Même à Lisbonne, Eugène Green ne sera jamais mister Been !

Même à Lisbonne, Eugène Green ne sera jamais mister Been !

La religieuse portugaise d’Eugène Green raconte l’histoire d’amour entre Lisbonne et un réalisateur érudit et intello. Son héroïne à vouloir jouer une bonne sœur en reviendra grandie d’une famille selon l’opération du saint esprit Green. Les images sont d’une esthétique à couper le souffle, en revanche les dialogues aux liaisons appuyées sonnent l’oraison à l’humour toujours. Sourires s’abstenir, tirez la chasse… Heureusement un entretien du cinéaste dans les suppléments nous ouvre les quinquets sur la culture portugaise, mais delà à grimper aux cimaises….

Julie de Hauranne (Leonor Baldaque), jeune actrice française de mère portugaise et parlant aussi la langue du pays se rend à Lisbonne pour tourner un film. Elle doit donner sa voix plus que son corps à une religieuse qui s’est commise dans une correspondance amoureuse avec un officier français. Librement inspiré des Lettres portugaises de Guilleragues, le réalisateur Eugène Green s’explique quant au choix de cette thématique : « Tous mes projets de fiction, même si ça part de mon expérience, que ce soit un film ou un roman, le noyau de base me vient toujours dans une sorte d’éclat (…) Ca arrive toujours comme cela. Le noyau de cette histoire m’est venu il y a au moins douze ans à une époque où je n’étais pas encore allé au Portugal où je connaissais le Portugal à travers la littérature portugaise que je pouvais lire en portugais. Les deux éléments qui me sont venus c’est l’idée d’une actrice française qui va à Lisbonne pour tourner dans un film qui est inspiré des Lettres portugaises d’une part et sa fascination pour une vraie religieuse portugaise qui prie toutes les nuits dans une chapelle. (…) Je n’avais pas l’intention de faire une adaptation des Lettres portugaises, c’est seulement une référence parmi d’autres, mais cette référence était là dès le départ ».

Prenant le point de vue de l’esthétique sous le biais de la lorgnette de la caméra, Lisbonne devient un personnage à part entière et se met en scène lors des rencontres qui vont absorber Julie. Eugène Green part du postula selon lequel « rendre apparent par le cinéma le mystère caché dans la réalité ». Il s’y emploie avec chacun des personnages qui sont duels. Le dialogue entre la religieuse qui prie toutes les nuits à la chapelle de Nossa Senhora do Monte sur la colline de Graça et Julie est assez éloquent : Nous sommes tous plusieurs êtres / Ici, je suis la religieuse portugaise. / Comme moi. / Et ici j’ai aimé. / Comme moi. / Serions-nous une seule femme ? / C’est possible. Emprunt de ces paroles abyssinales pour une profane comme moi de la spiritualité en acte et qui a jeté aux orties ma culotte depuis ma prime enfance pour me défaire des dogmes que je dégomme afin de vivre le plus libre possible, je dois vous avouer, que sans l’entretien du cinéaste dans les suppléments, ce film m’aurait totalement échappé. D’une part je l’ai trouvé un peu chiant et pédant même si j’ai adoré les images léchées de la ville. Mais est-ce suffisant ? Toute cette théâtralité dans l’élocution de tous les intervenants devant la caméra mais aussi en voix off, avec l’utilisation systématique des liaisons entre les mots. Je ne suis pas du tout conquise par les explications de Eugène Green. « D’une manière générale, le texte est là pour éveiller des choses cachées dans les êtres qui disent les mots. (…) D’autre part, ça correspond à quelque chose de plus profond, Quand on fait une liaisons on rend apparent quelque chose de la langue française, qui autrement resterait cachée. Il y donc une justification métaphysique de cette technique ». Sachez pour votre gouverne que le 7 octobre sortira aux éditions Dibase le scénario du film La Religieuse portugaise, accompagné de la traduction des fados, du journal de la première semaine de tournage, d’un entretien d’Eugène Green avec Jérôme Momcilovic et de huit photomontages couleur du film, histoire aussi d’agrémenter vos soirées d’hiver et vous rejouer le film en liaisons dangereuses !

Le fado, le fa dans l’eau, justement, « La musique pour moi, c’est comme un commentaire. Le fado, c’est l’âme de Lisbonne ». J’aurai pu vous bassiner également avec des éléments très pointus de la culture portugaise dont il connaît tous les aboutissements et dont il truffe de références son film. Seulement j’ai les portugaises ensablées (désolée vraiment pour ce mauvais jeu de mot, c’est le Bartos qui a insisté !). On apprend beaucoup de choses grâce une fois encore l’élément clé dont Bodega et Carlotta Films en ont fait leur credo : les suppléments !

Vous pourrez aussi zieuter à loisir « Correspondances », un mini film d’Eugène Green de 2007 ou si vous préférez, les tribulations d’une correspondance par courriels entre deux jeune gens de bonne famille issus du 6 et 7ème arrondissement de Paname. Les cousins germains de Carmen Bramly et son Pastel fauve, que j’ai déjà égratigné en coup de pique tellement ça pue la mort chez ces jeunes qui s’ennuient grave à crever, même qu’il y un personnage qui se pend avec son écharpe. Le morbide ou Le charme discret de la bourgeoisie sans l’humour ravageur et jouissif d’un Bunuel !

Pour en revenir au film, avec sa religieuse en filigrane qui boursicote le cerveau lent de l’actrice jusque dans sa proposition d’enfant…. Il ne manquait plus la crèche sur roulettes pour croire au présage ! Mais que nenni l’impie sauvage descendue de son baobab, j’y pige que dalle. Heureusement qu’Eugène Green sait me rectifier, car j’ai encore tout faux ! Désolée mes cocos, je ne suis décidément pas assez intello et poétesse de mes fesses pour piger la nique de cette figure cinématographique. « Julie, quand elle arrive à Lisbonne est plutôt dépressive. Puisque elle a l’impression que sa vie est composée de fragments. Sa vie personnelle n’a pas de sens. On ne voit pas de lien entre sa vie et le reste du monde. La religieuse lui dit dans un dialogue : tout être homme ou femme cherche à donner la vie d’une manière ou d’une autre. En portugais, enfanter signifie donner la lumière. C’est un sens très concret d’accoucher, mais c’est aussi métaphysique. Elle a donné le sens à sa vie en sauvant la vie d’un homme. Elle a aidé son collègue comédien à continuer sa vie sentimentale avec sa compagne à Paris. Et, elle trouve l’idée sans avoir été enceinte qu’elle peut avoir un enfant et donner la vie à un enfant qui existe déjà mais qui se trouve dans la non vie, une négation de sa vie. (…) C’est une résolution de son problème et en même temps c’est une métamorphose qui lui permet de comprendre le sens de sa vie et pourquoi elle est à Lisbonne et ce que Lisbonne lui a donné ».

Oui en effet, dit ainsi, j’y vois plus clair ! Comme il est difficile de lui extraire un sourire au doux minois de Leonor Badaque, que j’en suis toute patraque ! Heureusement que la seule slave d’autodérision du film se situe tout au début, lorsque l’employé de l’hôtel apprend que Julie tourne un film et lui cingle la répartie selon laquelle tous les films français sont chiants. C’est un peu vrai pour celui-là dois-je avouer.

A vous de voir, mais surtout ne vous fiez jamais à mes critiques ni encore moins à celles des Cahiers du Cinéma « Entre emphase et humilité, une singulière et précieuse liberté » et la plus extatique et la plus chic provient des parigos bobos Inrockoruptibles solubles dans l’eau des mélos intellos : « Green réalise son film le plus accompli ».

La religieuse portugaise d’Eugène Green, master haute résolution, sous-titres français et anglais, couleur, 76 minutes, distribué par Bodega Films, 22 septembre 2010, 19,99 euros

Suppléments : Le cinéma comme révélation du caché (23 minutes) et « Correspondances » (2007, 39 minutes)