JE SUIS UN PETIT POETE

JE SUIS UN PETIT POETE

Je suis un petit poète. J’ai commis une dizaine d’ouvrages tirés chacun à moins de deux cents exemplaires dont un certain nombre me reste sur les bras. Mon petit monde est en vase-clos.

Chaque année au Marché de la Poésie, place St Sulpice, je me mélange à d’autres petits poètes et petites poétesses, grisonnants et bedonnants. On reconnaît un poète, à son âge certain, à sa barbe en bataille, à ses longs cheveux négligés et à son ventre souvent proéminent. On reconnaît une poétesse à … non, j’arrête là, un peu de galanterie, voyons ! De toute manière les poétesses sont jolies, fréquentent assidûment le coiffeur et l’esthéticienne. Mais revenons à notre petit poète. Je suis un petit poète qui pense que la postérité lui rendra justice. Ignoré de ses contemporains, son tour viendra, c’est sûr ! Le problème c’est qu’on parlera enfin de lui, bien des années après sa mort ! Si on parle de lui...Gloire posthume et poésie sont souvent synonymes...

En attendant, notre petit poète va de cercle en cercle, de cénacle en cénacle, propager la bonne nouvelle ! On s’apprécie mutuellement, on se lit entre poètes à défaut d’être lu par un public plus large ! Tout va bien dans le meilleur des mondes. Populaire est un gros mot, succès une injure, célébrité et reconnaissance un blasphème. Cependant, ce petit monde demeure attachant, sorte de village culturel à la traîne de notre époque, en dehors du temps et de la mode. Les gardiens du temple poétique sont des baby-boomers soixante-huitards qui veillent au grain mais pour combien de temps encore ?

Que réserve l’avenir à notre petit poète ? De gros nuages menacent son ciel.

Toujours l’argent, toujours l’argent ! L’argent manque à certaines revues de poésie qui peu à peu disparaissent. Le petit poète meurt symboliquement. Il est peut-être déjà mort depuis longtemps !