Un homme délaissé

Un homme délaissé

J’ai longuement hésité avant de t’écrire cette lettre. Mais cette fois,
tu
as dépassé les bornes. Dans l’espoir qu’il me comprendra et en dernier
recours, je l’e-maile ce jour sans t’en informer à Frédéric
Viniale.

Olivier, je n’en peux plus. Je me tire. Y en a marre. Depuis que tu
écris
sur ce journal qui passe tous les jours sur Internet, tu as changé.
J’ai
essayé par tous les moyens de te le faire comprendre mais tu ne me
regardes
même plus. Je suis devant un mur qui n’a pas d’oreilles et qui n’a plus
d’
yeux que pour lui-même.

Tu n’as même pas remarqué que je suis rentré à
5
heures du mat cette nuit mais avais-tu seulement remarqué mon absence ?
Oliva mon Oliva, je suis malheureux et tu ne le vois pas. Cela fait
trop
longtemps que je me sens seul sur le quai. Aujourd’hui je craque. La
vie est
devenue intolérable. Tu n’as plus que ce Mag à la bouche et le rêve
parisien, oui, le rêve, Olivier, il est temps que tu ouvres les yeux,
ce n’
est pas la réalité, où est l’argent promis, Paris n’est pas gratuit et
tu le
sais parfaitement. Fi d’argent, ce n’est pas lui que tu vises. C’est le
regard du monde sur toi qui te fascine. Au début, je partageais ce rêve
avec
toi mais t’en souviens-tu ? J’étais tellement heureux de tous ces
projets,
de ton nouveau poste à ce journal, et de te voir si heureux. Te
souviens-tu
de cette soirée merveilleuse que nous avions passée pour fêter ton
affiliation de rédacteur en chef ?

Te souviens-tu cette bouteille de
champagne que nous avions dégustée aux chandelles en écoutant la
Balançoire
en feu de Malicorne, qu’on avait passée en boucle pendant toute la nuit
 ?

J’avais toujours cru que nous étions plus que cela tous les deux. Je
t’en
veux pour les jours passés à m’endormir le soir avec la tristesse et à
me
réveiller le matin avec la tristesse et tous ces moments de désespoir,
d’
impression d’être une grosse merde. Quelques semaines avant, j’essayais
de
te prévenir en passant et repassant ce disque, de ce qu’il se passait
mais
tu avais déjà cessé d’être attentif. J’ai envié les défunts. Pourquoi
étaient-ils morts, alors qu’on les pleurait, eux qui étaient aimés, et
pourquoi étais-je en vie, moi, alors que j’étais si seul ? Il n’y avait
pas
de justice.

Tu me diras que tout ça, c’est dans ma tête, alors s’il te
plait
sors de toi cinq minutes et change de place et tu comprendras comment
tout
ça a pu y arriver, dans ma tête ! Tu m’avais toujours dit que jamais tu
ne
me ferais souffrir, que rien ni personne ne pourrait jamais nous
séparer. Je
ne fais pas de parano, je constate. Tu ne m’aimes plus. En plus ce
magazine
est très con. (Pardon monsieur Vignalle-Veber mais il faut bien
qu’Olivier
prenne conscience du fait qu’il est sur une pente sablonneuse).

Très
fier d’
avoir été un des premiers pacsés de France, laisse-moi rigoler
doucement
Oliva ! C’est fini tout ça. Et puis, tu as vu ces commentaires que tu
suscites ? Non mais tu te rends compte ? Je commence à croire que tous
ces
gens ont raison, qu’ils ont vu clair en toi, bien plus que moi qui vit
avec
toi depuis de si longues années ! Mais l’amour est aveugle, n’est-ce
pas ?
Car je t’aime Oliva, je t’aime comme un fou et toi tu ne vois rien. Je
n’
existe plus pour toi. Cette fois j’en suis certain, le doute n’est plus
permis. La semaine dernière, c’était mon anniversaire Oliva. Et tu l’as
oublié. C’est la première fois depuis que nous nous connaissons, la
première
fois ! Tu as sonné là notre glas. Sache que c’est ce qui a déclenché
mon
acte de t’écrire ici, sur ce magazine qui est devenu mon rival. Je te
réponds sur ton propre terrain. J’ai passé mon jour d’anniversaire dans
un
climat de solitude et de tristesse indicibles. Nous n’en reviendrons
pas.

J’ose croire, monsieur Vignale-Webers, qu’il n’y a jamais rien eu entre
vous
et que vous mettrez cela en ligne, si vous avez un tant soit peu de
coeur.
Je joins la jaquette du disque de Malicorne, pour qu’elle rappelle à
certain
qu’il fut un temps où l’amour comptait plus pour lui que sa
pseudo-gloriole
maladive qui ne lui ressemble pas.

Olivier, tu te trompes de chemin. Je t’aimais. Sois heureux.

Jean-Louis.

Souffle le vent, volent les cheveux

Malheur est un chemin creux

Souffle le vent, volent les cheveux

Bonheur est une balançoire en feu

Souffle le vent...

Malicorne, Balançoire en feu, Mélodie distribution

Malicorne, Balançoire en feu, Mélodie distribution