Les écolos normands se pincent pour s’assurer qu’ils ne rêvent pas. Jeudi 28 janvier, à Gonfreville l’Orcher, se tenait l’avant-dernier rendez-vous du débat public. Le collectif SOS Estuaire avait accroché une banderole devant la salle de réunion et ses militant-e-s apportaient la contradiction face aux responsables du GPMH. Chacun campait fermement sur ses positions. Au petit matin du dimanche 31 janvier, 250 courageux-seuses ont bravé le froid avec bottes et jumelles pour observer la faune et la flore menacées dans la zone humide et manifester leur opposition au GPMH. Aujourd’hui, nous apprenons que le GPMH aurait l’intention de « reporter » son projet de prolongement du grand canal du Havre.

Résumé des épisodes précédents. Après les 1000 hectares de zones humides (vasières, frayères...) utilisées pour construire Port 2000, le Grand Port Maritime du Havre envisageait de bétonner 500 nouveaux hectares pour créer un parc logistique et un parc à conteneurs où le camion aurait été roi. Cet espace, une “mare plate”, a un rôle fondamental dans le fonctionnement hydraulique de la réserve naturelle. De plus, il est le refuge de 200 espèces patrimoniales. En bien moins exotique et sans effets spéciaux, le scénario pouvait faire penser au film Avatar... D’un côté, des capitalistes prêts à dévaster des richesses faunistiques et floristiques pour faire un max de profits. De l’autre, un peuple qui ne demande qu’à vivre en paix avec une nature déjà bien abîmée.

La « confidence » rapportée par la Presse havraise ce matin est une bonne nouvelle pour la nature. C’est une victoire provisoire pour les écologistes que le GPMH caricature en les assimilant à des passéistes. Air connu. Pour les écolos, parce qu’il ne tient pas compte des grands bouleversements écologiques planétaires, c’est le projet du GPMH qui appartient aux vestiges du passé. Dans des cahiers d’acteur bien fournis, plusieurs groupes écologistes proposent des alternatives techniques et économiques plus respectueuses de l’environnement qui misent notamment sur le renforcement du trafic fluvial (avec l’aménagement du canal de Tancarville) et l’augmentation du trafic ferroviaire. Option vers laquelle s’orienterait à présent le GPMH…

Quelle comédie s’est jouée lors de la récente réunion du débat public ? Quelle comédie sera jouée jeudi ? Les écologistes sont heureux, mais ils ne baissent pas la garde. Après tout, le GPMH n’abandonne pas son projet pharaonique, mais ne ferait que le reporter. « Ce répit permettra, nous l’espérons, au port du Havre, mais aussi à tous ceux qui se sont déclarés en faveur de ce projet, de réorienter leur réflexion vers une alternative qui prenne mieux en compte les défis environnementaux de notre temps », déclare SOS Estuaire dans un communiqué.

Pas né-e-s de la dernière pluie, les écologistes ne se laissent pas hypnotiser par la nouvelle. « Nous allons maintenant tout faire pour que la mare plate soit protégée juridiquement et intégrée à la ZPS (Zone de protection spéciale) et à la réserve naturelle, poursuit SOS Estuaire. Madame Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, qui vient d’annoncer un plan de protection des zones humides en France en droite ligne avec la Journée internationale de protection des zones humides, sera sollicitée pour mettre en œuvre cette protection. L’année 2010 a été proclamée par les Nations Unies année internationale de la biodiversité. La protection définitive de la mare plate, avec son exceptionnelle diversité, ainsi que l’ensemble de la réserve naturelle serait donc un acte concret qui donnerait tout son sens et sa crédibilité à cette proclamation ! »

Le site Internet de SOS Estuaire.

Photo : Roger Legrand/BB Flirt.