Pour que la retraite soit une « jubilation »

Pour que la retraite soit une « jubilation »

En marge de la mobilisation contre la réforme des retraites, donnons un coup de projecteur sur des militant-e-s qui n’ont pas jeté aux orties leurs aspirations solidaires et autogestionnaires en vieillissant.

Depuis pas mal d’années, Thérèse Clerc, 83 ans, affirme que la vieillesse n’est ni une pathologie ni un naufrage. Et elle le prouve. Plutôt que de se laisser démoraliser par les oiseaux de mauvais augure qui agite la peur des maladies dégénératives pour remplir de coûteuses maisons de retraite médicalisées, elle a monté un projet de lieu de vie convivial basé sur quatre piliers : solidarité, autogestion, écologie et citoyenneté.

La Maison des Babayagas (du nom de sorcières russes) qui ouvrira en 2012 à Montreuil a souvent fait grincer quelques dents. Destinée exclusivement aux femmes âgées, elle est jugée « discriminatoire »… Loin d’être un couvent, la maison imaginée par la féministe et ses amies est pourtant bien ouverte sur le monde. C’est même un lieu où les vieilles ne veulent ni être en retraite ni en retrait. Toutes sortes d’activités (repas de quartiers, débats, soirées culturelles, soutien scolaire, ateliers d’alphabétisation…) y seront organisées.

Ailleurs, à Brest et à Toulouse notamment, les Babayagas ont fait des petits. Des projets similaires, avec quelques variantes en fonction des aspirations de chacun-e, sont en bonne voie. Des logis solidaires pourront ainsi voir le jour avec des couples.

Tournant le dos aux traditionnelles maisons de retraites et autres ghettos aux fonctionnements étriqués, des vieux veulent rester maîtres de leur vie et revendiquent l’autonomie politique. Qu’on se le dise ! Aux chiottes l’assistanat, la sollicitude, la compassion, les politiciens, les marchands de sommeil plus ou moins médicalisé… Une autre vieillesse est possible grâce à l’entraide et à la démocratie directe.

Quand on la questionne sur l’histoire de la Maison des Babayagas, Thérèse Clerc répond toujours que c’est une idée « bête comme chou ». En effet, c’est le B.A. BA libertaire pour qui envisage de vivre sans dieu ni maître en se débarrassant de ses chaînes et de ses boulets. Ce qui est vrai à tout âge de la vie, reste vrai au moment de la retraite quand nous avons tout notre temps pour réinventer collectivement notre quotidien et lutter contre les vautours qui s’engraissent sur le dos des vieux.

Ici des femmes, là des couples, ailleurs ce qu’on voudra. Il y a de la place pour toutes les utopies. À chacun de construire sa fin de vie en ville ou à la campagne, dans des logements sociaux ou dans des villages à retaper, dans des studios ou dans des communautés. Un projet de lieu de vie pour vieilles et vieux libertaires baptisé Nous autres est en gestation selon le principe qu’il « vaudra toujours mieux allumer une seule et minuscule bougie que de maudire sans fin l’obscurité ». Aucune philosophie n’ayant le monopole de la vieillesse, toutes les sensibilités politiques, syndicales et associatives peuvent réfléchir à la question.

En espagnol, retraite se dit jubilación. Au-delà des manifestations à venir contre la réforme des retraites, que naissent mille et une structures alternatives autogérées pour que la retraite soit le temps d’une jubilation bien méritée.


La Maison des Babayagas
envoyé par Regards2banlieue. - L’info video en direct.


878 C’EST CLERC !
envoyé par latelelibre. - L’info internationale vidéo.

À voir : Babayagas, un film de Thibault Férié (2008, 52 mn), diffusion KTO Grand angle production.

À lire : Danielle Michel-Chich, Thérèse Clerc, une Antigone aux cheveux blancs, éditions des Femmes (2007).

À l’appel des organisations syndicales CFDT, CFTC, CGT, FO, FSU, Solidaires, UNSA une journée nationale de grèves et de manifestations se déroulera le 7 septembre 2010 pour protester contre la réforme des retraites.

En illustration, un portrait de Thérèse Clerc.