce qu’il y a d’amusant dans cette histoire, c’est qu’il y semble se dessiner la certitude que ce qui est raconté dans les médias, à propos du phénomène des réseaux sociaux, ne fait incidemment qu’effleurer les préoccupations des utilisateurs. Ce genre de constat devrait inciter les connaisseurs à plus d’humilité, et à changer d’état d’esprit avant que le fossé entre les usages réels et leurs croyances ne grandisse jusqu’à devenir infranchissable.

Alors vous êtes convaincus ???