Avec Michael Caine, James Bond prend du plomb dans le pilon !

Avec Michael Caine, James Bond prend du plomb dans le pilon !

Les britanniques ont le polar d’espionnage dans le sang. D’autant quand il faut composer en 1965 avec un Michael Caine sorte d’antihéros de « IPCRESS Danger immédiat », antidote d’un Sean Connery avec tous les ingrédients et sans les adjuvants. Déroutant par la décontraction du héros au naturel qui s’acquitte sans chichis de sa tâche désinvolte aux ordres de sa gracieuse majesté. Œuvre pour le moins singulière et référence actuelle du genre dans un contournement osé du procédé avec des cadrages tout à fait peu ordinaires. A voir ou à revoir avec toute l’acuité nécessaire pour un plaisir non feint de ne pas rester sur sa faim.

Dans les années 1960, il était une fois en Angleterre deux auteurs qui se tiraient la bourre au son de leur production romanesque. Le très sérieux Ian Fleming inventeur de James Bond, joyeux drille très coincé, très attaché à sa garde robe smoking et au drink vodka-martini, mâtiné d’une certaine virilité contre faite. Tout le contraire du héros de Len Deighton créateur de son héros hors norme : Harry Palmer ! Un espion malgré lui, une sorte d’escroc sorti de taule après quelques affaires aux frais de la reine entre les américains et les allemands et engagé dans l’armée. Autre trait de caractère du sieur, n’est pas du tout indulgent avec la hiérarchie (je compatis), avec un petit air d’humour sarcastique très caractéristique. Du moins dans les films avec plusieurs suites, « IPCRESS » toujours avec Michael Cain radieux en tant que séducteur décontracté vieillissant. Vous reconnaitrez que la carrière du héros de Len Deighton comparé avec celui de Ian Fleming, au niveau de la longévité entre les deux, il n’y a pas photo. Etonnant, pourtant c’est Harry Salzman le producteur de Goldfinger qui se colle à débourser des ronds pour « IPCRESS » et c’est John Barry qui dirige les opérations musicales comme chez James Bond ! On arrêtera
les similitudes grotesques.

L’histoire somme toute banale : le docteur Radcliffe brillant scientifique britannique disparaît comme par enchantement en grimpant dans un train et son garde du corps clamse paisiblement à la gare. Harry Palmer incontrôlable se retrouve transféré des services secrets militaires au service de contre-espionnage aux ordres du major Dalby, l’homme qui rit dans les cimetières pour que vous imaginiez son sens de l’humour inné ! Palmer se voit notifier l’ordre de retrouver Radcliffe. Son regard myope derrière ses lunettes s’ouvre sur un malfrat d’origine albanaise et un dossier top secret qui porte la mention « IPCRESS ».

Imaginez James Bond au saut du lit en pyjama appuyant sur le champignon de son réveil à 8 heures du matin, moulinant son café à l’électricité et fin cordon bleu, c’est insensé et pourtant ! Michael Caine lui est capable de jouer ce jeu et même de casser des œufs d’une main, du moins en étant doublé. C’est pour vous dire la dextérité du héros qui n’en est qu’à ses balbutiements pour nous surprendre et nous tenir en haleine sans aucun gadget débile des supers grosses productions bondiennes qui nous en mettent plein les mirettes pour que dalle tant le scénario est à chaque fois insipide et se répète de films en films. Rien de tout cela avec « IPCRESS », on atteint même l’attention des films d’anticipation, pour vous dire. Il y a aussi de la part du réalisateur Sidney J. Furie dans ses images en contre-plongée et ses cadrages dans l’excès une accentuation à la propension du film noir.

La distribution des rôles tient la route, Nigel Green dans le rôle du Major Dalby et Guy Dolerman pas du tout doberman en tant que colonel Ross sont probants de fair-play ampoulé, quitte à se tirer dans les pattes. Sue Lloyd, charmante rousse qui a omis de se teinter les quinquets en vert, est redoutable pour Harry Palmer ! Michael Caine est parfait d’incongruité comme mauvais garçon au top de sa forme dans cet univers des bureaux et tracas administratifs digne d’un Kafka ! Et quand il sort au grand air, il s’en donne à cœur joie et l’action rebondit. On ne s’ennuie pas une minute. Et puis Londres en 1965 vaut son pesant de Tamise !

Un film attrayant, une mise en abîme du film d’espionnage qui ne partage pas toutes les fioritures des James Bond qui me donnent la gerbe, tellement ils sont convenus et nagent dans les miasmes. Franchement « IPCRESS Danger immédiat » vaut vraiment le détour, histoire aussi de se plonger dans le cinéma des années 1960 qui essayait de trahir la norme en vigueur pavée de bonnes intentions.

IPCRESS Danger immédiat de Sidney J. Furie, avec Michael Caine ¨ Nigel Green / Guy Dolerman / Sue Lloyd, 1965, Royaume-Uni, distribué par Carlotta Films, 109 minutes, copies neuves, au cinéma depuis le 20 octobre 2010