Ander, « C’est un film honnête ».

Ander, « C'est un film honnête ».

Roberto Caston est un jeune réalisateur heureux qui nous a offert Ander, un film naturaliste sur la thématique d’un homme qui se réveille à l’amour d’un autre homme dans ses montagnes du Pays Basque. Merde à toutes les discriminations et à l’homophobie ! Ander est un film trop rare et fraternel qui nous laisse une once d’espoir dans l’acceptation et la réalisation de son épanouissement contre tous les préjugés familiaux castrateurs.

Sur une sujet simple : Ander la quarantaine, paysan et ouvrier, vit avec sa sœur et sa mère au chalet montagnard. Sa soeur va se marier et quitter la maison. Un jour, il se casse la jambe. Un étranger, José, jeune péruvien vient le remplacer le temps de sa convalescence. Il va bouleverser la vie de la famille et révéler à Ander son éloge de la différence. D’autres personnages secondaires émaillent les relations entre les héros dont Reme la prostituée qui attend encore avec son enfant, le retour de son mari. Pour toujours être raccord avec le réalisateur et surtout ne pas trahir ses propos, je préfère lui donner le plus possible la parole. Son discours est tiré du supplément au film : « L’Honnêteté avant tout » (rencontre avec Robero Caston, le réalisateur de Ander).

« Le projet du film est né en 2007, grâce au directeur du Berdindu, un service d’attention au public, gay, lesbien et transsexuel qui est rattaché au gouvernement basque. Le directeur m’a demandé d’écrire un scénario sur le thème de l’homosexualité et le transsexualisme avec un objectif socialement intégrateur ». Pour au moins deux bonnes raisons, Roberto Caston a été choisi : car il est le président du festival du film Gay-Lesbo-Trans de Bilbao et parce qu’il a fait des études cinématographiques. « J’ai donc écrit le scénario. La production avait trois exigences. D’abord, une thématique gay, lesbienne ou transsexuelle. Ensuite, une histoire se déroulant au pays basque. Pas forcément en langue basque. Et enfin, un budget réduit. (…) Ce qui m’intéressait le plus c’était de parler de l’homosexualité dans un milieu non urbain. (…) C’est quelque chose que l’on ne voit jamais dans le cinéma espagnol et très peu dans le cinéma européen et mondial. ». N’étant pas basque et n’habitant le pays basque que depuis 7 ans, Roberto craignait de tomber dans les clichés. « Je savais, nous savions tous, qu’une erreur de casting aurait été fatale, pour ce film ». Pari gagné, tous les personnages sont à leur place et jouent à la perfection leur rôle ! Josean Bengoetxea dans le rôle de Ander, encore bravo ! Il a beaucoup aidé pour engager les autres actrices et acteurs basques. Il ne manquait plus que deux personnages non basques : un vrai Péruvien vivant en Espagne. Christian Esquivel est parfait, fin très doux dans le rôle de José. Et enfin Mamen dans le rôle de Reme, qui jouera la prostituée au grand cœur flanquée de son bambin qui rabiboche les corps frustrés et sait comprendre les fêlures des hommes, figure aussi très importante du film.

« Le personnage d’Ander est quelqu’un de très complexe, de très humain. Il exprime beaucoup de choses avec peu de mots. Il a tout un univers en lui qui ne demande qu’à être révélé. Mais il ne peut pas le révéler tout seul, parce que c’est aussi ça le caractère basque, le caractère rural de façon générale. C’est avec l’aide des autres personnages qu’il va pouvoir extérioriser ses sentiments et permettre à son univers intérieur de surgir. Ces personnages doivent venir d’ailleurs, pas de son quotidien ». Pour le moins étriquée et fermée, la vie d’Ander se résume par son réveil à l’aube pour aller bosser en usine et puis le reste de la journée s’occuper du champ et du bétail. « Les personnages à l’entour alimentent son mutisme ». C’est aussi pourquoi l’importance de Reme la prostituée qui est aussi riche que lui de on monde intérieur. « C’est une femme qui a souffert. Mais elle est émotionnellement intelligente. Pas avec elle-même. Seulement avec autrui ». Elle aide Ander à se sortir de son monde intérieur. Et bien entendu, il y a José qui vient d’un autre monde : le Pérou ! Pour ainsi dire aucun Basque n’est allé au Pérou. « Ander va se rapprocher de José. José le traite avec respect et l’appel patron ». Dès qu’il le voit, Ander est attiré par lui. Sa sincérité, ses dents blanches le séduisent. « Il y a donc une espèce de rapprochement maladroit qui finit par évoluer vers cette explosion sexuelle. Seule, la mère se rend compte de ce qui se passe. Elle devient le personnage le plus objectif. Elle est objective mais porte un jugement. ». Toute cette relation se vit dans la temporalité, le temps que Ander retrouve la santé et que sa jambe soit guérie, après, José est supposé disparaître de la circulation des montagnes. « On a donc José qui va réveiller les sentiments cachés d’Ander. On a Reme la prostituée, qui attend le retour de ce mari. (…) On se retrouve avec trois personnes seules sous le même toit ». On est très loin du veau des villes, du couple fusionnel à trois d’un Jules et Jim à la Truffaut qui prônent l’amour libre. On ne part pas du tout sur la même base relationnelle et émotionnelle. Puisque c’est la solitude et la peur d’aimer qui relient avant tout ces trois êtres attachants. L’homoparentalité est posée comme une interprétation politique par Roberto. « Un nouveau modèle de famille qui est tout à fait légitime ». Pour sûr ! Chez les bonobos, nous n’avons pas ce sushi des représentation sexuelles normées que vous avez, vous autres humanos fétides et complètement coincés. Je n’arrête pas de le tonner ! « Il n’y a pas un modèle de famille standard qui fonctionne. Il peut y avoir plusieurs modèles de familles ». D’autres interprétations existent, Roberto laisse à son public le soin d’y réfléchir.

Roberto se réclame du style de film proche du documentaire. «  C’est l’aspect naturaliste du film documentaire qui m’intéressait ». Nombreux sont les plans fixes et séquences. La lumière est très naturelle et se situe dans des décors réels, la prise de son est directe. Encore plus étonnant dans cette performance filmique, il n’y a pas de musique dans ce film, à part celle qui provient de la radio de Ander en mode jazzistique.

« C’est un film honnête. L’honnêteté est une obsession, pour moi. (…) C’est ce qui fait la force de ce film ». Je n’ai rien à rajouter aux propos du réalisateur, si ce n’est l’espoir de bientôt voir son prochain film sur les écrans et entendre sa voix qui prône le respect des différences.

Ander de Roberto Caston, avec Josean Bengoetxea, Christian Esquivel, Mamen, version originale sous titrée en français, master haute définition, couleurs, durée : 124 minutes, distribué par Bodega Films, juin 2010, 19,99 euros

Suppléments :
L’honnêteté avant tout (23 minutes). Une rencontre avec Roberto Caston, le réalisateur / Maricon (2005) court métrage de Roberto Caston (8 minutes) / Bande annonce