A la bouquinerie, Véronique Brill : « j’ai chanté la couleur énormément »

A la bouquinerie, Véronique Brill : « j'ai chanté la couleur énormément »

De son parcours singulier, du Land art à la photographie, Véronique Brill distille et éclate les couleurs de son enthousiasme, du port de Marseille à celui de Rotterdam. C’est tout naturellement à Montalivet qu’elle s’est installée l’été. La bouquinerie, lieu fraternel d’amour de la vie, aime aussi sortir de ses pages pour s’ouvrir à de nouveaux langages des sens et du regard. Bienvenue Véronique et encore bravo à Delphine et Eric pour votre accueil si chaleureux digne des Gens du Médoc !

Le Mague : Par rapport à ce que l’on peut voir de si agréable à la bouquinerie aujourd’hui, peux-tu te présenter et nous dire ton parcours pour en arriver là, avec tes photos qui nous exposent les mirettes et se confondent presque dans le paysage ?

Véronique : J’ai débuté par le Land art. Je travaille dans le paysage et sur les pierres que je mets en équilibre. Je conçois des silhouettes que j’appelle les Guetteurs que je prends en photo. Lesquels Guetteurs vont regarder la beauté du monde et sa transformation. Que ce soit la démolition d’un quai, d’une industrie, la construction d’une autoroute ou simplement l’éclat de ce qui nous entoure. Je suis devenue insidieusement photographe. Mes installations au début n’étaient que des traces de ce que j’avais fait, puis peu à peu, j’ai commencé à me dire, si je prenais l’appareil photo je pourrai créer autre chose. Et là j’ai commencé à faire des installations pour la photo ce qui n’est pas du tout la même chose, parce que là il y a toujours un regard sur la perspective, la lumière que l’on veut, sur ce que je vais vouloir montrer. Je suis devenue photographe à ce niveau là.

Le Mague : Et donc par la photographie, as-tu l’impression d’avoir ouvert ton champ de vision sur un autre domaine qui peut être visible plus facilement et par un grand plus grand nombre, que tout ton travail autour du Land art qui est beaucoup plus éphémère ?

Véronique : Dans mon travail de Land artiste, j’ai l’instantané quand je fais une performance, c’est-à-dire une installation devant le public où là le travail va être totalement éphémère. Par la photo j’ai pu rentrer dans un autre univers et raconter autre chose. Plus que les traces, c’est cela qui m’a poussée vers la photo. Quand je parle de transformation du paysage, la transformation du monde, je pense à la construction d’une autoroute par exemple, puisque j’ai travaillé sur l’A 89 en Auvergne. C’était un paysage sublime qui tout à coup devient ouvert, éclaté, comme si on y faisait une gigantesque opération sur la peau de la terre. Et c’est cela que j’avais envie de montrer. Sans juger, puisque je ne suis pas en train de dire : non, les autoroutes ce n’est pas bien. Mon propos n’est pas là. C’est ce que l’homme fait à la terre, ce que la terre montre aussi et nous donne. C’est un basculement ainsi et la photographie m’a permis de rentrer dans ce travail là aussi et donc d’aller plus loin que dans mon travail de Land artiste.

Le Mague : Tu travailles en argentique ou en numérique ?

Véronique : J’ai commencé par l’argentique bien sûr et j’ai continué par le numérique, à partir du moment où j’ai su que les tirages que je pouvais faire étaient garantis dans le temps. Ce qu’ils sont actuellement avec le travail que je fais là.

Le Mague : Mais alors aujourd’hui à la bouquinerie qu’est-ce que l’on peut voir ?

Véronique : On ne va pas du tout voir de Land art, mais deux thèmes importants de mon travail purement photographique. Ce sont deux ports. D’abord Marseille, puisque j’ai commencé en tant que Land artiste à suivre la démolition d’un quai. Et puis par des péripéties diverses je suis rentrée dans le port. J’ai été émerveillée par ce lieu et j’ai fait des photos, un portrait du port à travers ses coutures, ses couleurs, les hommes, l’abstraction, les reflets, les cordes, les chaînes. Tout ! J’ai chanté la couleur énormément.

Le Mague : Aujourd’hui nous sommes un 14 juillet, je ne peux m’empêcher de penser à Léo Ferré qui est décédé à cette date ! Clin d’œil à ce cher Léo qui a écrit une superbe chanson intitulée justement Rotterdam. Et dame, je sais que ce port a été aussi pour toi une sacrée source d’inspiration pardi.

Véronique : Il y a donc eu un travail à Marseille et j’ai eu la chance d’être invitée à faire une exposition à Rotterdam par l’Alliance française. Et là, j’ai découvert un autre lieu et j’ai eu envie de montrer la différence de couleur, de lumière. J’ai été subjuguée par ce port. Différence énorme aussi dans la conception et la préhension du port dans la ville, C’est une évocation du travail que j’ai pu faire à Rotterdam, puisque avec cette expo à la bouquinerie qui s’est ouverte très récemment, nous avons eu l’idée Delphine et moi de rentrer dans cette aventure.

Le Mague : Quels seront les prolongements de cette belle aventure ? Quels sont tes projets et pourra-t-on voir cette exposition ailleurs ?

Véronique : Cette exposition on le verra qu’ici et c’est tout. Par la suite je vais montrer un travail sur Rotterdam qui va s’appeler « Le voile » qui tourne autour de la réparation navale et que je vais montrer à Rotterdam. Et puis après, où le vent me portera.

Le Mague : Etant donné que nous sommes dans le Médoc, qu’est-ce que cette merveilleuse région t’inspire en créations ?

Véronique : Le Médoc est un lieu où je passe toutes mes vacances et même plus puisque j’y travaille aussi. C’est un lieu qui m’est extrêmement cher. Je travaille beaucoup à Montalivet. Je suis à Montalivet au CHM (centre (naturiste) helio marin). Ce qu’il y a de particulièrement incroyable, c’est par Montalivet que j’ai commencé le Land art, que j’ai été invitée à participer à des festivals, et c’est par Montalivet que je suis partie à Rotterdam. Montalivet est un point crucial qui m’emporte dans plein d’endroit différents. J’y ai rencontré de superbes personnes. J’ai eu la chance de rencontrer Eric et Delphine qui tiennent la bouquinerie et je pense qu’il y a une belle amitié qui est née. Pour moi Montalivet et le Médoc, c’est quelque chose de très important. J’adore ce lieu, j’adore l’océan. Peu à peu je découvre la magie du lieu. Le Médoc est un lieu assez secret. On ne voit pas tous les trésors qu’il y a dans cet endroit assez magique. Et la bouquinerie est un lieu magnifique !

Le Mague : Si tu as quelque chose à ajouter à ton émerveillement et à tes images qui nous distillent les pupilles que c’en est un plaisir ?

Véronique : Il y a aussi ce lieu à découvrir, la bouquinerie. Parce que Delphine et Eric l’ont montée dans sur un site improbable à la campagne, avec une qualité de livres assez extraordinaire, un choix incroyable. C’est vraiment à encourager et à découvrir une initiative pareille. Qualité d’accueil, qualité humaine et havre de paix extraordinaires et on y découvre des trésors et ce n’est qu’un début !

Le Mague : Ce n’est qu’un début, continuons le combat !

Véronique : rire merveilleux et communicatif …

Où y a des rats crevés / Comme y’en a à Paris / Où y a des chats croisés / Avec des vieilles souris / Où y’en a pas qu’d’ l’import / Où y’a bien loin du port / Des amants qui se font / Et puis se défont / Où y’a pas que des bank-notes / Au seuil des minijupes / Et des mecs qui s’occupent / A placer leur cam’lotes / Y’a des malheureux / Qui donneraient leur cul / Si en donnant son cul / On était bien heureux / Si au moins ça pouvait ressembler à Rotterdam…Rotterdam de Léo Ferré (extraits)

La bouquinerie, les Ourmes, 4 chemin des Geais, 33340 à Queyrac. / téléphone : 05 56 59 11 46 / courriel : lolad@club.fr

Pour se rendre à la bouquinerie depuis Vendays-Montalivet, sur la place de l’église, prendre la route du bois du fil direction Coudessan. A environ à 3 km de Vendays et avant Coudessan, prendre la route sur la gauche qui indique la bouquinerie par une flèche.