Démocratisation sauvage de la culture : de la confiture aux cochons

Démocratisation sauvage de la culture : de la confiture aux cochons

Certains philanthropes trop bien intentionnés aimeraient démocratiser le sacré, le mettre à la portée de l’homme profane.

Quel gâchis ! L’Art est perverti lorsqu’il est offert en pâture au peuple. Ce dernier est incapable d’accéder à la Beauté. Par immaturité, parce qu’il a une sensibilité vulgaire, parce que ses goûts sont grossiers, parce qu’il n’a pas reçu d’initiation. Le peuple se laisse volontiers abrutir par les films commerciaux hollywoodiens, il en redemande même, alors qu’il méprisera royalement les chefs-d’oeuvre cinématographiques pleins de poésie, de charme et de délicatesse. En matière de cinéma, le peuple est avide d’effets spéciaux, de scènes spectaculaires, d’explosions, de violence, etc. (normes des films américains actuels), et demeure définitivement hermétique aux évocations plus poétiques.

Il en est de même en musique : notre époque est sous le règne de la musique commerciale abrutissante. Nous assistons au triomphe de la "musique fast-food", vendue principalement à une jeunesse écervelée. Les radios généralistes (Europe 1, RTL, RMC, etc...) éduquent le goût musical du peuple en abaissant systématiquement le niveau.

Aussi je revendique le droit à l’élitisme culturel, le droit au refus de la médiocrité, le droit au combat contre l’impérialisme insidieux des radios généralistes. Ces dernières sécrètent un lait insipide et ramollissant qui abreuve les masses indolentes. Je ne veux pas ressembler au peuple de veaux tétant quotidiennement ces antennes. Intarissables fontaines prodiguant aux bovins leurs doses d’inepties musicales, de vains propos ménagers... Je ne veux pas être nourri aux granulés industriels d’une culture américanisée, aseptisée. Je ne veux pas être un produit issu des usines à penser. Je rejette totalement cette culture de masse induite, encouragée par la publicité la plus outrancière. Je n’adhère pas aux discours parfaitement irresponsables quant aux vertus de la tolérance vis-à-vis du prochain, qui serait lui aussi un parfait abruti élevé en batterie.

Non, je ne suis pas tolérant vis-à-vis de ces veaux que sont la plupart de mes semblables. De Gaulle n’avait pas tort d’affirmer que les français sont des veaux ! Imaginez aujourd’hui Chirac assénant pareille vérité devant les caméras ! Oser dire que le peuple français est un troupeau de veaux est un discours qui ne passerait plus de nos jours. Parmi ceux qui se disent gaullistes aujourd’hui, je suis persuadé qu’aucun n’aurait le courage de dire une vérité aussi impopulaire. On taxerait cet homme d’intolérant, de fasciste...

De Gaulle pouvait se permettre pareille liberté : à l’époque le peuple était peut-être moins abruti que maintenant. En ce temps la télévision ne prenait pas la parole, elle n’était pas l’invitée principale de la famille le soir. Les gens n’étaient pas encore tous amollis et acceptaient qu’on leur dise certaines vérités. Ils n’étaient par encore élevés en batterie. Néanmoins les français étaient quand même des veaux selon les critères gaullistes de l’époque.

Je suis sans doute un petit fasciste dans mon comportement aux yeux de certains. Mais je préfère cela plutôt que ressembler à l’homme de la rue fier d’être un anonyme et de n’avoir aucun préjugé ni aucun sentiment subversif sur le monde qui l’entoure, soucieux de paraître aimable, c’est-à-dire fade, lisse, paisible, bovin jusqu’au bout, envers et contre tout.

Je suis de ceux qui veulent réserver le sacré aux initiés. D’ailleurs le peuple n’a rien à faire de ces histoires sacrées. Tout ce qui l’intéresse, c’est de vivre à l’horizontale : toucher un salaire, bénéficier d’une bonne retraite, être un bon assuré social, jouir des biens industriels mis à sa disposition. Le peuple, par sa dégénérescence culturelle, ne mérite pas d’être mis dans le secret des dieux.

Je ne crois pas à la démocratisation du sacré. Tant que la télévision, les radios et les journaux feront bêler les foules, ces dernières n’auront pas accès à ces chères étoiles qui brillent au-dessus de la tête des élus.