« Les Vieilles Pies » chantent « Une Vie Formidable… »

« Les Vieilles Pies » chantent « Une Vie Formidable… »

Si jeunes et déjà virtuoses qui osent ce mélange des genres musicaux, « Les Vieilles Pies » vous convient à l’osmose musicale qui se mêle aux textes d’Arthur Rimbaud et Paul Eluard. Gabriel Saglio, artiste textuel et musical, n’est pas en reste. Avec sa joyeuse bande, il vous invite aux voyages sur des tessitures, épures de reggae, jazz, guinche guinguette et musique klezmer. Ces jeunes là généreux au partage aiment ouvrir leur table à un Jacques Brel et à de prestigieux musiciens, que c’en est un régal pour nos esgourdes sensitives ! Belle et longue vie aux « Vieilles Pies » !

« Si Beaux », dès le premier morceau sur des paroles et en avant la zizique d’un Gabriel Saglio à la voix et aux clarinettes, vous chavirerez tout au long de l’album. Vous voyagerez au gré de ses pulsions musicales à cheval sur les continents. J’entends les juifs errants du « Quartier des Granges » du Berlin des années 1900 qui débarquent leur bohème. « La douce folie des juifs de l’est, / Animera le bois de la clarinette » (in « Si Beaux »). En duo avec Jur Domingo et ses accents de liberté, je craque. Je danse ma folie douce sur le bureau du Bartos en désordre. Je m’accorde au mixage convulsif Hip-Hop avec la musique klezmer sur la voix d’un Jacques Brel qui nous confie que sa vie fut « Une vie formidable », donnant par la même le titre à l’album. Etonnant non la mélancolie sincère ? Instrumental carnaval, Hubert Plessis accordéoniste signe trois compositions aux confins du guinche où l’on s’entendrait voir apparaître l’ombre d’un Bernard Dimey qui lèverait son verre à la santé des musicos bien inspirés d’une belle équipe (in « Clémenville »). L’inspiration d’un Django au swing manouche en acolyte complicité d’un Stéphane Grappeli sur la route (in « Carabole »). « U-Beat » nous défigure le bit, Hubert Plessis toujours au piano à bretelles batelle en compagnie du DJ Antibiotik, ça scrache des sons électroniques dans une syncope d’Europe de l’Est foisonnante et bouffante. Quand une Java bonne fille vous prend par la pogne et enchaîne « Du Côté d’Ailleurs ». Youenn Rohaut introduit au manche ajusté de son violoncelle « Ton Sourire » sur une mélodie indienne.

Etonnant groupe qui vogue sur les vagues depuis Rennes lors de sa naissance en 2003 avec de jeunes musiciens en herbe d’à peine 19 ans. Je vous laisse devinez l’âge de toute la joyeuse bande aux jours d’aujourd’hui en 2010 ! « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans », la vie est « Roman » d’après Arthur Rimbaud mis en musique sur une rythmique reggae portée par la section cuivre de Zingabe. Je vibre ! Ces jeunes gens cultivés bien sympathiques vraiment « Si Beaux » : « Ce sera une nuit d’été, / Et nous serons jeunes, / Ce sera notre secret, / D’avoir été si beaux », conjuguent la musique de leurs invitations aux voyages et les mots des poésies. On croise encore Paul Eluard entiché d’un de ses fameux poèmes d’amour qui se mélange les gambettes dégingandées avec une partoche de bon aloi de Gabriel Saglio, encore lui toujours bien inspiré (in « Défier le Temps ! »).

Ils ont éclusé à 6 en groupe entre 2003 et 2006 les concerts en Bretagne (Rennes, Brest…). Après un album studio en octobre 2004 (« Utopies de Comptoir ») et un tabac à Rennes, adios, ils se quittent bon amis puisque leur chanteur et clarinettiste Gabriel Saglio se fait la malle un an en Afrique. En novembre 2007, ils ont signé « Samedi Soir » (CD + DVD en public). Ils se retrouvent, du moins une partie de la belle équipe des débuts tous en forme en 2008 à Toulouse, la ville phare des éclats musicaux. Et comme de bien naturel au cœur de la ville de Monsieur Nougaro, normal, des musiciens de la scène jazz se joignent aux réjouissances. En 2009 sur la place du Capitole, c’est le triomphe du Sud Ouest, 15 000 personnes acclament « Les Vieilles Pies ». Le moral gonflé à bloc, c’est tout naturellement qu’ils se retrouvent en 2009 au studio afin d’enregistrer leur troisième opus autoproduit : « Une VieFormidable ». Gabriel Saglio : chant, clarinette et clarinette basse / Hubert Plessis : accordéon / Youenn Rohaut : violon, chœurs / Florent Hortal : guitares / banjo / Rémi Bouyssiere : contrebasse, guitare basse pour l’enregistrement du CD et Matthieu Royer je suppose sur scène ! ainsi que Alban Cointe : batterie, chœurs.

Ils ont l’impulsion des pulsions militantes de créer le plus librement possible. Ils me rappellent ces éditeurs libertaires qui jettent tout leurs espoirs et leurs luttes dans la souscription afin de sortir et offrir à lire leurs livres. « Les Vieilles Pies » ont trouvé leur public loin des cancaneries parigotes. Ils ont l’authenticité et la générosité d’inviter à la gravure de leur dernière œuvre des artistes dignes de leurs talents conjugués. Mathieu Saglio, le frère bien aimé de Gabriel a prêté son violoncelle, (Allez frangin t’en fais pas / Ca va cesser ce brouhaha, / Et reviendra la belle musique, / Celle qui se fout de la métaphysique » (« Frangin ») Jur Domingo à la voix au fabuleux accent me retourne les tripes. Sans oublier la section cuivre de Zingabe au son afro-beat toulousain, Jordi Querol en mixeur klemzer / hip-hop chevronné, Dj Antibiotik dont j’ai déjà tout le bien que je pensais pour cet album et enfin Christophe Amelin qui m’a sciée littéralement ! En plus, pour ensoleiller notre écoute déjà ravie, « Les Vieilles Pies » ont bénéficié d’un des plus grands ingénieurs du son au Sud du Sud en la personne de Jacques Hermet.

Sur un simple battement d’aile, suspend ton vol à la cime de « La Coccinelle », 5,39 minutes de composition où la scie musicale de Christophe Amelin m’a scié les tripes. « Tumanle » a des intonations de Bratsch. « Ton sourire » du « Chercheur d’Or », la clarinette basse susurre au banjo de nous bouger les corps. J’aime aussi cette pochette terroir plouk, que n’aurait pas renié ce cher Dick Annegarn qui vit dans la région, avec les six musiciens de dos flanqués d’un âne ailé au stylo devant un champ.

Bref bref, tout est goulûment excellent dans cet album, vraiment à part et unique. De sa particularité affirmée au firmament de sa création collective dans le Sud Ouest, battons nous en chœur pour ce gage de qualité et de travail en grand partage que nous offre « Les Vieilles Pies » et soutenons les pour son envol. Je ne peux que souscrire et vous convier aux remerciements gravées dans la marbre de la pochette : « Continuons à faire (et) rêver ensemble pour que cette vie reste… formidable !!! »

Les Vieilles Pies : Une vie formidable, distribué par autre distribution, 8 novembre 2010