Ingrid de la jungle décrit avec précision sa captivité aux mains de la F.A.R.C.E. Le récit débute dans
l’intimité d’une saynète nocturne indescriptible en compagnie du bouc Marcelo, son seul véritable ami
dans la place, revenant sur l’une de ses vaines tentatives d’évasion. Le lecteur est ainsi fixé à la fois sur
la détermination de la prisonnière, sur sa plastique irréprochable (il faut bien vendre) et sur la raideur de
ses conditions de détention. Puis le récit revisite la chronologie de l’histoire, entre les affres de la captivité
d’Ingrid et les démêlés élyséens pour la sortir du guêpier où elle s’est fourrée comme une grosse conne.
De cette litanie de journées semblables, nous plongeant dans la vie quotidienne de la jungle, Ingrid
parvient à faire un album de « BD à gros nez » captivant de bout en bout ! Il faut dire qu’elle ne manque pas
d’imagination pour rendre la vie impossible à ses co-détenus et entretient des relations très très nuancées
avec ses geôliers : le chef de la F.A.R.C.E. ne serait-il pas pour elle un peu plus qu’un simple guerillero… ?

De l’autre côté du monde (mais il suffit chaque fois de tourner la page pour s’y rendre) alternent les
épisodes politiques, nous dévoilant toute la vérité vraie sur les rouages du pouvoir : Pourquoi le premier
ministre Dominique de Grillepin met-il tant de coeur à sauver Ingrid ? Que trame-t-il dans l’ombre de
l’affaire Paclearstream ? Le président Chibrac échappera-t-il à la prison ? Comment le nouveau président
Sarko orchestrera-t-il la libération d’Ingrid Pétancourt à son seul bénéfice et à part ça, connaîtra-t-il enfin
l’amour ? Qui est vraiment Edmond-Luc, l’étrange conseiller occulte qui parcourt le récit en filigrane ?...

Vous saurez tout en lisant Ingrid de la Jungle… et remonterez le temps sur deux mandats et quelques
années d’imbroglios qui vous rappelleront sans doute beaucoup de choses rigolotes… Même si tout ceci
n’est qu’une BD à l’humour glacé et sophistiqué, un acte militant pour le libre exercice de la caricature,
les auteurs ajoutant à la plus totale mauvaise foi la plus grande lâcheté, tiennent à préciser que comme de
bien entendu, toute ressemblance ou similitude avec des personnages ou des événements existants ou ayant
existé ne serait qu’une pure coïncidence, promis, juré, craché, croix de bois croix de fer, si je mens je suis
Gaston Defferre !

Dans tous les cas Ingrid de la jungle restera sans doute comme un des grands textes de la BD
concentrationnaire ! Il ne s’agit pas simplement d’un récit-choc, mais d’un vrai livre, profond et beau avec
des morceaux de fruits entiers dedans et quelques bons jeux de mots ! Il décrit une aventure humaine qui
reste palpitante malgré son caractère atrooooooooooooce, et un itinéraire spirituel qui force l’irrespect.
Euh, le « respect » je veux dire…

INGRID DE LA JUNGLE
par Serge Scotto, Eric Stoffel et Richard Di Martino
48 pages couleurs, Fluide Glacial, 10,40 euros.