Claude Jacquot : l’homme qui adore photographier les femmes nues tout simplement

Claude Jacquot : l'homme qui adore photographier les femmes nues tout simplement

Après mon coup de cœur pour son ouvrage « Nues tout simplement 2 », j’ai voulu connaître le sacré bonhomme, artiste photographe et éditeur, qui déclenchait et titrait les femmes nues au naturel, dans le plus complet dépouillement et veillait à un climat de complicité propice à ses images. Unique et pas du tout commerciale, cette mise à nu volontaire, révèle l’amour de cet homme agréable en toute humilité à toutes les plastiques vivantes Ce qu’il nous dit de son art, c’est que toutes les femmes nues sont belles et épanouies au regard et à la passion.

Le Mague : Quels ont été tes premiers émois pour la photographie et à quand remontent-ils ?

Claude Jacquot : Vers l’âge de 12 ans, la peinture m’a d’abord attiré, avec Modigliani, Renoir, Botticelli. Mais le premier émoi photographique est le Nu provençal de Willy Ronis. Cette photo m’a donné envie de photographier les femmes nues.

Le Mague : Tu possédais une galerie et tu as déjà exposé de sacrées grosses pointures du nu en noir en blanc, tels Uwe Ommer et Lucien Clergue. Au contact de ces artistes en quoi ta vision du corps de la femme a évolué ?

Claude Jacquot : Des photographes de nus et de différents domaines de la photographie se sont succédés, pendant 12 ans dans la galerie 3.14, inaugurée par Lucien Clergue, en janvier 1990. Pendant ce temps, je continuais à photographier Toutes les Femmes, car je n’ai jamais photographié un corps, mais une Femme, jamais placé de belles lumières mais me suis intéressé à elles…

Le Mague : Comment expliques-tu le succès de ton épopée à travers les deux tomes de « Nues tout simplement » ?

Claude Jacquot : Probablement parce que, avant tout, j’écoute les femmes. L’idée du livre me tenait à cœur depuis 25 ans. La décision a été prise en 2007, je présentais la prè-maquette dans les salons du livre, j’ai été porté à réaliser ce livre par les commentaires de nombreuses femmes. J’avais depuis longtemps un regard critique sur les photos et les livres de nus. J’étais persuadé que le jeu de la lumière et des ombres sur un corps, l’érotisme, les mises en scène, les décors extraordinaires, conçus et réalisés par des hommes, ne suffisaient pas ou plus exactement étaient de trop. Une des différences principales, je ne dirige pas, je propose, elles choisissent les lieux et les poses. Je pense juste regarder, respecter et montrer autrement les femmes,

Le Mague : Quelles étaient les réactions du public au cour de tes rencontres lors des salons du livre ou de tes expositions ?

Claude Jacquot : Dès la sortie du livre « Nues tout simplement 1 », j’ai présenté une exposition à Arles pendant les RIP (Rencontres internationales de la photographie), les commentaires ont été immédiatement favorables et enthousiastes, avec souvent beaucoup d’émotions. Cela dépassait ce que je ressentais, ce que je pensais avoir mis dans ce livre. L’idée d’un tome 2 s’est vite imposée. L’impression de faire œuvre utile me paraît évidente. Un soir, à deux pas de la galerie arlésienne, Christian Lacroix présentait son défilé dans le théâtre antique avec 40 mannequins d’une minceur extrême…

Le Mague : Tu ouvres « Nues tout simplement 2 » sur un magnifique nombril qui porte un pantalon mais n’a pas de prénom et nous interpelle : « Pour moi, c’est déjà beaucoup de montrer cette parcelle de ma peau… ». A quel degré de panique, cette sacré pudeur qui nous traumatise toutes et tous, se plaçait lors des séances de photos avec tes modèles féminins ?

Claude Jacquot : Un petit clin d’œil avec ce nombril, en effet pour dire qu’un peu de peau montrée pour l’une est l’équivalant parfois pour une autre d’une pose plus suggestive et audacieuse. Et c’est tout l’intérêt de la diversité. C’est en effet chaque fois différent, mais cette petite ou grande panique est toujours présente au tout début de la séance car c’est une première pour toutes ces femmes. Plusieurs d’entre elles, d’ailleurs, évoquent ou racontent ces premiers instants dans le livre. Mais j’ignore pourquoi ça se passe bien.

Le Mague : Tu as une démarche pas du tout commerciale, qui se situe hors champs du carnaval des photos racoleuses de femmes. Tu peux nous expliquer ton but qui n’est pas de créer « une image exceptionnelle, de la beauté artificielle et éphémère » comme tu le précises ?

Claude Jacquot : En effet un livre commercial aurait été conçu autrement. Je le réalise moi même, je n’ai donc pas eu de refus d’un éditeur inquiet pour les ventes. Ce livre intimiste est en tirage limité, très peu diffusé en librairies car je tiens beaucoup à mettre en avant la démarche, comme il est fait avec ces lignes. Beaucoup d’acheteurs du tome 1 ont commandé ce tome 2. Quant au but, la pratique de la photo de nu a été pour moi une thérapie à ma grande timidité. Grâce aux photos, je pouvais approcher les gens. Puis, la première femme complexée, photographiée, il y a plus de 25 ans, m’a écrit une lettre dans laquelle elle dit tout le bienfait de la séance photo. Elle est à l’aise avec les gens, dans la rue, en société, etc… Je n’ai cessé dès lors de demander à toutes les femmes que je photographiais nues d’écrire un petit texte. La photo m’a aidé et je suis heureux d’apporter à mon tour à d’autres personnes. J’ai donc une préférence pour les femmes timides.

Le Mague : Tu m’as dit que tu avais travaillé en numérique tes magnifiques photos. Quand je compare la qualité de tes tirages avec la photo argentique, j’en reste sidérée ! Qu’est-ce que le contexte du numérique apporte en confort et en technique à un artiste photographe de talent ?

Claude Jacquot : La première séance photo pour le premier livre a été réalisée avec l’appareil 6x6 Hasselblad et boîte à lumière, mais j’ai vite trouvé incongru tout ce matériel pour des photos que je voulais très simples, naturelles, vraies. Toutes les photos sont réalisées avec un reflex numérique, beaucoup moins impressionnant, et en lumière ambiante.

Le Mague : Toutes les femmes de tous les âges, de tous les physiques et de toutes les conditions sociales peuvent devenir ton modèle, ce qui est si rare, si formidable et rend ton travail unique ! Quelles sont à ton avis leurs motivations ?

Claude Jacquot : Les femmes se projètent dans mes photos, elles se mettent facilement à la place des femmes photographiées, âgées de 18 à 73 ans, dans le livre. L’on n’est plus dans les photos de rêve des magazines dits féminins, où elles restent sur le seuil et ne peuvent que rêver et acheter les crèmes pour tenter d’approcher les femmes « idéales » du papier glacé.

Le Mague : Tous tes modèles nous livrent par écrit leurs impressions. Elles ont toutes un phrasé, un style personnel accompli. Comment expliques-tu ton rôle de détonateur / libérateur de toutes leurs peurs face à ton objectif et face à la page blanche ?

Claude Jacquot : Sans doute que la sincérité de mon propos se voit, mais je suis mal placé pour en parler, ce qui est sûr c’est que ça se passe toujours très bien. C’est profond et ancien en moi cette histoire. Je n’ai pas de recettes à dévoiler, je reste moi-même, beaucoup plus proches des femmes que des hommes. On me dit souvent : ne changez rien.

Le Mague : Pour te contacter, te rencontrer, devenir ton modèle, faire venir tes expositions, comment doit-on procéder ?

Claude Jacquot : C’est important de préciser que je ne passe pas d’annonces pour rencontrer ces femmes présentes dans mes livres. Par contre certaines femmes sont touchées par ma démarche et m’ont contacté. Je leur propose alors de m’écrire un petit texte pour qu’elles expliquent les raisons, les motivations à vouloir poser nue. La plupart des rencontres ont été faites lors de salons du livre, expositions, séances dédicaces. J’ai été très touché d’être invité par un groupe de femmes et par la Ville de Pélissanne en Provence, pour la Journée de la Femme à présenter une exposition de Nues et mon livre. Je continue à répondre aux sollicitations, aux commandes, aux demandes de séances dédicaces ou de présentation d’expositions. Contacts tel 06 08 61 82 68 et sur le site : www.atelier314.com

Le Mague : Quels sont tes projets et si tu veux rajouter quelque chose, surtout ne te gènes pas.

Claude Jacquot : Il me paraît difficile de ne pas penser à un tome 3, car j’ai fait depuis d’autres belles rencontres, donc d’autres histoires intimes à raconter.